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Le 13 juillet 2020

Responsabilité du fait de l’existence et du fonctionnement de l’ouvrage public

Le maître de l’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s’il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d’un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

Mme D soutient que les travaux de voirie réalisés en 2015 à proximité immédiate de sa propriété ont occasionné pour elle divers troubles de jouissance liés à une visibilité accrue de son terrain depuis la voirie construite en surplomb et à un surdimensionnement du carrefour giratoire, ainsi que des nuisances occasionnées par une augmentation du trafic, par l’absence de dispositif d’évacuation des eaux de ruissellement et par l’éclairage public du rond-point. Mme D, qui a la qualité de tiers à l’égard des ouvrages publics que constituent le carrefour giratoire et la voie nouvelle créés à proximité de sa propriété, demande ainsi réparation de dommages liés à l’existence même et au fonctionnement normal de ces ouvrages. Ces dommages présentant le caractère de dommages permanents de travaux publics, Mme D est tenue de démontrer le caractère grave et spécial des préjudices qu’elle prétend subir.

Si Mme D fait valoir que les travaux d’aménagement du carrefour giratoire ont entraîné une importante surélévation de la voirie et rendu sa parcelle plus visible, il résulte de l’instruction, en particulier du plan d’exécution des travaux et des photographies produites, que les travaux litigieux ont suivi la pente du terrain naturel et que le rehaussement du niveau du sol rendu nécessaire pour réaliser le carrefour giratoire est, au droit de la propriété de la requérante, tout au plus de soixante centimètres. Ni le constat d’huissier produit par Mme D, lequel a au demeurant été effectué alors que les travaux de voirie n’étaient pas achevés, ni aucun autre élément produit par la requérante n’est de nature à remettre en cause les relevés topographiques figurant sur ce plan d’exécution. Ainsi, la vue supplémentaire sur le terrain de la requérante depuis cet ouvrage public est limitée, d’autant plus que la commune a prévu, ainsi qu’il résulte de l’étude d’aménagement paysager qu’elle produit, de contenir cette vue par la plantation d’arbres de haute tige en limite de propriété, dont il n’est pas contesté qu’elle n’a été différée qu’en raison de la présente procédure contentieuse. Il ne résulte pas de l’instruction que le rond-point litigieux, créé en vue notamment de sécuriser l’accès aux écoles, situées rue de la Croux et rue du Treuil, et de limiter la vitesse sur la route de Quinssat tout en permettant aux transports en commun de l’emprunter, serait surdimensionné alors, au demeurant, que son rayon est conforme aux recommandations du Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques. Au surplus, Mme D, qui a déposé le 5 août 2013 une demande de permis de construire au soutien de laquelle elle avait joint un plan de masse faisant apparaître de manière très précise le rond-point alors envisagé ainsi que la nouvelle voie de liaison à créer, avait, contrairement à ce qu’elle soutient, connaissance de ces éléments avant même l’acquisition de son terrain le 22 novembre 2013 et était ainsi, à cette date, en mesure d’en déduire qu’elle s’exposait au risque dont elle fait état, ainsi que le fait valoir en défense la commune. Il ne résulte pas de l’instruction, notamment pas des seules allégations de Mme D qui ne sont pas corroborées par des éléments suffisamment précis, que la voie de liaison créée à partir de la rue de la Dame et aboutissant au rond-point en cause, dont l’objet est, ainsi qu’il a été dit, de favoriser l’accès aux écoles pour les usagers empruntant cette rue, aurait engendré un important surcroît de trafic, notamment de poids lourds, contournant les carrefours de la route départementale reliant Vichy à Thiers et traversant le centre de la commune d’Abrest.

Mme D ne fait état d’aucun préjudice pour elle tiré de l’absence de dispositif d’évacuation des eaux de ruissellement, alors au demeurant que la commune fait valoir, sans être contredite, que le dévers du trottoir situé au niveau de la propriété de la requérante se dirige vers la chaussée où sont collectées les eaux pluviales. 

Si Mme D invoque une nuisance liée à la forte puissance de l’éclairage public installé au centre du rond-point dont l’un des projecteurs est dirigé vers l’intérieur de sa chambre, les deux seules photographies produites, prises de nuit et résultant d’un constat effectué par un huissier le 26 septembre 2016, ne permettent pas d’établir la gêne alléguée à l’intérieur de la pièce alors que les projecteurs, éteints à partir de 23h30, ont été réglés pour diffuser un niveau d’éclairement minimal et que les résultats photométriques produits par la commune montrent la faible intensité de la diffusion de cet éclairage public au-delà du carrefour. 

Il résulte de tout ce qui précède que les différents chefs de dommages invoqués, examinés dans leur ensemble, ne peuvent être regardés comme présentant un caractère grave et spécial dont la charge excède celle qu’il incombe normalement de supporter au riverain d’une voie publique.

Référence: 

- Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 7 juillet 2020, req. n° 18/00417