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Le 30 mai 2020

 

En vertu des dispositions combinées des articles 689 et 691 du Code civil, les servitudes non apparentes, qui n’ont donc pas de signe extérieur de leur existence, tel que la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu’à une hauteur déterminée, ne peuvent s’établir que par titres ;

Les appelantes ont fait grief au jugement querellé d’avoir fait droit à la demande de démolition sous astreinte des consorts X/C en considérant que l’extension et l’édification d’un auvent sur le quai de déchargement situé sur les parcelles AW 423 et 424 constituait une violation d’une servitude de nonédification prétendument stipulée à l’acte notarié du 15 décembre 1989 sur une bordure de quatre mètres entre les deux fonds alors que cet acte ne prohibe sur cette bande de quatre mètres de large que la circulation de véhicules.

Les consorts X/C rétorquent que l’interprétation par les premiers juges de la servitude grevant les fonds servants n’est pas erronée mais au contraire fidèle à la commune intention des parties .

Aux termes d’un acte notarié portant aménagement de servitude, dressé le 15 décembre 1989 entre M. E F, gérant des SCI Les Mimosas et les Tulipes, et M. G A et Mme H I, son épouse, alors propriétaires de l’ensemble immobilier situé […] à Montmorot, désormais propriété des consorts X/C, il apparaît que dans l’acte d’acquisition de cet ensemble immobilier intervenu entre les époux A et la SA Société Salinière de l’Est le 29 mars 1967 était stipulé au profit du fonds acquis une servitude non aedificandi prohibant la construction d’immeubles collectifs d’habitation ou de bâtiments à usage administratif, commercial, artisanal ou industriel grevant les parcelles AW n° 195, 196 et n° 107 ayant pour périmètre la partie ouest du cercle ayant pour centre l’angle nord-ouest du bâtiment principal et pour rayon une distance de 80 mètres ; qu’il est relevé que la parcelle AW n° 196 est ultérieurement devenue propriété des époux A suivant acte notarié du 16 novembre 1973 et que par une modification cadastrale, les parcelles anciennement numérotées 196 et 107 portent désormais les n° 423 et 424 .

Cependant, l’acte du 15 décembre 1989 a autorisé, par dérogation à la constitution de servitude susvisée, la construction, dans l’emprise de cette servitude, de bâtiments à usage commercial notamment sur les parcelles appartenant aux SCI Les Mimosas et Les Tulipes sous les réserves suivantes :

* la hauteur des bâtiments ne doit pas excéder cinq mètres à compter du niveau du sol,

* les bâtiments ne doivent comporter aucune ouverture offrant des vues sur la propriété des époux A,

* toute circulation de véhicules est prohibée sur une bande de terrain de quatre mètres de large à partir de la limite est des parcelles constituant le fonds servant,

* les activités exercées ne doivent présenter aucune nuisance à l’égard du fonds dominant notamment par le bruit ou les odeurs et les éléments d’équipements de ces immeubles ne doivent présenter aucun inconvénient de voisinage à raison de leur fonctionnement .

L’acte confère enfin à ses dispositions valeur de servitude .

Il est admis qu’un contrat doit s’interpréter, si nécessaire, d’après la commune intention des parties plutôt qu’au sens littéral de ses termes, conformément à l’article 1156 ancien devenu 1188 du même code .

C’est avec justesse et par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu qu’au vu de la servitude non aedificandi et de son aménagement, ainsi que du plan de masse annexé à l’acte du 15 décembre 1989, déposé au soutien de la demande de permis de construire, ayant valeur contractuelle pour avoir été signé par les parties à l’acte, et de la référence faite, tant dans l’acte que dans le plan matérialisant une bande de quatre mètres entre les fonds dominant et servants, aux règles d’urbanisme applicables sur la zone à la date de l’acte, dont il n’est pas contesté qu’elles prévoyaient, dans l’article INA7 du plan d’occupation des sols, que les constructions non contiguës devaient être édifiées à une distance de quatre mètres de la limite séparative des fonds, il y avait lieu de considérer que la commune intention des parties avait été de réserver une zone vierge de toute construction sur une bordure de quatre mètres entre les fonds .

Le jugement entrepris est par conséquent confirmé en ce qu’il a retenu une servitude de non édification grevant les parcelles AW n° 423 et 424 appartenant respectivement à la SCI Les Tulipes et à la SCI Les Mimosasau profit du fonds appartenant aux consorts X/C .

Et ur la demande de démolition de l’ouvrage :

La seule édification d’un ouvrage en violation d’une servitude de non édification suffit à établir le bien fondé de la demande de démolition sous astreinte sollicitée par les propriétaires du fonds dominant .

La SCI Les Mimosas et la SCI Les Tulipes prétendent que leur responsabilité ne saurait être engagée à ce titre dans la mesure où leur gérant a, aussitôt qu’il a été informé par les consorts X/C de l’ouvrage litigieux, fait diligence auprès de la SAS NFL Distributions, preneur commercial de la SCI Les Mimosas, et de la mairie de Montmorot afin que la difficulté soit résolue et que sa locataire se mette en conformité avec la législation en vigueur .

Toutefois une servitude, selon l’article 637 du Code civil, est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ; qu’il s’agit donc d’une charge ayant un caractère réel, dont est nécessairement débiteur le propriétaire du fonds servant en cas de violation de la servitude quand bien même l’édification serait le fait d’un tiers, en l’occurrence d’un locataire, puisqu’en tant que bailleur commercial il lui incombe de faire observer la servitude grevant le fonds donné à bail ;

En l’espèce le bail consenti à chacune des sociétés commerciales par les appelantes ne vise en aucune manière la servitude grevant les fonds loués .

C'est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont retenu que, si la couverture métallique du quai avait été retirée avant la clôture des débats, la violation de la servitude perdurait en raison de la subsistance du quai de déchargement bétonné et ont condamné sous le bénéfice de la solidarité la SCI Les Mimosas et la SCI Les Tulipes à procéder sous astreinte à la démolition de celui-ci, réalisé sur la parcelle n °424 mais empiétant sur celle numérotée 423, propriété de la SCI Les Tulipes, dès lors que la démolition d’un ouvrage érigé en violation d’une telle servitude conventionnelle s’impose en raison du caractère réel du droit transgressé .

Référence: 

- Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 28 avril 2020, RG n° 18/00989