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Le 08 septembre 2020

 

Lors du règlement successoral, la différence de traitement entre héritiers fondée sur la religion viole la convention européenne des droits de l’Homme. Le requérant peut alors obtenir réparation de son préjudice au titre de la satisfaction équitable.

Un homme, de nationalité grecque et appartenant à la minorité musulmane de Thrace, teste en faveur de son épouse en application du droit civil grec. Il lui lègue l’ensemble de ses biens situés en Grèce et en Turquie. À son décès, saisies par les sœurs du défunt, les juridictions grecques décident que le testament est privé d’effet au profit du droit successoral musulman, lequel s’applique de manière obligatoire aux Grecs de la communauté musulmane de Thrace. L’application de la charia limite au quart de la succession les droits successoraux de l’épouse survivante. L’Aéropage relève notamment que le droit interpersonnel des ressortissants grecs musulmans établi par le traité d’Athènes du 14 novembre 1913 est partie intégrante du droit interne grec et a valeur supérieure à toute autre disposition contraire de la loi (Arrêt du 7-10-2013 n° 1862/2013) (confirmation sur renvoi, Arrêt du 6-4-2017 n° 556/2017).

L’épouse survivante saisit la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) et sollicite une satisfaction équitable pour le dommage matériel et moral résultant de la différence de traitement subie dans le règlement de la succession de son époux en Grèce et en Turquie (Conv. EDH art. 41).

La Cour lui donne raison :

Elle motive sa décision par l’interdiction de la discrimination, en l’espèce fondée sur la religion, combinée avec la protection de la propriété (Conv. EDH art. 14 et Protocole n° 1 art. 1) ; elle relève que la différence de traitement subie par le légataire selon que le testateur est ou non de confession musulmane n’a pas de justification objective et raisonnable (CEDH gde ch. 19-12-2018 n° 20452/14, Molla Sali c/ Grèce). 

Ensuite, sur l’application du texte relatif à la satisfaction équitable et faute d’accord entre la veuve et le gouvernement grec, la CEDH constate que les décisions nationales reconnaissant aux sœurs des droits de 3/4 sur la succession ne se sont pas encore concrétisées (le registre du cadastre n’a pas été corrigé). Par conséquent, constituerait une réparation appropriée la prise de mesures de nature à garantir que la requérante reste propriétaire des biens légués par son mari ou, dans l’hypothèse d’une modification du registre du cadastre, qu’elle soit rétablie dans ses droits de propriété. Passé le délai d’un an à compter du prononcé de l’arrêt de la CEDH, la Grèce devrait verser à la requérante une indemnité, pour dommage matériel, représentant la valeur des 3/4 des biens successoraux en l’absence des mesures indiquées. La Cour reconnaît également que la requérante a subi un dommage moral indemnisable et a droit au remboursement des frais et dépens. Elle se déclare toutefois incompétente pour se prononcer sur la demande de satisfaction équitable relative aux biens situés en Turquie.

Depuis le 15 janvier 2018, l’application de la charia aux Grecs membres de la minorité musulmane de Thrace n’est plus obligatoire à la suite d’une évolution législative (Loi 4511-2018 art. 1) : les dispositions du Code civil grec s’appliquent aux relations successorales sauf disposition contraire expresse du testateur.

Référence: 

- Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH), gde ch. 19 décembre 2018, aff. n° 20452/14