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Le 13 mars 2020

 

En vertu des art. 544 et 651 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi ou par les règlements et il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage. Il s’agit d’une restriction au droit de propriété.

La mise en oeuvre de la responsabilité sur ce fondement ne nécessite pas la preuve d’une faute mais la démonstration du caractère anormal du troubleinvoqué, même en l’absence de toute infraction aux règlements.

Pour fixer la limite de la normalité des troubles de voisinage, le juge se détermine in concreto en fonction des circonstances de temps et de lieu.

L’appelant soutient que les troubles subis sont anormaux et en lien avec l’édification à l’arrière de sa parcelle par la SNC Kaufman & Broad Promotion 8, maître de l’ouvrage, d’une résidence de 52 logements, comprenant un tiers de logement sociaux. Il allègue la création de vues sur son jardin, une perte de perspective, d’intimité du jardin et de la terrasse, enfin des nuisances sonores, ce dont il déduit une diminution de 25 % de la valeur vénale de l’immeuble.

Le rapport du cabinet Expertise et Patrimoine produit par M. Y en première instance a été contradictoirement débattu entre les parties et sera retenu dans les éléments objectifs qu’il contient (plan de la résidence, cadastre, photo aérienne, étude INSEE). La Cour se référera également au procès-verbal de contrat dressé par maître Ribaute le 24 juillet 2019.

La parcelle AL 359 est d’une surface de 605 m², elle est située dans la zone UB du PLU, elle-même constituée de lotissements et d’ensembles d’habitations avec de rares terrains de faible surface, soit un territoire presque totalement bâti, occupé par des constructions pavillonnaires édifiées entre 1946 et 1970 (25 %), entre 1971 et 1990 (50 %), entre 1991 et 2005 (23 %), et enfin entre 2006 et 2010 (2%). La ville comprend environ 5400 logements dont 4600 maisons et 780 appartements.

La façade Nord Est du bâtiment C de la résidence litigieuse est le point le plus haut de cet ensemble de trois immeubles en R + 1 qui s’étend sur un terrain en déclivité vers l’avenue de Cornaudric. Le terrain naturel de la maison de M. Y, construite dans les années 1990, et où se trouvent un jardin et une terrasse, surplombe donc cette façade. Et celle-ci est d’une hauteur sous sablière de 7 mètres à partir du terrain naturel et d’une hauteur sous faîtage de 9,84 mètres; l’édifice, d’une largeur de 37 m 59 pour une largeur de parcelle de 46,83 mètres, est implanté à une distance variant de 8,79 mètres à 10,79 mètres de la limite séparative.

Il résulte de ces données objectives que l’immeuble de M. Y se situe dans une zone constructible urbanisée de longue date et que la résidence, d’une hauteur raisonnable pour ne pas excéder celle d’une maison d’habitation, ne rompt pas l’équilibre pavillonnaire du quartier lequel, selon la photo aérienne, comportait déjà, au-delà du proche chemin du Merle, une bande de maisons mitoyennes en R +1, la Cour observant en outre que les voisins immédiats de M. Y occupent également une maison avec un étage.

S’agissant des nuisances sonores, l’appelant ne produit que des attestations (Mmes Z et M) rédigées en termes généraux sans constats personnels, mentionnant un risque de nuisances liés aux nombreux appartements; il ne prouve ni l’existence de ces nuisances, ni un caractère anormal du fait de leur intensité et/ou de leur répétition.

La perte de vue et de perspective ne peut non plus être retenue dès lors que les Pyrénées ne sont visibles que par temps clair ainsi que le reconnaît M. Y; l’horizon demeure en outre visible depuis l’étage de la maison. Et M. Y, qui a fait le choix d’habiter une zone urbanisée où les terrains libres étaient rares, ne pouvait que s’attendre à ce que la parcelle attenante soit, à terme, construite.

La perte d’ensoleillement n’est pas objectivée par une étude technique et ne peut se déduire de la distance entre la limite de parcelle et le bâtiment construit, lequel de faible hauteur, est de surcroît situé en contrebas du terrain de l’appelant. En conséquence, rien n’établit que la luminosité de la maison est affectée dans des proportions excédant le risque nécessairement encouru du fait d’une situation en milieu urbain.

M. Y invoque enfin la création de vis-à-vis et vues multiples provenant de plusieurs logements agrémentés de balcons.

Certes, le respect des dispositions légales de l’art. 678 du Code civil, soit 19 décimètres n’exclut pas, par principe, l’existence d’un trouble anormal de voisinage.

Néanmoins, si cinq fenêtres dont une avec balcon, situées au 1er étage de la résidence, créent des vues directes sur la terrasse couverte et le jardin, ces vues se situent à une distance, minimale, de 8,79 mètres entre les deux fonds et une distance nécessairement plus importante entre les deux bâtis et la terrasse couverte. Et ces fenêtres ne constituent pas des vues plongeantes, la parcelle AL 359 surplombant la résidence.

Au surplus, il n’est pas démontré que les logements auraient pour effet de déséquilibrer de manière significative le ratio logements collectifs / maisons individuelles du quartier considéré. Enfin, la résidence s’intègre à l’urbanisation existante et ancienne et répond aux besoins de la commune.

Il résulte de ces éléments de fait que les vues des fenêtres ne constituent pas, au cas d’espèce, une atteinte anormale à l’intimité de l’appelant. M. Y ne rapporte pas la preuve que les troubles dont il fait état excédent les inconvénients normaux de voisinage et il est mal fondé à se prévaloir d’une dépréciation de son bien, au demeurant fixée unilatéralement à 25 % en considération d’un ensemble de nuisances dont le caractère anormal n’a pas été retenu.

Référence: 

- Cour d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 5 mars 2020, RG n° 19/02814