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Le 28 avril 2021

 

Les époux X étaient propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation situé à […]. Souhaitant procéder à la vente de ce bien, ils ont sollicité la société Tristant Immobilier (Sarl), qui a estimé, par courrier du 14 juin 2012, que leur maison présentait une valeur d’environ 400.000 EUR net vendeur.

Un mandat de vente a alors été régularisé pour un montant de 410.000 EUR auprès de ladite agence.

Le 15 juin 2012, les époux X se sont portés acquéreurs, par l’intermédiaire de la société Tristant Immobilier, d’une maison d’habitation située à […], pour un prix de 309.000 EUR, le compromis de vente étant réitéré par acte notarié du 15 octobre 2012.

Leur maison ne trouvant pas acquéreur, les époux X se sont rapprochés d’autres agences immobilières, qui ont indiqué que le prix estimé 400.000 EUR€ était trop élevé. Les époux X ont donc accepté des baisses de prix successives et sont parvenus à la vente de leur maison le 14 novembre 2014, pour un prix de 242.000 EUR.

Ayant souscrit un prêt relais auprès de la banque LCL pour un montant de 331.000 EUR, ils ont mis en demeure la société Tristant Immobilier par lettre recommandée du 10 novembre 2015 d’avoir à réparer leur préjudice financier.

Ayant reçu une réponse négative de son conseil, les époux X, par acte signifié le 22 février 2017 ont fait assigner la société Tristant Immobilier afin de voir engager sa responsabilité contractuelle en raison d’un manquement à son obligation de conseil, et obtenir la réparation de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire en date du 4 avril 2019, le tribunal de grande instance du Havre a :

— condamné la SARL Tristant Immobilier à verser à M. et Mme X la somme de 82.638,10 EUR au titre de l’indemnisation de la perte de chance ;

— condamné la SARL Tristant Immobilier à verser à M. et Mme X la somme de 5.000 EUR au titre de la réparation de leur préjudice moral ;

— ordonné l’exécution provisoire ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

— condamné la SARL Tristant Immobilier à verser aux époux X la somme de 2.000 EUR au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la SARL Tristant Immobilier aux entiers dépens.

La société Tristant Immobilier a formé appel de ce jugement, par déclaration reçue le 10 mai 2019 au greffe de la cour.

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1°) Sur la mise en cause de la responsabilité de la société Tristant Immobilier:

Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil ancien,

Il ressort des pièces produites et des débats que les époux X ont fait appel à la société Tristant Immobilier pour l’évaluation de plusieurs biens immobiliers situés à […] (76 430), à savoir deux parcelles de terrain et leur maison d’habitation, située […].

Après visite de lieux, M. C D, gérant de la société Tristant Immobilier a évalué ces différents biens à:

—  110.000 EUR net vendeur pour le lot A ( terrain)

—  105.000 EUR pour le lot 2 ( terrain ) et a écrit dans un courrier adressé le 14 juin 2012 aux propriétaires ' A la suite de ma dernière visite (…) je suis en mesure d’estimer la valeur de votre bien immobilier.

J’ai tenu compte pour l’estimation de ce bien de sa situation, de l’état général, des surfaces (tant habitables, que du terrain), ainsi que des éléments de confort et des prestations.

Je vous confirme par conséquent, aprés examen de tous les éléments qui caractérisent votre bien, avoir retenu une valeur vénale d’environ 400.000 EUR€ net vendeur.'

Les époux X, retraités, exposent qu’eu égard à l’estimation et au gain escompté par la vente de leur maison d’habitation, ils ont régularisé le 15 juin 2012, un compromis par l’intermédiaire de la société Tristant Immobilier, afin d’acquérir une maison d’habitation construite en plein pied et de taille plus modeste, sis à […],[…], pour un montant de 309 000 EUR, financé par recours à un prêt relais qui leur a été consenti le 28 juillet 2012 par la Banque LCL pour un montant de 331.000 EUR remboursable sur une durée de 18 mois.

L’acquisition ayant été définitivement conclue selon acte notarié en date du 15 octobre 2012, les époux X indiquent qu’ils ont donné mandat exclusif en vue de la vente de leur habitation située […] à la société Tristant Immobilier mais qu’au terme du mandat d’exclusivité, leur maison n’était pas vendue et pire, aucune visite n’avait été effectuée.

Par lettre du 24 août 2012, les époux X ont adressé un courrier à la société Tristant Immobilier l’informant qu’à l’échéance du mandat de vente avec exclusivité accordé le 14 juin précédent, ils entendaient revenir à une simple mandat de vente sans exclusivité.

Bien que les conditions du mandat exclusif ne soient pas contestées, il est notable que le mandat le plus ancien produit remonte au 25 septembre 2012 , peu de temps avant l’acte authentique d’achat signé par les époux X en date du 15 octobre 2012, et que ces derniers ont donné mandat de vente sans exclusivité à la société Tristant Immobilier au prix net vendeur de 390.000 EUR.

Par ailleurs, l’appelante ne fournit aucune pièce justifiant des visites qu’elle a pu ou non organiser, ce qui accrédite la version des époux X qui ont dû faire appel à d’autres agences immobilières pour parvenir à vendre leur bien le 14 novembre 2014 au prix de 242.000 EUR.

Ils estiment donc qu’ils ont été convaincus d’acquérir un bien à des conditions financières qui se sont avérées plus lourdes que celles escomptées eu égard à la surévaluation du bien mis en vente par la société Tristant Immobilier, qui est ainsi parvenue à les convaincre d’acquérir rapidement un nouveau bien par son intermédiaire ce qui lui a permis de percevoir une commission, les époux X ayant pour leur part à faire face au remboursement de leur prêt relais sur une période plus importante ce qui a généré un coût supplémentaire.

Si la société Tristant Immobilier est bien fondée à faire valoir qu’une évaluation n’a pas valeur d’expertise, elle engage néanmoins la responsabilité de son auteur dès lors qu’elle émane d’un professionnel de l’immobilier qui doit être en mesure de fournir une évaluation la plus proche possible du prix du marché, les époux X produisant pour leur part, une attestation établie le 12 juillet 2016 par M. E F, agent imùmobilier, qui relate avoir visité les lieux en début d’année 2013 et avoir précisé que la valeur du pavillon se situait aux environs de 250.000 EUR, valeur proche de la valeur de vente conclue le 14 novembre 2014 au prix de 242.000 EUR.

La société Tristant Immobilier qui conteste cette évaluation, au motif qu’il existait une crise de l’immobilier en 2013, ne fournit aucun élément précis quant à l’évaluation de biens similaires dans le même secteur en fin d’année 2012 et postérieurement, la seule référence à la valeur du bien acquis par les époux X étant inssufisante.

Par ailleurs, la proximité de la date d’achat par les époux X d’un bien situé dans la même commune qu’ils ont acquis au prix de 302.000 EUR y compris les frais de vente soit un prix net vendeur de 280.000 EUR et le mode de financement utilisé (prêt relais) permettent de retenir comme déterminante de leur engagement, l’évaluation fournie par la société Tristant Immobilier.

Or, celle-ci ne pouvait en qualité de professionnel ne pas être consciente de l’incidence de l’évaluation annoncée sur la décision des époux X de se rendre immédiatement acquéreurs par recours à une prêt relais, une vente rapide de leur bien leur laissant espérer le remboursement aussi rapide leur prêt relais et la réalisation d’une plus value sur l’immeuble vendu.

Ainsi, les époux X caractérisent suffisamment le défaut de loyauté de la société Tristant Immobilier et son manquement à son obligation d’information et de conseil, qui justifie sa condamnation à des dommages et intérêts.

2°) Sur l’évaluation du préjudice des époux X:

L’opération de vente et de rachat d’un bien s’est déroulée dans des conditions préjudiciables aux époux X en ce que la vente de leur bien ayant été retardée, ils ont dû conclure avec la Banque LCL un avenant en date du 8 avril 2014, pour le remboursement de leur prêt relais qui a généré des intérêts supplémentaires pour un montant de 5644,84 EUR et le coût d’une assurance de 866,23 EUR.

Toutefois, la perte de chance de conclure un acte d’achat à de meilleures conditions ne correspond pas à une part aussi importante que celle allouée par le tribunal ( 90% de la différence entre le prix de vente espéré de leur précédent bien et le prix d’acquisition de leur nouveau bien).

En effet, les époux X ne prétendent pas avoir acquis un bien qui aurait été surévalué, la perte de chance indemnisable correspondant au fait qu’ils auraient pu différer leur décision et renoncer à faire appel à un professionnel, s’ils avaient eu connaissance de la valeur réelle de leur bien alors qu’ils ont fait appel à la société Tristant Immobilier afin de bénéficier d’une conseil objectif, celui-ci leur ayant facturé une commission sur l’acquisition de leur nouvelle habitation ; les dommages et intérêts résultant de la perte de chance de ne pas contracter deevront être évalués à la somme de 22.000 EUR outre les frais ci-dessus soit au total 28.511,07 EUR.

Par ailleurs, les époux X ont subi un préjudice moral correspondant à la perte de confiance qu’ils ont ressentie légitimement et qui les a obligés à multiplier leurs démarches auprès d’autres professionnels pour parvenir à la vente de leur bien, la mise en vente au prix initial ayant été de nature à dissuader les candidats acquéreurs.

Ce préjudice a justement été évalué par le tribunal à la somme de 5.000 EUR.

Référence: 

- Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 25 mars 2021, RG n° 19/01978