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Le 15 janvier 2021

 

M. M. verse aux débats les actes notariés des 28 avril 2008 et 9 février 2011 établissant son droit de propriété sur la parcelle E74, sur l'emprise de laquelle se trouve l'assiette du chemin litigieux, comme en ayant hérité pour moitié de son père, M. Jean M., et pour moitié de sa tante, Mme Marthe M.

Pour obtenir l'infirmation du jugement entrepris, l'appelant fait valoir que la procédure de classement du chemin dans la voirie publique dont se prévaut la commune d'Etalante n'avait pas opéré de transfert de propriété au profit de cette dernière.

Il doit être rappelé que le classement dans la voirie routière communale n'a pas en lui-même pour effet d'opérer transfert au profit de la commune d'un fonds dont elle n'est pas propriétaire.

L'article 2 de l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales, alors en vigueur, donnait compétence aux conseils municipaux pour décider notamment de l'ouverture de voies communales. Il n'en demeure cependant pas moins que l'article 4 de cette ordonnance, qui prévoit quant à lui une procédure simplifiée d'acquisition de la propriété par la commune, en disposant que les délibérations du conseil municipal portant reconnaissance et fixation de la largeur d'une voie communale, lorsqu'elles sont approuvées ou exécutoires, attribuent définitivement au chemin le sol des propriétés non bâties dans les limites qu'elles déterminent, moyennant une indemnité amiable ou établie comme en matière d'expropriation, ne s'applique que dans le cas limitativement prévu de l'élargissement d'une voie existante, dont l'assiette est donc déjà la propriété de la commune. La création d'un chemin communal nouveau, et, partant, l'acquisition du foncier nécessaire, qui était certes de la compétence du conseil municipal en application de l'article 2, nécessitait néanmoins la mise en oeuvre des procédures de droit commun, à savoir l'acquisition à l'amiable ou par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique.

Il ne peut donc être retenu que la délibération du 22 septembre 1979, qui a classé le chemin litigieux dans la voie communale, ait par elle-même emporté transfert à la commune d'Etalante de la propriété de son assiette.

Force est par ailleurs de constater que l'intimée ne démontre pas un accord des propriétaires de l'époque pour un tel transfert de propriété. Le fait que, dans son rapport établi dans le cadre de la procédure de classement dans la voirie routière communale, dont il convient de rappeler qu'il concernait non pas seulement le chemin litigieux, mais aussi diverses autres voies, le subdivisionnaire ait fait état de manière générale et lapidaire de l'accord des propriétaires, sans plus de précision sur l'identité de ceux-ci et sur le mode de recueil de leur accord, ne suffit pas à constituer une telle preuve. Il en est à l'évidence de même de la circonstance qu'à l'époque de la procédure de classement M. Jean M., auteur de l'appelant, ait été membre du conseil municipal, cette seule qualité ne présageant en effet en rien d'une volonté de l'intéressé d'acquiescer à un transfert de propriété au profit de la commune. Au demeurant, si la commune n'évoque l'accord que du seul M. M., il doit être rappelé qu'à l'époque contemporaine ce dernier n'était propriétaire de la parcelle E74 que pour moitié indivise, l'autre moitié indivise appartenant à sa soeur. Or, l'intimée n'établit pas autrement que par sa seule allégation non étayée que Mme Marthe M. aurait été sous la tutelle de son frère, de sorte que l'accord donné par celui-ci, qui n'est lui-même pas établi, aurait également valu pour sa soeur. Enfin, alors qu'en tout état de cause le transfert de propriété aurait dû s'accompagner du versement d'une indemnité compensant la perte foncière, la commune d'Etalante ne justifie d'aucun paiement au profit de M. Jean M. et/ou de la soeur de celui-ci, l'intimée se bornant à faire l'affirmation d'une contrepartie suffisante consistant dans l'avantage que le propriétaire de la parcelle E74 aurait trouvé dans le passage sur le chemin litigieux en lieu et place d'un passage par la parcelle voisine E73.

La commune d'Etalante invoque par ailleurs la prescription acquisitive, en soutenant avoir depuis plus de trente années procédé à l'entretien du chemin, ce que conteste M. M., et en faisant valoir que la voie est aménagée pour la circulation publique et bordée d'une ligne téléphonique. L'appelant verse aux débats la copie d'un courrier adressé à son conseil le 12 août 2013 par Me Philippe H., notaire, lequel expose que le maire de la commune d'Etalante souhaite l'établissement d'un acte devant contenir cession, par la commune, d'une partie du chemin public aboutissant à la parcelle E73, en contrepartie de la 'cession par M. Michel M. à la commune de l'emprise d'un chemin par lui créé depuis plusieurs dizaines d'années au nord de ses bâtiments, sur partie de la parcelle cadastrée section E n°74 (...)" Il en résulte sans aucune ambiguïté qu'à la date du 12 août 2013, soit depuis moins de 30 ans, la commune considérait encore que l'assiette du chemin litigieux était bien la propriété de M. M., et non la sienne, comme elle le soutient désormais. C'est vainement que l'intimée fait valoir qu'il ne peut être tiré aucun argument du courrier de Me H. dès lors qu'il n'émane pas d'elle, alors que le notaire se présente bien comme formulant l'offre d'échange à la demande du maire de la commune d'Etalante, dont il est donc à tout le moins le mandataire apparent.

Dans ces conditions, il ne saurait être retenu que la commune ait acquis la propriété du chemin par l'effet de l'usucapion.

Référence: 

- Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 8 décembre 2020, RG n° 19/00143