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Le 30 juillet 2019

Exceptio non adimpleti contractus ou exception d'inexécution : dans un contrat synallagmatique, moyen de défense de l'une des parties qui consiste à ne pas exécuter son obligation tant que l'autre contractant n'a pas effectué sa prestation. 

Sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire :

Il est constant que le bail souscrit comporte une clause résolutoire pour non-paiement des loyers, que la SCI Rue Pierre Y, propriétaire, a fait délivrer par un acte du 16 février 2018 à la société Carrosserie du Moulin, locataire, un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour un montant de 66.075 € et que ce commandement est demeuré infructueux dans le mois qui a suivi.

Ainsi, la faute contractuelle, consistant à n’avoir pas réglé le loyer, est établie, ce qui serait de nature à permettre de constater l’acquisition de la clause résolutoire. Il demeure que le juge est tenu, lorsque le locataire le lui demande, ce qui est le cas en l’espèce, de rechercher si la clause résolutoire a été ou non mise en 'uvre de bonne foi et de vérifier si l’exception d’inexécution, soulevée par la locataire, fait obstacle à la mise en oeuvre de cette clause.

Sur l’exception d’inexécution :

Sauf impossibilité d’exercer son droit de jouissance qui s’analyse comme une impossibilité totale d’utiliser les lieux loués conformément à leur destination, le locataire ne peut pas opposer l’exception d’inexécution au bailleur qui n’exécute pas correctement ses obligations (Civ. 3e, 16 février 2000, n° 98-12.435 ; Civ. 3e, 8 mars 2005, n° 03-20.028). Dès lors que l’acquisition de la clause résolutoire peut être poursuivie sur le fondement de l’art. 808 du Code de procédure civile, il convient de s’assurer que l’exception d’inexécution fondée sur le manquement du bailleur à réaliser les travaux d’entretien nécessaires ne procède pas d’une contestation sérieuse, sans quoi la demande du bailleur ne peut prospérer en référé (Civ. 3e, 30 mai 2007, n° 06-19.068).

S'il peut être regretté que la société Carrosserie du Moulin n’ait pas pris la peine de faire constater par voie de constat d’huissier de justice les désordres qu’elle dénonce, il demeure que les photographies qu’elle produit, dont il n’est pas argué qu’elle n’auraient pas été prises dans les locaux loués, témoignent de ce que le bâtiment subit, en cas de fortes intempéries, des fuites d’eau qui ne s’apparentent pas seulement à des infiltrations mais à de véritables inondations. A cet égard, les nombreuses attestations concordantes, certes produites par des employés de la société Carrosserie du Moulin, mais qui n’en sont pas pour autant dépourvues de toute valeur probatoire, et qui font état de ce que l’activité doit cesser en cas de pluies abondantes et de ce que l’électricité doit alors être coupée corroborent le fait que le bâtiment loué ne correspond pas à ce que le preneur est fondé à en attendre. Du reste, ces fuites ne sont pas ignorées de la bailleresse elle-même, qui indique, dans un courrier non daté qu’elle produit en pièce 5.2 qu’elle a mandaté une entreprise afin de remédier à ce qu’elle indique être des infiltrations. Ainsi, en cas de fortes pluies, la société Carrosserie du Moulin se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer son activité dans les locaux loués.

Si la bailleresse a fait constater, par procès-verbal d’huissier de justice, durant plusieurs différents jours, à savoir les 18, 24, 25 et 31 janvier 2019, qu’une activité avait lieu au sein des bâtiments, il demeure que ces différentes mesures de constat n’ont pas été effectuées par temps de pluie, ainsi qu’il résulte des photographies figurant dans ledit procès-verbal.

La question de savoir si ces fuites abondantes procèdent d’un manquement du preneur à son obligation d’entretien et de réalisation des réparations locatives ou au contraire des grosses réparations mentionnées à l’art. 606 du Code civil ne peut être tranchée dans la présente instance avec l’évidence requise en matière de référé, faute de précision documentée, de la part de chacune des parties, quant à l’origine et la cause des désordres allégués. Au demeurant, dans son courrier du 3 janvier 2018, la SCI Rue Pierre Y reconnaît que des investigations sont nécessaires afin de déterminer l’origine des fuites.

Aussi la demande d’acquisition de la clause résolutoire ne pourrait-elle pas être poursuivie sur le fondement de l’art. 808 du code de procédure civile.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 8, 26 juillet 2019, RG n° 19/01382