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Le 22 novembre 2020

 

Mme Elodie P. et M. Arnaud P. sont propriétaires en indivision des lots 116 à 121 dépendant de l'immeuble en copropriété situé [...], correspondant à des caves en sous-sol du bâtiment C et désignés ainsi dans l'état descriptif de division. Ces lots s'ouvrent sur la cour intérieure de l'immeuble, au centre de bâtiments intégralement affectés à l'habitation.

L'immeuble du [...] a fait l'objet d'une inscription à l'inventaire des monuments historiques par arrêté du 13 novembre 1980 et figure dans de nombreux guides touristiques.

Par acte du 27 juillet 2018, M. Arnaud P. et Mme Elodie P. ont donné à bail à la société 'Comme une plume', exerçant sous l'enseigne 'Studio l'envol', les lots précités aux fins d'exploiter une activité de 'cours et stage de danse, chant, théâtre, mise à disposition de salle de danse, organisation d'événements privés.' Afin de pouvoir exercer son activité, la société 'Comme une plume' a entrepris la réalisation de divers travaux d'aménagement.

Soutenant que ces travaux affectent les parties communes de l'immeuble et que l'activité de la société Comme une plume occasionne des nuisances, le syndicat des copropriétaires du [...] a, par acte du 10 janvier 2019, assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, les consorts P. et la société Comme en plume aux fins, aux fins de faire cesser les nuisances.

Selon l'article 835, alinéa 1, du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l'espèce, il est soutenu :

- d'une part, que la société Comme une plume a fait réaliser, sans autorisation de la copropriété, des travaux affectant les parties communes et, notamment, l'escalier du bâtiment C, travaux destinés à rendre les lieux loués transformés en établissement recevant du public, conformes aux exigences de sécurité de la préfecture de police mais ayant eu pour effet de fragiliser cet escalier et de le rendre vulnérable au feu,
- d'autre part, que l'activité exercée dans les locaux entraîne des nuisances pour les copropriétaires (bruit, occupation de la cour commune même à des heures tardives et le dimanche, éclairage de la cour la nuit, défaut de ventilation des locaux loués à l'origine d'humidité dans l'escalier du bâtiment C)

et, ce en violation du règlement de copropriété.

Il sera relevé que le syndicat des copropriétaires indique avoir donné mandat à son syndic d'engager une action au fond aux fins de restitution des locaux à l'usage de cave.

Sur la demande relative à l'escalier du bâtiment C

Il résulte des pièces versées aux débats que dans le cadre des travaux réalisés par la société 'Comme une plume', celle-ci a fait procéder au piochage du bacula sous l'escalier du bâtiment C privant cet escalier de la structure qui le maintenait et de la protection au feu et ce, afin de permettre une meilleure hauteur de passage.

Ainsi, selon l'avis technique de la société Arcalia (Groupe Bureau véritas) du 15 novembre 2018, la chute du bacula a entraîné une diminution du niveau de sécurité au feu, ce technicien ayant, de surcroît, constaté une dégradation du bois et des attaques parisitaires pouvant être dues à des arrivées d'humidité. Il a été préconisé, s'agissant du point en litige, de mettre en place très rapidement un étaiement ne devant toutefois pas et, dans la mesure du possible, diminuer la largeur de passage devant la porte constituant la seule porte de sortie de l'établissement et de rétablir l'isolement au feu par la reconstitution du bacula en sous face de l'escalier après réparation ou remplacement des parties dégradées.

Par ailleurs, dans un rapport du 17 novembre 2018, l'architecte de l'immeuble a, notamment, noté que sur une portée d'environ 50 cm, des marches de l'escalier du bâtiment C sont sans soutien, ni isolement coupe-feu et sonore entre les locaux litigieux et la cage d'escalier, ce qui peut générer un risque de rupture des marches et, par suite, d'accident, ainsi qu'un risque de propagation d'un incendie depuis les lieux loués en sous-sol.

Tenant compte de ces avis, le syndicat des copropriétaires a mandaté une entreprise aux fins de sécuriser l'escalier par la mise en place d'un étaiement de la sous face de l'escalier, qui a été retiré par la société Comme une plume. Celle-ci a fait réaliser des travaux de doublage en plâtre sans remettre en place les étais ainsi qu'il ressort de la note du 30 octobre 2019 de M. P., architecte du patrimoine, qui précise que l'escalier C fait l'objet d'un arrêté de péril depuis le 30 septembre 2019 en raison des marches détériorées des premières volées d'escalier, qu'une tâche d'humidité apparaît en surface des 3ème ou 4ème marche sans que puisse en être connue précisément l'origine compte tenu du doublage en sous face.

Il résulte des éléments qui précèdent, que les travaux entrepris par la société Comme une plume ont affecté l'escalier du bâtiment C dont le caractère commun ne souffre aucune discussion. Ces travaux réalisés sans aucune autorisation de la copropriété et en violation du règlement de copropriété, ont détérioré cette partie commune, ce qui constitue un trouble manifestement illicite.

S'il est acquis qu'après avoir pioché le bacula sous l'escalier, la société intimée a fait recouvrir de plâtre sa sous face, le syndicat des copropriétaires fait justement observer qu'il ignore les caractéristiques des matériaux utilisés et s'ils assurent une protection coupe-feu alors que selon l'avis technique de la société Arcalia, il est nécessaire que les réparations effectuées respectent les matériaux constitutifs de l'escalier et que les travaux soient validés par les services du ministère de la culture et par les architectes des bâtiments de France, s'agissant en effet, d'un immeuble classé au rang des Monuments historiques.

Aussi, convient-il, infirmant l'ordonnance entreprise de ce chef, d'autoriser, dans les conditions qui seront précisées au dispositif, le syndicat des copropriétaires à faire intervenir l'architecte de la copropriété qui pourra vérifier la régularité des travaux entrepris et, le cas échéant, proposer les travaux de réparation nécessaires y compris le traitement du bois, tant pour sécuriser les premières marches de l'escalier que pour assurer sa protection au feu, travaux qui devront nécessairement être soumis à la discussion et au vote des copropriétaires lors d'une assemblée générale. Il convient aussi d'autoriser la copropriété à remettre en place des étais sous la première volée de l'escalier, cet étaiement qui avait été préconisé par la société Arcalia, se justifie d'autant plus que l'escalier fait l'objet d'un arrêté de péril.

En revanche, il ne convient pas d'autoriser, dès à présent, le syndicat des copropriétaires à faire intervenir une entreprise pour procéder aux travaux de réfection nécessaires ainsi qu'il le sollicite dès lors que ces travaux ne sont pas à ce jour déterminés. Le syndicat des copropriétaires sera donc débouté de ce chef de demande. Il lui appartiendra toutefois de saisir à nouveau le juge des référés s'il apparaissait, après examen par l'architecte de l'immeuble, la nécessité de procéder à des travaux urgents déterminés et votés par la copropriété.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 1, chambre 8, 13 novembre 2020, RG n° 19/12301