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Le 21 septembre 2020

 

Aux termes de l’article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements.

Ils résulte de l’article 651 du même code que la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre, indépendamment de toute convention.

Il est constant que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage ; il appartient aux juges du fond de rechercher si les nuisances, même en l’absence de toute infraction aux règlements, n’excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage.

Les juges du fond ne peuvent déduire l’existence de troubles anormaux du voisinage de la seule infraction à une disposition administrative, sans rechercher s’ils avaient excédé les troubles normaux du voisinage.

En l’espèce, il est acquis aux débats que Mme Y, propriétaire occupante de son habitation depuis 1996, subit une prolifération de rats récurrente principalement sous le carrelage de ses toilettes et derrière les cloisons d’un cagibi, et ce depuis 2010, année au cours de laquelle une première campagne de dératisation a été effectuée, permettant ainsi de mettre un terme temporairement à la présence des rongeurs dans l’immeuble. Au cours de l’année 2015, une nouvelle prolifération de rats a conduit à une campagne de dératisation à trois reprises.

Outre le bruit provoqué par ces rongeurs et le caractère anxiogène de leur présence, les pièces versées aux débats démontrent que cette prolifération de rats a pour incidence des odeurs désagréables au sein du logement de Mme A, ce qui n’est par ailleurs pas contesté par l’appelant.

Les investigations menées dans un premier temps à la demande de l’assureur de Mme Y au cours de l’année 2016 ont notamment conclu à l’absence de perforations dans les canalisations permettant ainsi d’exclure toute provenance des rongeurs par ce biais ; le colmatage existant entre le réseau d’assainissement de la rue et le domicile de l’intimée ne permet en outre pas l’intrusion des rats. Les travaux de défoncement du sol sous l’escalier ont également révélé la présence de deux nids de rats. Puis, la démolition de la dalle de béton des toilettes a permis de découvrir une galerie enterrée se dirigeant vers le domicile voisin, à savoir celui de M. X.

En l’état ce ce qui précède, la présence récurrente de rats depuis 2010 ainsi constatée dans le domicile de Mme Y, et ce même derrière les cloisons et sous le carrelage, constitue un trouble qui excède les inconvénients normaux du voisinage.

S’agissant de l’origine de ce trouble, il ressort du rapport d’expertise de M. Z en date du 13 juillet 2017 les éléments principaux suivants :

«-  Les rats pénètrent aussi, dans l’habitation X, par l’intermédiaire du regard de pied en façade, en empruntant la canalisation d’assainissement intérieur en grès.

—  Ils arrivent dans le regard sous le carrelage et inaccessible à ce jour.

—  De là, ils empruntent la canalisation en grès, découverte, pour arriver dans le regard hors service sous le carrelage des toilettes Y.

—  De là, ils remontent dans les murs des toilettes, après avoir creusé des galeries dans les cailloux sous le dallage des toilettes, à partir du regard hors service.

—  C’est donc par ce tuyau en grès hors service se rejetant dans l’assainissement intérieur des X, par l’intermédiaire d’un regard caché sous carrelage que les rats venant du collecteur privé dans la rue Beart-Degryse arrivent dans l’habitation Y, après avoir emprunté l’assainissement intérieur sous l’habitation X.

— Ce tuyau en grès constitue, selon moi, le passage, l’unique passage des rats pour arriver dans l’habitation Y. Il n’y a pas d’autre source possible d’intrusion ».

L’expert préconise ainsi la suppression de cette connexion inutile entre les toilettes de Mme Y et l’assainissement intérieur de l’habitation de M. X, et ce en bouchant le tuyau en cause avec du béton liquide ainsi que le regard hors service. Il estime également qu’il appartient de son côté à M. X de boucher l’arrivée de ce tuyau dans son regard carrelé et qu’il est nécessaire que l’ensemble des riverains procèdent régulièrement de concert à des campagnes de dératisation de leur collecteur suivant les recommandations du règlement sanitaire départemental. En outre, pour se protéger, l’expert estime que chaque riverain devrait installer, en plus à la sortie de son tuyau d’assainissement, dans le regard de branchement en trottoir, une grille anti-intrusion de rats, à charge pour lui de l’entretenir régulièrement pour éviter son colmatage de façon à permettre l’écoulement des eaux.

Sur ce, les premiers juges ont justement relevé que l’expert a procédé à une analyse juridique des responsabilités encourues, ce qui ne lui était pas expressément demandé dans le cadre de sa mission, et a énoncé qu’il existait un partage de responsabilité entre les deux parties.

Celui-ci a ainsi expliqué :

« -  Dans le cadre de cette interconnexion des réseaux, les eaux-vannes provenant des toilettes de l’habitation n°22 habitée aujourd’hui par Mme Y se rejetaient dans l’assainissement passant sous le n°20, pour être sans doute traitées par cette pompe. Ce rejet se faisait par ce tuyau en grès mis en évidence par les essais NUWA.

—  Suite à une modification des réseaux d’assainissement intérieurs du n°22 (à une époque antérieure à l’acquisition des deux habitations par chacune des parties), l’évacuation des eaux-vannes des toilettes de ce n°22 ne s’est plus faite en direction du n°20 et de ce fait, ce tuyau en grès est devenu inutile.

—  Le problème c’est que l’occupant du n°22 a tout laissé en l’état, le tuyau en grès et son regard de départ. Il s’est contenté de remblayer ce regard en cailloux, mais n’a pas colmaté le tuyau, à défaut de le supprimer, comme il aurait dû le faire et il a rendu l’ensemble inaccessible en coulant une dalle de béton sur la surface des toilettes.

—  D’où les problèmes d’intrusion de rats que connaît aujourd’hui la propriétaire des lieux, confrontée à cette non-conformité dont elle ignorait l’existence et qui constituait vice-caché lorsqu’elle a fait l’acquisition de ce bien.

—  De l’autre côté, il appartenait aussi au propriétaire du n°20 de colmater ce tuyau provenant de son voisin, dès lors qu’il avait constaté ce qui s’est forcément produit à un moment donné, que ce tuyau n’avait plus aucune utilité, ce qu’il n’a pas fait, ce qui constitue donc une non-conformité.

—  Le propriétaire actuel, M. X, se trouve donc confronté lui aussi à cette non-conformité dont il ignorait l’existence, constituant aussi vice caché lorsqu’il a fait l’acquisition de son bien. »

Or, Mme Y fondant son action sur l’existence d’un trouble anormal du voisinage qui est un régime de responsabilité autonome sans faute, il est constant que celle-ci n’a nullement à rechercher une faute commise le cas échéant par M. X, la problématique en cause étant celle de l’origine de la prolifération de rats dans son domicile.

Les éléments rappelés ci-dessus ne révèlent de surcroît aucune faute qui puisse être personnellement reprochée à Mme Y et qui ait pu contribuer à l’apparition des troubles qu’elle subit soit 583. 803,68 EUR, somme à laquelle les appelantes ont été condamnées sur laquelle les provisions à hauteur de 52.000 EUR et les débours de la caisse primaire d’assurance maladie d’un montant de 75. 543,02 EUR ont été déduits) - (441. 866,18 EUR (perte de gains professionnels futurs) + 80. 000 EUR (incidence professionnelle). en ce que ce ne sont que les opérations d’expertises qui ont permis de révéler l’existence du tuyau en grès reliant les deux habitations.

C’est à juste titre que les premiers juges ont énoncé que les éléments techniques repris ci-dessus ont permis d’établir, d’une part, que les rats en cause ne pénètrent nullement de la rue directement dans l’habitation de Mme Y par le biais de son propre réseau d’assainissement et, d’autre part, que les rats proviennent du collecteur privé de la rue, puis exclusivement du domicile de M. X puisque le colmatage réalisé au domicile de Mme Y n’a pas été constaté sur son propre réseau d’assainissement.

Ainsi, les considérations de l’expert relativement à des qualifications juridiques éventuelles des éléments soumis à son étude, dont il n’était pas saisi, et à un partage de responsabilité entre les parties, sont indifférentes en l’espèce. En effet, le constat selon lequel la prolifération de rats dans le domicile de Mme Y provient du passage de ceux-ci par les canalisations de l’habitation de M. X a pour conséquence la responsabilité de ce dernier, même sans faute de sa part, quant au trouble anormal subi par Mme Y.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a dit que M. X a causé à Mme Y un trouble excédent les inconvénients normaux du voisinage.

La cour constate que M. X ne formule aucune observation dans ses écritures relativement aux sommes allouées par les premiers juges en réparation des différents préjudices de Mme Y.

Référence: 

- Cour d'appel de Douai, 3e chambre, 17 septembre 2020, RG n° 19/04054