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Le 09 mai 2020

 

La société […], ci-après la société Life Invest, est un fonds d’investissement ayant pour objet l’acquisition de biens immobiliers sous la forme de contrats viagers.

Suivant acte authentique du 16 novembre 2006, la société Life Invest a acquis de M L Z d’Y (décédé depuis) et de son épouse, Mme M B, un bien immobilier situé à […], constitué d’un appartement de trois pièces, d’une terrasse, d’un jardin, d’une cave et d’un emplacement voiture, moyennant paiement comptant de la somme de 75. 500EUR  et versement d’une rente viagère annuelle de 10 .980 EUR, payable mensuellement par fractions de 915 EUR, révisable.

L’acte notarié mentionne, au titre des conditions de la rente viagère, qu’ "en outre, il est formellement stipulé qu’à défaut par le débirentier de payer exactement les arrérages de la rente, et en cas de mise en demeure par le crédirentier au débirentier d’avoir à acquitter ladite rente, la vente sera résolue de plein droit, après un simple commandement de payer resté infructueux et contenant déclaration par le crédirentier de son intention d’user du bénéfice de cette clause, sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire".

Mme veuve a assigné l'acquéreur après un défaut de paiement de la ente viagère?

Le tribunal a relevé que le commandement exprimait clairement la volonté du crédirentier d’obtenir le réglement des mensualités impayées et de mettre en oeuvre la clause résolutoire mais qu’il ne précisait pas la date à laquelle la résolution du contrat serait acquise et qu’il ne permettait pas au débirentier de prendre la mesure exacte des injonctions qui lui étaient faites et d’y apporter une réponse appropriée dans un délai requis.

Mme Z d’Y soutient que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, le commandement a mis en demeure le débirentier de payer les rentes sous huit jours et que la clause résolutoire se trouve acquise, celui-ci ne s’étant pas exécuté dans ce délai, soit le 23 avril 2012. Elle se fonde sur un arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 2015 qui a rejeté le moyen invoqué contre le même type de commandement qu’elle a fait délivrer.

Les intimés prétendent que le commandement avait pour seule finalité, non la mise en oeuvre de la clause résolutoire, mais la poursuite de l’exécution forcée du contrat et que rien n’indique que le délai laissé au débiteur pour s’exécuter sous peine de résolution du contrat serait de huit jours. Ils invoquent à cet effet un arrêt de la Cour de cassation du 17 février 2015 concernant un commandement de payer dans lequel le délai de huit jours était visé uniquement à peine de saisie des biens. Ils ajoutent que la résolution du contrat ne peut être sollicitée après l’ouverture de la procédure collective.

Ainsi que le relève l’appelante, les parties peuvent insérer dans un contrat de vente viagère une clause résolutoire en dépit des dispositions de l’art. 1978 du Code civil, celles-ci n’étant pas d’ordre public. La clause résolutoire prévue à l’acte de vente selon laquelle 'il est formellement stipulé qu’à défaut par le débirentier de payer exactement les arrérages de la rente, et en cas de mise en demeure par le crédirentier au débirentier d’avoir à acquitter ladite rente, la vente sera résolue de plein droit, après un simple commandement de payer resté infructueux et contenant déclaration par le crédirentier de son intention d’user du bénéfice de cette clause' est ainsi valable, ce qui n’est au demeurant nullement contesté.

Le commandement délivré s’intitule 'commandement aux fins de saisie vente (avec clause résolutoire)'. Il fait commandement à la société Life Invest de payer la somme de 3' 288,43 EUR, comprenant les rentes des mois de février à avril 2012, mentionne que faute pour elle de s’en acquitter, elle pourra y être contrainte par la saisie de ses biens meubles corporels à l’expiration d’un délai de huit jours à compter de la date de l’acte et indique expressément que 'les(s) requérant(s) entend(ent) expressément se prévaloir et user du bénéfice de la clause du contrat susvisé dont je vous rappelle les termes', l’acte d’huissier reproduisant ensuite la clause résolutoire précitée.

Ainsi, le commandement vise explicitement la clause résolutoire, la volonté du crédirentier de s’en prévaloir et fixe à la société Life Invest un délai de huit jours pour s’acquitter des sommes dues. La circonstance que Mme Z d’Y ait par ailleurs tenté d’obtenir l’exécution forcée du contrat par une procédure de saisie-vente n’est pas contradictoire, le créancier n’étant pas présumé avoir renoncé à l’acquisition de la clause résolutoire au seul motif qu’il poursuit aussi l’exécution forcée et alors qu’en l’espèce, Mme Z d’Y a manifesté sans ambiguïté sa volonté de mettre en oeuvre la clause résolutoire, comme d’ailleurs le tribunal l’a retenu.

Le commandement litigieux reproche à la société Life Invest l’inexécution de son obligation de paiement portant sur la somme de 3 288,43 EUR représentant pour l’essentiel des échéances de rente et lui laisse un délai de huit jours pour s’acquitter de cette somme, en lui rappelant la résolution de plein droit du contrat en cas de commandement de payer resté infructueux. Il s’ensuit que la société Life Invest savait qu’elle devait payer les causes du commandement dans les huit jours sous peine de résolution du contrat et que faute de paiement dans ce délai de huit jours suivant la date de délivrance du commandement, le 16 avril 2012, la clause résolutoire s’est trouvée acquise, celle-ci ayant produit ses effets avant l’ouverture de la procédure collective de la société Life Invest en raison du défaut de paiement des sommes échues antérieurement. Le jugement de redressement judiciaire de la société Life Invest, en date du 30 avril 2012, est donc sans effet au regard de l’acquisition de la clause résolutoire.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement et de constater la résolution de plein droit de la vente litigieuse, étant observé que le jugement a déclaré recevables les conclusions de Mme Z d’Y visant à la résolution de la vente après avoir constaté la réalisation par celle-ci des formalités de publicitéfoncière, au demeurant justifiées devant la cour, et que cette disposition du jugement n’est pas contestée, l’irrecevabilité soulevée par les intimés étant liée au défaut de suivi de la procédure de vérification des créances et de déclaration des créances.

Référence: 

- Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 7 mai 2020, RG n° 19/01213