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Le 20 mai 2020

 

Selon l'article 1035 du Code civil, les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur, ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté ; il résulte de l'article 1036 du même code que les testaments postérieurs qui ne révoqueront pas d'une manière expresse les précédents, n'annuleront dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui seront contraires.

 Mme Patricia T. et M. Hervé M. ne contestent pas la validité du testament établi le 25 mars 2015 à Pattaya qui a été établi dans les formes prévues par la loi interne du lieu de son établissement, ainsi que cela résulte du certificat de coutume fourni par Me Suthilert C., avocat à Bangkok (Thaïlande ) ; ils ne font que demander d'en limiter la portée afin de voir dire que la clause révocatoire qu'il contient ne doit produire effet qu'en ce qui concerne l'objet de ce testament, qui vise uniquement les biens mobiliers et immobiliers du défunt sis en Thaïlande.

Cependant la clause révocatoire litigieuse figurant en ces termes :

"Le présent testament révoque toutes dispositions antérieures" est énoncée en préambule du testament en question ; elle ne peut avoir la portée limitée que souhaitent lui voir reconnaître les appelants, alors que ces derniers n'établissent pas la preuve de l'existence de précédentes dispositions testamentaires s'appliquant aux biens thaïlandais du défunt ; au vu des précautions prises par Ange M. pour assurer au testament litigieux à la fois sa validité et sa révélation après son décès, il ne peut être envisagé qu'il aurait agi différemment s'il avait déjà pris d'autres dispositions testamentaires dans ce pays ; les seules dispositions testamentaires antérieures connues sont celles prises en France le 17 octobre 2012.

Comme l'indiquent par ailleurs les premiers juges, rien ne contraignait Ange M., le testateur, à énumérer l'ensemble de ses biens dans ce second testament, étant observé qu'il ne le faisait pas davantage dans le premier testament établi en France ; Ange M. avait intérêt à révéler l'existence de son patrimoine thaïlandais qu'il a voulu expressément léguer à son fils M. Christophe M. ; ce testament est bien différent du premier en ce qu'au delà de la manifestation de sa volonté concernant le sort des biens thaïlandais, Ange M. a institué M. Christophe M. comme son légataire universel et qu'il n'apparaît pas que ce legs puisse être limité auxdits biens ; il a en effet également désigné M. Christophe M. comme son exécuteur testamentaire afin de procéder à l'exécution de sa succession laquelle forme un tout.

Le tribunal a exactement retenu, après avoir relevé que le testament avait été rédigé en langue Thaïlandaise avec le concours d'un interprète, après avoir été dicté par Ange M. manifestement en langue française dès lors qu'il n'est pas contesté que celui-ci n'avait pas la maîtrise de la langue thaïlandaise, avant de lui être à nouveau traduit à l'occasion de sa relecture et de sa signature par lui-même, en présence de deux témoins, que la traduction en langue française du testament établi en langue thaïlandaise, sous le contrôle de son auteur, après qu'il l'ait lui-même dicté en français, exclut les possibilités d'approximations, d'erreurs ou d'incertitudes sur le sens et la portée des termes employés, invoquées par Mme Patricia T. 

La clarté de la clause révocatoire qui porte sur toutes dispositions antérieures exclut que la cour doive rechercher le sens de celle-ci et interpréter pour ce faire, la volonté et l'intention du testateur.

Contrairement à ce qu'indiquent les appelants, c'est bien le sens des conclusions de la consultation effectuée par les parties auprès du Cridon (Centre de recherches, d'information et de documentation notariales) qui a indiqué qu' "une lecture littérale du testament rédigé en Thaïlande en 2015 devrait nous amener à conclure à la seule application des dispositions de celui-ci. Mais compte tenu de l'existence de deux masses successorales distinctes (française et thaïlandaise) et de la rédaction de deux testaments intéressant chacune de ces masses successorales, on pourrait éventuellement reconnaître l'efficacité de ces deux dispositions testamentaires. La reconnaissance de la validité de ces deux testaments supposera l'accord de l'ensemble des personnes intéressées".

La conclusion de cet organisme va nettement dans le sens d'une lecture littérale de la clause révocatoire et que ce n'est que de manière hypothétique que le Cridon suggère la possibilité d'une coexistence des deux dispositions testamentaires, laquelle ne peut être retenue en l'absence d'accord des héritiers ou légataires concernés et alors que la clause révocatoire ne peut manifestement s'appliquer qu'aux seules dispositions antérieures connues, qui sont contenues au testament fait dans le prolongement du PACS conclu entre Mme Patricia T. et Ange M., 15 jours plus tôt.

Ce n'est pas parce que les dispositions testamentaires successives auraient pu être compatibles que l'on doit considérer que la clause révocatoire ne s'applique pas au premier testament.

Celle-ci ne constitue pas une clause de style et en l'absence d'autres dispositions testamentaires, elle serait dépourvue d'objet si on ne retenait pas que l'intention de l'auteur du testament était d'annuler les dispositions prises le 17 octobre 2012.

Il sera ajouté que si, comme le soutient Mme Patricia T., l'intention d'Ange M., lorsqu'il a établi le premier testament, avait été de permettre à celle-ci, au cas de son prédécès, de bénéficier par l'effet du legs à titre particulier de l'usufruit du bien immobilier qu'il devait acquérir, dont il était déjà locataire, contigu à l'appartement occupé par la mère de Mme Patricia T. et acquis au nom de cette dernière, il ne peut qu'être constaté que ce projet de réunion des deux appartements n'a finalement jamais été réalisé alors que la mère de Mme Patricia T. est décédée le 18 novembre 2012, soit un mois après le testament français.

Pour l'ensemble de ces motifs, le jugement est confirmé en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu à interprétation de la volonté du défunt, suffisamment claire en ce qu'elle résulte du dernier testament établi par Ange M. en Thaïlande qui révoque expressément toutes dispositions antérieures de sorte que seul ce testament doit produire effet.

Référence: 

- Cour d'appel, Versailles, 1re chambre, 1re section, 5 novembre 2019, RG n° 18/03692