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Le 02 novembre 2019

 

En vertu de l’art 1147 du Code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part .

Certes, l’établissement de crédit est toujours libre, sans avoir à justifier de sa décision qui est discrétionnaire, de proposer ou de consentir à un client un crédit, quelle qu’en soit sa forme, de s’abstenir ou de refuser de le faire ; que le seul fait pour le prêteur d’accorder ou de refuser un crédit ne peut en lui-même être constitutif d’une faute .

Toutefois, un accord de principe donné par une banque implique que les conditions définitives de l’octroi de son concours restent à définir, et oblige celle-ci à poursuivre, de bonne foi, les négociations en cours ; que le prêteur engage sa responsabilité, s’il manque à son obligation de loyauté dans le déroulement et la rupture des négociations qui sont préalables à la conclusion d’un contrat de prêt .

En l’espèce il est constant que la société civile immobilière Roque a fait face à d’importantes difficultés de trésorerie, à compter de l’année 2014, et qu’elle a engagé avec la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Stanislas des négociations en vue de la régularisation d’un nouveau contrat de prêt (dit de prêt de restructuration) destiné à couvrir les échéances impayées des trois prêts initialement souscrits de 106 714,31 euros, 300. 000 euro et 580. 000 euros .

Une première offre de prêt a ainsi été émise par l’appelante, le 18 décembre 2014, portant sur un prêt d’un montant de 120. 000 euro, d’une durée de dix mois, moyennant un taux d’intérêt nominal fixe de 3,40% l’an ; que ce projet a cependant été abandonné, en raison de l’impossibilité de concrétiser une délégation d’assurance souscrite auprès de la société ABP Prévoyance, devant conditionner la conclusion dudit contrat de prêt .

Unen seconde offre a donc été établie par la caisse de Crédit Mutuel Nancy Stanislas, courant 2015, laquelle était destinée au rachat de la totalité des échéances impayées concernant les trois prêts, s’élevant à l’époque à 99. 200 euro, et à permettre le financement des six échéances à venir de ces derniers, ainsi que le paiement des frais et garanties liés à cette opération .

Ce prêt accordé à la société civile immobilière Roque qui portait sur une somme de 140 .000 euro, remboursable sur une durée de six mois, devait être établi, à la demande du prêteur par acte notarié, dressé par maître Catherine , notaire ; qu’aux termes d’un courriel en date du 29 juin 2015, ce notaire a toutefois indiqué à l’appelante qu’elle ne pouvait régulariser le prêt envisagé, dans la mesure où le taux d’intérêt prévu au projet (3,40%) était supérieur au taux de l’usure applicable aux emprunteurs non commerçants (2,87%) .

Par courrier en date du 1er juillet 2015, la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Stanislas a indiqué au notaire qu’elle ne donnerait pas suite à l’offre, qu’elle avait préalablement transmise, et a sollicité la restitution de la somme de 3 000 euros avancée par elle, en vue de la rédaction de l’acte notarié .

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 juillet 2015, l’appelante a notifié à la société civile immobilière Roque la déchéance du terme des trois prêts et a mis en demeure cette dernière de lui verser la somme totale de 725. 573,70 euro. 

Si au final aucun contrat de prêt n’a été conclu entre la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Stanislas et la société civile immobilière Roque, il est démontré que les négociations menées depuis 2014 avaient cependant abouti à un accord de principe sur l’octroi d’un prêt de restructuration qui était d’un montant équivalent aux arriérés des trois prêts .

Dans ses conclusions d’appel, la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Stanislas reconnaît à cet effet que les parties s’étaient accordées sur le montant du crédit, son taux nominal, ainsi que sur ses modalités de remboursement ; que le second projet était en effet suffisamment abouti pour que l’appelante fasse un virement de 3 000 euros à l’étude notariale, et qu’elle établisse, le 3 juin 2015, une délégation de pouvoir au profit d’un clerc de notaire pour la représenter au jour de la signature de l’acte authentique .

Compte tenu de l’existence de cet accord de principe sur l’octroi d’un quatrième prêt à l’intimée, la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Stanislas était tenue de poursuivre de bonne foi avec sa cliente la négociation du contrat ; or, entre le courriel daté du 29 juin 2015 du notaire et le prononcé de la déchéance du terme (7 juillet 2015), l’appelante (la caisse) ne justifie pas qu’elle se serait rapprochée de la société civile immobilière Roque, en vue de discuter d’un remaniement de son offre, afin notamment de tenir compte des remarques du notaire sur le taux d’intérêt envisagé, lequel était supérieur au taux d’usure .

L'appelante n’avance aucun obstacle technique ou financier, quant à la révision des conditions de l’offre transmise au notaire, s’agissant en particulier du taux d’intérêt prévu, afin que celui-ci soit ramené à taux inférieur au taux d’usure .

La Caisse de Crédit Mutuel Nancy Stanislas fait valoir qu’elle n’a commis aucune faute, dans la mesure où elle était contrainte de prononcer la déchéance du terme des trois prêts, compte de tenu de la prescriptionencourue sur les arriérés de ces derniers ; que postérieurement au prononcé de la déchéance du terme, l’appelante affirme par ailleurs avoir reçu, le 24 août 2015, le gérant de la société civile immobilière Roque, de sorte qu’il ne peut être soutenu qu’elle aurait rompu de manière brutale les négociations qui étaient toujours selon elle en cours .

Elle ne verse cependant aux débats aucun historique des paiements qui démontrerait que la prescription relative aux trois prêts souscrits respectivement en 2001, 2006 et 2007 par la société civile immobilière Roque était en voie d’être acquise, lorsqu’elle a pris sa décision au mois de juillet 2015 de lui notifier la déchéance du terme ; qu’il n’est pas établi en effet que cette sanction prise à l’égard de l’intimée aurait été motivée par la nécessité impérieuse de garantir le paiement de sa créance, en tout ou partie, comme elle l’affirme .

Certes, la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Stanislas justifie avoir maintenu avec sa cliente des relations commerciales postérieurement à la déchéance du terme des trois prêts ; qu’en effet, elle a reçu, le 24 août 2015, le gérant de la société civile immobilière Roque en vue de l’établissement avec elle d’un inventaire de son patrimoine immobilier, dont la vente était envisagée dans le cadre du paiement de sa dette .

Il n’est pas justifié cependant que ce rendez-vous avait pour objet de discuter avec l’intimée des nouvelles modalités du prêt, suite aux observationsdu notaire sur le taux d’intérêt fixé ; que la banque venait en effet de lui notifier la déchéance du terme des trois prêts, et de la mettre en demeure de lui régler le captital restant dû, ainsi que les échéances impayées .

S’il ne peut être reproché à l’appelante d’avoir refusé de consentir le prêt sollicité par l’intimée, elle a néanmoins manqué à son obligation de bonne foi, comme le relève le premier juge, en rompant soudainement les négociations relatives à l’octroi d’un prêt destiné à sauver sa trésorerie, sur lequel elle avait donné un accord de principe, dès le début de l’année 2014, et qui s’était concrétisé par la transmission au notaire, courant juin 2015, d’une offre en vue de sa régularisation par acte notarié .

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a considéré que la Caisse de Crédit Mutuel Nancy Stanislas avait manqué à son obligation de bonne foi dans la rupture des négociations engagées avec la société civile immobilière Roque . Elle doit indemniser la cliente de son préjudice.

Référence: 

- Cour d'appel de Nancy, 2e chambre, 31 octobre 2019, RG n° 18/02110