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Le 31 août 2019

La relation de cette affaire a surtout pour intérêt de rappeler qu'aucune rémunération, sous quelque forme que ce soit, et aucun remboursement de frais n’est dû aux personnes qui ont entrepris ou se sont prêtées aux opérations de recherches d'héritiers sans avoir été préalablement mandatées à cette fin dans les conditions d la loi. 

Monsieur G B est décédé le […] à l’hôtel des Carrières à Neuilly-Plaisance laissant pour lui succéder trois enfants Y, Z et E B ainsi que H I, sa petite-fille venant en représentation de son fils G B lui-même décédé en novembre 2001.

Le 10 mai 2010, M. J D, exploitant de cet hôtel et disant ne pas connaître la famille du défunt permettant de régulariser la somme de 450 euro due par ce dernier, a mandaté la société Etude généalogique des pyramides pour retrouver ses héritiers.

M. Y B et Mme Z B épouse X ont conclu chacun avec cette société un contrat de révélation de succession respectivement les 31 juillet 2010 et 18 juillet 2010.

Mme E B n’a pas répondu à la lettre recommandée avec avis de réception qui lui a été adressée par cette étude le 9 novembre 2010.

L’office notarial chargé du règlement de la succession de G B par Mme E B, disant avoir constaté l’interrogation du fichier des dernières volontés relatif à la personne décédée par la société Etude généalogique des pyramides, lui a écrit le 8 décembre 2010 afin de connaître l’identité de son mandant ainsi que l’état d’avancement de ses recherches puis, à défaut de réponse de sa part, a fait appel à la société de généalogie Coutot-C le 12 janvier 2011 pour établir l’entière et exacte succession.

M. Y B, Mme H I et Mme Z B ont conclu respectivement les 14 janvier 2011, 21 janvier 2011 et 31 janvier 2011 un contrat de justification de droits dans une succession avec la société Coutot-C puis ont chacun signé une procuration au profit de cette société afin qu’elle recueille et liquide la succession du défunt.

Informée de l’intervention d’un autre généalogiste par une lettre de la société Coutot-C en date du 8 mars 2011, la société Etude généalogique des pyramides a vainement protesté auprès du notaire.

Prétendant ne pas avoir reçu la lettre du notaire du 8 décembre 2010 et être victime du comportement de la société Coutot-C, la société Etude généalogique des pyramides a saisi la commission nationale de conciliation de l’union des syndicats de généalogistes professionnels le 10 avril 2014, laquelle a, dans son procès-verbal du 12 juin 2014, pris acte du refus de conciliation de la société Coutot-C et estimé ne pouvoir prendre position sur la réalité de l’intérêtlégitime du mandataire à mandater la société Etude généalogique des pyramides.

C’est dans ce contexte que, par actes d’huissiers de justice des 21 mai, 15 et 30 juin 2015, la société Etude généalogique des pyramides, arguant avoir été évincée et privée de son droit à rémunération, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris M. Y B, Mme Z B épouse X, Mme E B, ci-après les consorts B, et la société Coutot-C en paiement de ses honoraires, en règlement de ses dépenses sur le fondement de la gestion d’affaires et en indemnisationde son préjudice moral.

Par jugement du 30 octobre 2017, le tribunal a : débouté la débouté la société Etude généalogique des pyramides de l’ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 30 novembre 2017, la société Etude généalogique des pyramides a relevé appel du jugement.

La société étude généalogique des Pyramides fait valoir la preuve de l’existence de la créance de l’hôtelier l’ayant mandatée. Elle soutient que si M. D lui a remis un document intitulé quittance de loyer, il correspond en réalité à un appel de loyer, soit la facture d’hébergement restant due par G B à son décès, ce qui serait confirmé par une lettre et une attestation de M. D. Elle en déduit que l’hôtelier disposait d’une créance à l’encontre du défunt mais aussi de ses effets personnels se trouvant dans sa chambre, de sorte que le mandat procédait de son intérêt direct et légitime.

 

Elle sollicite l’exécution des contrats conclus avec elle, notant qu’ils n’ont été ni annulés par le tribunal, ni dénoncés par les consorts B et affirmant que la société Coutot-C a baissé ses honoraires pour les convaincre de contracter avec elle. Elle estime que ses diligences ont été utiles et que, notamment, seul l’envoi de sa lettre a déclenché la saisine par Mme E B d’un notaire, ce qui justifie sa condamnation sur le fondement de la gestion d’affaires.

Elle sollicite la condamnation solidaire de la société Coutot-C au motif que celle-ci, en violation de ses obligations déontologiques, a contracté avec des personnes dont elle savait qu’elles avaient antérieurement conclu des contrats de révélation de succession. Elle reproche aussi à cette société de l’avoir dénigrée aux yeux des consorts B et d’avoir porté atteinte à sa réputation.

Les intimés s’opposent aux demandes de la société Etude généalogique des pyramides, en faisant valoir leur absence de fondement à défaut de justification d’un mandat de recherche d’héritiers valable. Ils soulignent que M. D n’a pas pris la peine de déclarer au passif de la succession sa prétendue créance et que le mandat a été donné sur la base d’une quittance, non d’un appel de loyer. Ils en déduisent que la société Etude généalogique des pyramides n’a pas été mandatée par une personne ayant un intérêt direct et légitime à l’identification des héritiers ou au règlement de la succession et n’a dès lors droit à aucune rémunération, ni remboursement de frais.

A titre subsidiaire, ils soutiennent le mal fondé de la demande au titre de la gestion d’affaires à défaut d’action utile, arguant que le courrier de la société Etude généalogique des pyramides n’a pas informé Mme E B du décès de son père et que les diligences accomplies, ainsi que les sommes sollicitées ne sont pas justifiées. Ils invoquent également l’absence de responsabilité de la société Coutot-C dont la connaissance préalable des contrats conclus avec la société Etude généalogique des pyramides n’est pas établie, la société Coutot-C faisant valoir que la demande de dommages et intérêts n’est fondée sur aucune pièce et qu’aucun élément ne justifie la somme réclamée.

***

Aux termes de l’art. 36 de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, hormis le cas des successions soumises au régime de la vacance ou de la déshérence, nul ne peut se livrer ou prêter son concoursà la recherche d’héritier dans une succession ouverte ou dont un actif a été omis lors du règlement de la succession s’il n’est porteur d’un mandat donné à cette fin. Le mandat peut être donné par toute personne qui a un intérêt direct et légitime à l’identification des héritiers ou au règlement de la succession.

Aucune rémunération, sous quelque forme que ce soit, et aucun remboursement de frais n’est dû aux personnes qui ont entrepris ou se sont prêtées aux opérations susvisées sans avoir été préalablement mandatées à cette fin dans les conditions du premier alinéa.

La société Etude généalogique des pyramides verse aux débats le mandat signé le 10 mai 2010 par M. D, indiquant que G B louait une chambre dans son établissement mais qu’il ne lui connaissait aucune famille vers laquelle se rapprocher pour régulariser la somme de 450 euros due par le défunt et qu’afin de recouvrer cette créance, il lui confiait la mission de rechercher ses héritiers.

Elle produit aussi un document intitulé quittance de loyer en date du 30 avril 2010, valant reçu de la part de G B de la somme de 450 euros pour le règlement du loyer commençant le 1er avril 2010 pour finir le 30 avril 2010 et donnant quittance de cette somme.

Or, comme l’a exactement retenu le tribunal, ce document constitue explicitement le reçu du loyer du mois d’avril 2010 et donne quittance de son paiement, peu important sa date. En effet, le fait qu’il ait été établi le 30 avril 2010, après le décès de G B, n’est pas de nature à remettre en cause ses termes clairs et dénués de toute ambiguïté, les intimés soulignant à juste titre la pratique courante du paiement des loyers à terme à échoir.

La lettre de M. D du 19 mars 2015, confirmant le défaut de règlement de la somme de 450 euros, ainsi que son attestation datée du 19 juillet 2018, par laquelle il dit que le loyer était payé à la fin de chaque mois par G B et que, ne disposant pas de formulaire d’appel de loyer, il a donné au généalogiste une quittance de loyer portant le montant dû par son locataire dont il n’a jamais été réglé, ni la famille du défunt, ni le notaire chargé de la succession ne l’ayant contacté, n’emportent pas la conviction de la cour dès lors qu’elles sont en contradiction avec la quittance délivrée par M. D et qu’elles ne sont corroborées par aucun autre élément. En particulier, il n’est pas produit de document de comptabilité ou d’attestation justifiant du paiement dans cet hôtel des loyers à terme échu et du non règlement du loyer du mois d’avril 2010 par G B. Le tribunal a également relevé de manière pertinente l’absence de mention de la créance de l’hôtel correspondant au loyer d’avril 2010 au passif de la déclaration de succession déposée au service des impôts du Raincy le 6 février 2013, alors que la société Etude généalogique des pyramides connaissait l’office notarial chargé de la succession et l’intervention de la société Coutot-C depuis au moins 2011 et que son mandant était ainsi en mesure de faire valoir auprès d’eux sa créance à l’égard du défunt si elle existait réellement.

Il se déduit des énonciations précédentes que la réalité de la créance alléguée dans le mandat n’est pas établie et se trouve contredite par les éléments objectifs produits.

Force est de constater par ailleurs que le mandat confié par M. D à la société Etude généalogique des pyramides fonde exclusivement celui-ci sur cette prétendue créance et non sur l’existence d’effets personnels du défunt restant dans la chambre que l’hôtelier aurait voulu remettre aux héritiers de G B, laquelle n’est invoquée qu’au titre de la présente instance. Du reste, la consistance de ces effets n’est ni justifiée, ni même décrite et il n’est nullement établi que l’hôtelier, M. D, les ait conservés.

Il s’ensuit que M. D n’avait pas d’intérêt direct et légitime à l’identification des héritiers de G B ou au règlement de sa succession et que le mandat confié à la société Etude généalogique des pyramides n’étant pas conforme à l’article 36 alinéa 1 de la loi du 23 juin 2006, elle n’est pas fondée en ses demandes de paiement de ses honoraires et au titre de la gestion d’affaires.

Il résulte de ce qui précède que l’absence de rémunération et de remboursement des dépenses de la société Etude généalogique des pyramides n’est pas imputable à la société Coutot-C mais est la conséquence de la non conformité du mandat donné par M. D alors qu’en sa qualité de professionnel, la société Etude généalogique des pyramides devait s’assurer de sa régularité avant d’entreprendre ses diligences.

Le dénigrement reproché à la société Coutot-C n’est par ailleurs pas justifié, celle-ci, tout comme les consorts B, s’étant bornée à critiquer de manière fondée la conformité du mandat confié à la société Etude généalogique des pyramides. Au demeurant, la réalité du préjudice allégué par l’appelante n’est pas justifiée.

Les demandes formées à l’encontre de la société Coutot-C seront également rejetées.

La société Etude généalogique des pyramides sera condamnée aux dépens d’appel, déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à la société Coutot-C ainsi qu’aux consorts B la somme de 2. 000 euro au titre des frais irrépétibles d’appel, le jugement étant confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 29 août 2019, RG n° 17/21942