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Le 30 décembre 2019

 

Sur la détermination du domicile du défunt à l’époque de son décès

Selon l’art. 720 du Code civil "les successions s’ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt". L’article 3, al2, du même code dispose que '"les immeubles, même ceux possédés par des étrangers sont régis par la loi française". Ainsi qu’il est rappelé par l’acte de notoriété dressé le 10 février 2012, tant la loi française que la loi malgache prévoient que la loi du domicile du défunt régit la succession mobilière, tandis que c’est la loi du lieu de situation des immeubles, qui régit la succession des biens immobiliers (pièce 11 appelante).

C’est donc la loi française qui doit s’appliquer pour les biens immobiliers sis en France.

En revanche, il est nécessaire de déterminer où était le domicile du défunt à l’époque de son décès pour désigner la loi applicable à la succession mobilière de N X. Selon l’acte de notoriété dressé le 10 février 2012), le domicile de N X était à Y, ce qui privait I X de tous droits sur la succession mobilière de son père, car la loi applicable à Y n’admet pas les enfants adultérins comme héritiers.

Madame C, ès qualités, soutient qu’à l’époque de son décès, N X n’avait plus sa résidence habituelle à Y, depuis plusieurs années. Elle fait ainsi valoir que l’acte de donation consenti le 22 février 2010 par N X au profit de son épouse, révèle qu’il était alors domicilié au […] à PARIS 15e. Elle considère que l’attestation de non imposition à l’impôt sur les revenus établie le 28 août 2012par les services des impôts de Y, pour les revenus 2008 à 2012, démontre qu’il ne vivait plus à Y, ainsi qu’il résulte, par ailleurs, des certificats des autorités locales indiquant que le défunt avait quitté la commune de T U, depuis la fin de l’année 2008.

Aucune valeur probatoire ne peut être accordée à ces certificats, dans la mesure où il est établi que leur auteur, Monsieur AA AB AC, a d’abord signé un certificat dressé le 5 novembre 2012 (pièce 24 appelante) indiquant que N X avait été habitant de notre D depuis 2002 jusqu’à 2011, avant de signer un second certificat, en date du 5 juin 2013, indiquant que le premier était 'faux' et que N X avait quitté le quartier à la fin de l’année 2008, en remplissant un certificat de changement de domicile. Ce certificat de changement de domicile, qui aurait été rempli par le défunt, n’a pas été joint au certificat du 5 juin 2013. L’attestation de non imposition établie le 28 août 2012 prouve simplement que N X a été pris en compte à Y pour la période des années 2008 à 2012, même s’il n’était pas imposable, ce qui n’a pas d’incidence significative sur sa domiciliation. Quant à l’acte de donation du 22 février 2010, il ne suffit pas à prouver que N X aurait été domicilié avec son épouse au […] à Paris 15e, étant souligné que l’acte raturé avait d’abord mentionné un domicile à Y et que le contrat de mariage conclu le 18 décembre 2006 (pièce 4 appelante) révèle que les lots 101 et 151 de l’immeuble sis […] à Paris 15e, consistent en une pièce de 12m² avec WC en rez de chaussée, outre trois caves, dont une avec douche. Les nombreuses attestations produites par Madame G B veuve X (pièces 16, 41, 42, 43, 44, 45 et 46 appelante), parfaitement concordantes entre elles, ainsi qu’avec le courriel en date du 4 octobre 2011 (pièce 49 appelante), déjà évoqué, démontrent que N X revenait à Paris essentiellement pour des raisons médicales et était hébergé par son ami Monsieur AD-AE AF, lors de ses séjours à Paris.

Il est, d’autre part, établi que :

  •  le défunt a été inscrit sur le registre des français établis hors de France, car il a figuré sur les registres du Consulat Général de France à E du 18 janvier 2002 au 7 septembre 2011  ;
  •  il était titulaire d’une carte de résident à Y, valable depuis la fin de l’année 2007 jusqu’au 30 novembre 2017, faisant apparaître un domicile à Villa Kanto T U  ) ;
  •  depuis 2002 jusqu’en 2010 inclus, il a dépendu pour son imposition (ainsi que son épouse résidant au Maroc) du centre des non résidents de Noisy le Grand ;
  • son passeport français révèle qu’il a été délivré, en 2004, par les services dédiés aux français de l’étranger ;
  •  le Kbis de la société malgache FARASANDS, dont il était le gérant, montre que, dès 2003, il était domicilié Villa Kanto T U à Y ;
  •  il a disposé d’un compte non résident ouvert auprès de la banque HSBC, depuis l’année 1986 jusqu’au 29 août 2011 faisant apparaître une domiciliation à Villa Kanto U à E ;
  •  il a disposé d’un abonnement téléphonique en mai et juin 2011 indiquant une domiciliation à Y ;
  •  les relevés de son compte bancaire démontrent qu’il a effectué des opérations personnelles àY (notamment retraits par chèques) entre le mois de novembre 2008 et le mois de mai 2011 ;
  •  les dépenses concernant le club de golf du Rova, figurant sur les relevés du compte bancaire, sont confirmées par un courriel de l’administrateur de ce golf, qui indique que N X a été membre du club de 2003 à 2011 ;
  •  les courriels échangés avec son épouse en octobre 2009 et mars 2011 qui tendent à démontrer que la résidence habituelle de N X était à Y. où Il indique ainsi le 17 mars 2011 à son épouse  "…. les dialyses m’épuisent mais j’ai le temps de me reposer. Je m’occupe et je me sens moins stressé qu’à Paris, cette ville est pour moi trop difficile et puis pas de golf aussi sympa!…".

Ces multiples éléments et circonstances concordants démontrent, qu’à la date de son décès, N X ne s’est trouvé en France que pour des raisons strictement médicales, ayant justifié son hospitalisation à la clinique Ambroise Paré à Neuilly-sur-Seine. S’il est exact que l’acte de décès fait état d’un domicile au […] à Paris 15e, ce domicile n’était que virtuel, ainsi qu’il résulte de l’ensemble des attestations et pièces produites et le véritable domicile de N X, depuis 2002 jusqu’à son décès, était situé à Y.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a retenu que la succession de N X s’était ouverte à Paris.

La loi malgache a donc vocation à s’appliquer à la succession mobilière de N X, sauf à être écartée, en France, si elle est incompatible avec l’ordre public international français.

Sur la compatibilité de la loi malgache avec l’ordre public international français

Il a été démontré que la loi malgache avait vocation à s’appliquer à la succession mobilière de N X pour la définition des droits successoraux de sa fille adultérine I X, mineure, née le […] à Y.

Les parties s’accordent sur le fait que la loi malgache ne reconnaît aucun droit successoral à la mineure I X sur la succession de son père, en raison de sa filiation adultérine.

La loi étrangère peut, cependant, être privée d’efficacité en France, et écartée au profit de l’application de la loi française, lorsqu’elle heurte la conception française de l’ordre public international français.

Il s’agit de déterminer si la privation de tous droits successoraux d’I X dans la succession mobilière de son père, en raison du caractère adultérin de sa filiation, est compatible avec les principes juridiques français en ce domaine, qui posent, en particulier, le principe de l’égalité des filiations. Ce n’est pas la qualité d’héritière réservataire d’I X qui est en litige, mais l’existence même de sa vocation successorale, en raison de la nature de sa filiation.

L’art. 310 du Code civil rappelle le principe d’égalité des filiations, puisqu’il dispose en des termes très clairs que '"tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d’eux". L’art. 733 rappelle le principe en indiquant que '"la loi ne distingue pas selon les modes d’établissement de la filiation pour déterminer les parents appelés à succéder". L’égalité des droits des différents types de filiations correspond ainsi à une conception fondamentale actuelle du droit français de la famille, qui peut justifier l’éviction de la loi étrangère contraire.

Madame G B veuve X soutient néanmoins que l’ordre public français ne saurait être directement heurté par la loi malgache, parce que celle-ci est en adéquation avec la situation réelle de l’enfant et la culture du pays où elle grandit. En d’autres termes, elle estime qu’il n’existe pas de proximité entre l’enfant et la France justifiant la protection des valeurs du for.

En l’espèce, il est constant que le défunt a reconnu sa fille et qu’il a fait transcrire son acte de naissance au consulat général de France à E. La mineure I X est de plein droit de nationalité française, par la filiation paternelle, et il est établi qu’une carte nationale d’identité a été délivrée à son nom, le 7 mai 2012, par la sous-préfecture d’Argenteuil, ce document faisant référence à une adresse de la mineure au 6 rue de Calais à Argenteuil. Il a, par ailleurs, été démontré que le domicile habituel du défunt s’est trouvé à Y depuis l’année 2002 jusqu’à l’année de son décès (2011) et qu’il a pu connaître affectivement sa fille jusqu’à ses 18 mois.

Les liens avec la France sont donc établis par la nationalité française de l’enfant, par le nom qu’elle porte, par le début de sa vie qui a été marqué par la présence régulière d’un parent français dans son foyer et même, après le décès, par l’attribution d’une carte nationale d’identité française mentionnant un domicile en France, peu important qu’elle ne soit éventuellement jamais venue en France en qualité de mineure, dès lors que la possibilité de se rendre sur le territoire français ne peut lui être contestée, en sa double qualité de française et d’héritière non contestée des biens immobiliers, faisant partie de la succession de son père français.

Le principe fondamental d’égalité des filiations en droit français et l’existence de liens d’I X avec la France, même si ces liens sont en devenir compte tenu de sa minorité, conduisent à écarter la loi malgache ne reconnaissant pas de droit successoral à l’enfant adultérin, pour appliquer la loi française en ses lieu et place. L’application de la loi française signifie qu’I X doit bénéficier des mêmes droits qu’un héritier français en ligne directe, ce qui intègre le droit à la réserve héréditaire, même si ce droit ne fait pas partie de l’ordre public international français. Ce droit n’est, en effet, que la conséquence directe de l’application de la loi du for, résultant de l’impossibilité de prendre en compte, en France, une discrimination entre les filiations.

La loi française s’applique donc, tant aux biens mobiliers, qu’aux biens immobiliers, situés en France, le jugement étant réformé en ce sens.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 27 février 2019, RG n° 17/17990