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Le 16 juillet 2020

 

Selon l’article L.231-10 du Code de la construction et de l’habitation « aucun prêteur ne peut émettre une offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat comporte celles des énonciations mentionnées à l’article L.231-2 qui doivent y figurer au moment où l’acte lui est transmis et ne peut débloquer les fonds s’il n’a pas communication de l’attestation de garantie de livraison ».

Ce texte ne met pas à la charge du prêteur l’obligation de requalifier le contrat qui lui est soumis, car il ne peut s’immiscer dans la convention passée entre le constructeur et le maître d’ouvrage.

Toutefois, le banquier n’est pas dispensé pour autant de son obligation de renseignement et de conseil à l’égard du maître de l’ouvrage à qui il fait une offre de prêt. Il a en conséquence l’obligation de déterminer avec son client dépourvu de connaissances juridiques, le cadre contractuel du projet qu’il accepte de financer, en se fondant sur les pièces produites à l’appui de la demande de financement. Il doit ainsi procéder à un contrôle formel du montage contractuel qui lui est présenté dans le cadre du dossier de demande de prêt. 

Pour que sa responsabilité ne soit pas engagée, il faut qu’il ait pu légitimement penser que ses clients s’étaient adressés à une entreprise avec laquelle ils avaient conclu des marchés de travaux et qu’il ne s’agissait pas d’un contrat de construction de maison individuelle.

La banque a indiqué dans les contrats de prêt, que l’opération financée était la « construction maison résidence principale au moyen de divers contratsd’entreprise », ce qui montre qu’elle a entendu se faire communiquer par les époux X les marchés signés par ceux-ci.

Il s’agit de deux documents :

— un marché de travaux conclu avec la société Bati Sud Est, portant sur « la construction d’une maison d’habitation », les conditions particulières indiquant qu’il s’agit d’une maison de 6 pièces de 154 m² outre 55 m² d’annexes, au prix forfaitaire de 214.558,82 € TTC, les travaux restant à la charge du maître d’ouvrage étant l’étude de sol et les branchements PTT, EDF et eau pour 1.500 euros TTC ;

— un descriptif comprenant les lots maçonnerie/terrassement, charpente/couverture/zinguerie, façades, menuiseries extérieures et intérieures, placo/isolation, carrelage, VRD, plomberie/sanitaire/chauffage et électricité.

Il en résulte que :

—  les plans sont fournis par la société Bati Sud Est ;

—  celle-ci assure l’intégralité de la construction et pas seulement la maîtrise d’oeuvre ;

— si des lots sont sous-traités, les époux X n’ont pas le choix des sous-traitants.

Le contrat est donc conclu avec une entreprise générale, qui se charge de l’intégralité des corps d’état nécessaires à la construction de l’intégralité de la maison, pour un prix forfaitaire, et qui assure la maîtrise d’oeuvre de conception en fournissant les plans et celle d’exécution du chantier.

Selon l’article L.231-1 du Code de la construction et de l’habitation, « toute personne qui se charge de la construction d’un immeuble à usage d’habitation ou d’un immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage d’après un plan qu’elle a proposé ou fait proposer doit conclure avec le maître de l’ouvrage un contratsoumis aux dispositions de l’article L. 231-2 », cette disposition étant d’ordre public.

En l’occurrence, il ne s’agit ainsi pas seulement d’un contrat de louage d’ouvrage, mais bien d’un contrat de construction de maison individuelle. Celui-ci exclut en effet que le maître de l’ouvrage ait le pouvoir de choisir les entrepreneurs et encore moins de contracter avec eux, ce qui exclut toute qualification de contrat de maîtrise d''uvre. De même, il ne peut s’agir d’un simple contrat d’entreprise, puisque la conception de la villa et les plans sont fournis par la société Bati Sud Est, alors que le prix est forfaitaire et que l’ouvrage à livrer n’est pas seulement limité à la mise hors d’eau, tous les corps d’état secondaires étant inclus dans l’opération.

Une consultation, même rapide, du marché et du descriptif, suffisait pour un banquier normalement diligent, professionnel du financement de la construction, de s’apercevoir que la réglementation d’ordre public n’était pas respectée et qu’il ne pouvait y être suppléé par une clause indiquant à l’emprunteur qu’il ne bénéficiait pas des garanties afférentes au contrat de construction de maison individuelle.

Certes, le notaire a pris le soin de mentionner dans l’acte qu’il avait explicité expressément aux époux X cette absence de garantie malgré son caractère obligatoire. Toutefois, il est de principe que le devoir de conseil n’est pas atténué en présence d’un autre professionnel.

La banque ne peut ainsi s’abriter derrière les précautions prises par le notaire pour que soit considéré qu’elle a bien rempli son rôle de conseil et de mise en garde de ses clients, la clause d’information sur l’absence de garantie ne suffisant pas à l’exonérer de toute responsabilité, s’agissant d’une réglementation d’ordre public.

Elle a ainsi commis un manquement, engageant sa responsabilité.

Référence: 

- Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 9 juillet 2020, RG n° 18/02250