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Le 04 juillet 2019

La SCP Z-D, liquidfateur judiciaire, a souhaité entreprendre la réalisation des biens immobiliers appartenant à M. X, à savoir une maison d’habitation située […] lui appartenant en propre et en totalité et un autre bien immobilier à Mont Notre Dame qui constitue un bien commun avec son épouse. Le liquidateur s’est heurté à une déclaration d’insaisissabilité faite sur ces deux biens immobiliers devant notaire le 22 décembre 2008 et publiée le 7 janvier 2009.

L’art. L.526-1 alinéa 1er du Code de commerce, dans sa version en vigueur lors de la déclaration d’insaisissabilité litigieuse et de sa publication, applicable au litige, dispose': "Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. Cette déclaration, publiée au bureau des hypothèques […], n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant."

L’art. L.526-2 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose: "La déclaration, reçue par notaire sous peine de nullité, contient la description détaillée des biens et l’indication de leur caractère propre, commun ou indivis. L’acte est publié au bureau des hypothèques [ ] de sa situation. Lorsque la personne est immatriculée dans un registre de publicité légale à caractère professionnel, la déclaration doit y être mentionnée. [ ] ".

Dans cette affaire, il ressort des pièces que la déclaration d’insaisissabilité a été faite devant notaire le 22 décembre 2008, qu’elle porte sur une maison d’habitation située à Mont-Notre-Dame  constituant la résidence principale de M. X et cadastrée section […], n°87 et n°82, qu’elle mentionne que les parcelles cadastrées section AD n°82 et 85 appartiennent en propre et en totalité à M. X et que la parcelle […] dépend de la communauté de biens avec Mme A, qu’elle a été publiée au bureau des hypothèques (devenu service de la publicité foncière) le 7 janvier 2009 et a été mentionnée au registre du commerce et des sociétés le 10 février 2009. Elle est donc régulière au regard des dispositions de l’art. L.526-2 précité.

Cette déclaration a été faite et publiée pendant la période d’observation de la procédure de sauvegarde, soit avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, mais après la date de cessation des paiements, fixée rétroactivement par le jugement d’ouverture du redressement au 12 août 2008, soit pendant la période suspecte.

L’art. L.632-1 du Code de commerce énumère les actes qui sont nuls de plein droit lorsqu’ils sont intervenus après la date de cessation des paiements. Depuis le 1er juillet 2014, la déclaration d’insaisissabilité fait partie des actes interdits pendant cette période suspecte. Mais avant cette date et à la date de la déclaration de M. X et de sa publication, cet acte n’était pas interdit.

La déclaration d’insaisissabilité ne fait pas non plus partie des actes susceptibles d’être annulés en application des art. L.632-2 et L.632-3 pour reconstituer l’actif du débiteur.

Par ailleurs, il résulte des art. L.622-1 et L.622-3 du Code de commerce que pendant la période d’observation de la sauvegarde, lorsqu’un administrateur est désigné, il est chargé par le tribunal de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l’assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d’entre eux, mais le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d’administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l’administrateur.

Ainsi, M. X n’était nullement, à l’époque où il a fait cette déclaration, dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens par le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde comme il l’est en revanche dorénavant par l’effet du jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

En outre, l’art. L.622-7 II du code de commerce énumère les actes que le juge-commissaire peut autoriser pendant la période d’observation. Il peut notamment autoriser le débiteur à accomplir un acte de disposition étranger à la gestion courante de l’entreprise.

La déclaration d’insaisissabilité ne fait pas partie des actes que le juge-commissaire peut autoriser. Elle ne constitue pas un acte de disposition puisqu’au contraire elle vise à maintenir un ou plusieurs bien(s) dans le patrimoine du débiteur. Elle n’entrait pas non plus dans la mission de l’administrateur.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que sauf à priver l’art. L.526-1 du code de commerce de toute portée, une déclaration d’insaisissabilité régulièrement publiée ne permet pas au liquidateur judiciaire d’intégrer les biens concernés dans l’actif du débiteur dès lors qu’elle a été faite avant l’ouverture de la liquidation judiciaire.

La déclaration d’insaisissabilité faite par M. X est donc parfaitement opposable au liquidateur judiciaire.

Référence: 

- Cour d'appel de Reims, 1ere chambre, sect. civile, 2 juillet 2019, RG n° 18/01483