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Le 08 avril 2021

 

Fred J., de nationalité française, est décédé en France le 3 septembre 2015, laissant pour lui succéder son épouse, Mme L., et ses trois enfants issus d'une première union, Philippe, Christian et S. (les consorts J.).

 Les consorts J. ont assigné Mme L. devant le président d'un tribunal de grande instance statuant en la forme des référés afin d'obtenir la désignation d'un mandataire successoral en invoquant la compétence des juridictions françaises sur le fondement de l'article 4 du règlement (UE) n 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, en soutenant que la résidence habituelle de Fred J. au jour de son décès était située en France.

Philippe J. étant décédé le 10 avril 2017, ses frère et soeur ont indiqué agir également en leur qualité d’ayants droit de celui-ci.

La cour d'appel, après avoir estimé que la résidence habituelle du défunt était située au Royaume-Uni (État tiers car non partie au règlement ), a jugé que, conformément à l'article 4 du règlement (UE) n° 650/2012, la juridiction française était incompétente pour statuer sur la succession.

La question à trancher par la Cour de cassation est de savoir si la Cour d'appel devait vérifier d'office sa compétence subsidiaire en application de l'article 10 du règlement n° 650/2012 avant de déclarer l'incompétence des juridictions françaises en application de l'article 4 du même règlement.

La Cour observe que le règlement ne précise pas si la compétence subsidiaire présente un caractère facultatif et constate qu'il existe des éléments favorables mais aussi d'éléments allant à l'encontre d'une vérification d'office par le juge de sa compétence subsidiaire.

La Cour relève, en faveur de la vérification d’office par le juge de la compétence subsidiaire, qu'il serait incohérent, d'appliquer d'office le règlement (UE) n°650/2012 dans le cadre d'une succession transfrontière, sans appliquer d'office ses règles de compétences. Il ne serait donc pas logique qu’après avoir relevé d’office la mise en œuvre du règlement pour trancher un conflit de juridiction, les juges puissent écarter leur compétence au profit d’un État tiers, sur le fondement du seul l’article 4, sans avoir à vérifier au préalable leur compétence subsidiaire sur celui de l’article 10".

Contre l'application d'office, la Cour de cassation relève trois arguments.

Elle reconnait que la règle énoncée à l'article 10 est présentée comme subsidiaire et a pour effet de déroger au principe d'unité des compétences judiciaire et législative qui innerve le règlement. Il serait dès lors difficile d'admettre qu'une règle de compétence qualifiée comme subsidiaire, dérogatoire aux principes généraux servant de fondement au règlement, doit être obligatoirement relevée par les juges, même si les parties ne l'invoquent pas.

Ensuite, elle observe que si le règlement prévoit à son article 15 l'obligation pour le juge incompétent de relever d'office son incompétence, il n'existe aucune disposition équivalente en cas de compétence.

Enfin, les règles sur les successions relèvent, au sens du règlement, des droits disponibles, cet instrument autorisant les parties à convenir de la compétence par une convention d’élection de for et retient la possibilité pour une juridiction de se déclarer compétente sur le fondement de la seule comparution. Dès lors Il serait illogique que le juge soit tenu de relever un critère subsidiaire de compétence que les parties n’ont pas envisagé de soulever.

Il existe donc un doute raisonnable sur la réponse à la question de la vérification d'office par le juge de sa compétence subsidiaire telle qu'énoncée à l'article 10 du règlement n° 650/2012, qui est déterminante pour la solution du litige. La Cour saisit donc la CJUE de la question préjudicielle suivante : « Les dispositions de l'article 10, point 1a), du règlement (UE) n 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen doivent-elles être interprétées en ce sens que, lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n’est pas située dans un État membre, la juridiction d'un État membre dans lequel la résidence habituelle du défunt n'était pas fixée mais qui constate que celui-ci avait la nationalité de cet État et y possédait des biens doit, d'office, relever sa compétence subsidiaire prévue par ce texte? »

A suivre ...

Référence: 

- Cour de cassation, 1re chambre civile, 18 novembre 2020, pourvoi n° 19-15.438