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Le 16 juin 2020

 

Aux termes des dispositions de l’article 1134 du Code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’article 1152 du même code dispose que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter portera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

L’agent immobilier peut obtenir le dédommagement de ses diligences sur le terrain de la responsabilité contractuelle à l’égard de son mandant à condition de démontrer une faute de ce dernier l’ayant privé de son droit à commission.

En l’espèce, un mandat simple de vente sans exclusivité a été régularisé le 23 avril 2014 entre Mme Y et la SARL ARB, exerçant sous l’enseigne Stella-Habitat, et prévoyait une rémunération de 16' 000 EUR au profit de l’agent immobilier, à la charge de l’acquéreur.

Ce mandat stipule, au titre des obligations du mandant, que celui-ci s’interdit "de vendre sans votre concours, y compris par un autre intermédiaire, à un acquéreur qui nous aurait été présenté par vous, pendant la durée du mandat et deux ans après son expiration' et qu’ 'en cas de vente sans votre concours, pendant la durée du présent mandat et deux ans après son expiration, nous devrons obtenir de notre acquéreur l’assurance écrite que les biens ne lui ont pas été présentés par vous.

Si nous vendons après l’expiration de ce mandat, comme nous en gardons le droit, à toute personne présentée par vous, nous nous obligeons à vous avertir immédiatement par lettre recommandée, en vous précisant les coordonnées des acquéreurs, du notaire chargé d’authentifier la vente, et de l’agence éventuellement intervenue, ainsi que le prix de vente final, et ce pendant deux ans."

L’obligation du mandant d’informer le mandataire de la réalisation de la vente sans son intermédiaire en précisant les coordonnées de l’acquéreur, est en outre reprise dans le paragraphe XI intitulé 'Vente sans votre concours’ qui précise que: "Dans les cas autorisés aux présentes de vente sans votre concours, nous nous engageons à vous informer immédiatement par lettre recommandée avec accusé de réception, en vous précisant les noms et adresses de l’acquéreur, du notaire chargé de l’acte authentique et de l’agence éventuellement intervenue, ainsi que le prix de vente final et ce, pendant la durée du présent mandat et deux ans après son expiration" et prévoit en outre une clause pénale: "Clauses pénales - En cas de non-respect de la clause ci-dessus, nous vous verserons une indemnité compensatrice forfaitaire correspondant à la moitié de la rémunération convenue.

Par ailleurs, en cas de vente sans votre concours à un acquéreur ayant eu connaissance de la vente du bien par votre intermédiaire, ou de refus de vendre à un acquéreur qui nous aurait été présenté par vous, nous vous verserons une indemnité compensatrice forfaitaire égale à la rémunération prévue au présent mandat."

Il est constant que Mme Y a régularisé un compromis de vente avec les consorts X le 16 juillet 2014, la vente étant réitérée par acte authentique le 29 août 2014, après avoir résilié unilatéralement le mandat auprès de l’agence ARB par courriel en date du 25 mai 2014.

Il convient de relever que le seul courriel de la SARL ARB en date du 24 mai 2014, aux termes duquel celle-ci informe Mme Y de la réalisation de quatre visites de l’appartement, précisant que 'sur les quatre visites, un monsieur était fortement intéressé mais ne donnera probablement pas suite car il préférerait trouver un appartement avec un garage. Par ailleurs, nous avons une cliente qui a eu le coup de coeur mais elle doit d’abord vendre sa maison à Berck (…)', ne suffit pas à démontrer la connaissance par Mme Y de la visite des lieux avant la vente par les consorts X en l’absence de toute précision sur le nom du visiteur.

Toutefois, il résulte des termes du courriel de Mme Y en date du 25 mai 2014, aux termes duquel celle-ci a mis fin unilatéralement au contrat de mandat de la SARL ARB, que Mme Y qui a indiqué seulement: "j’ai trouvé un acheteur", n’a pas respecté les conditions prévues au contrat pour la résiliation du mandat, en l’absence d’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception précisant notamment les noms et adresses de l’acquéreur.

L’absence d’information du nom de l’acquéreur à l’agence immobilière, alors même qu’il n’est pas contesté que M. X a visité le bien immobilier par l’intermédiaire de l’agence ARB et signé un bon de visite le 17 mai 2014, constitue un manquement de Mme Y à ses obligations contractuelles qui a causé un préjudice à l’agence ARB, celle-ci n’ayant pas eu la possibilité de vérifier l’identité de l’acquéreur du bien immobilier et de faire valoir ses droits dans le cadre du mandat.

Si Mme Y sollicite la diminution de la clause pénale contractuellement prévue, force est de constater qu’aucune disproportion manifeste ne résulte de la comparaison réalisée entre le montant de la peine conventionnellement fixée, soit 8 000 euros, et celui du préjudice effectivement subi alors même que la vente a été définitivement conclue entre Mme Y et les consorts X et que la SARL ARB a été privée du versement de ses honoraires.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné Mme Y à verser à la SARL ARB la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter du 6 décembre 2016, date de la reprise de l’instance.

L’article 6 de la loi du n° 70-9 du 2 janvier 1970 (loi Hoguet) dispose qu’aucun bien, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties.

Il incombe à l’agent immobilier de démontrer qu’il a fait visiter le bien et qu’il a présenté son futur cocontractant à son mandant, la signature d’un bon de visite permettant à celui-ci de se ménager la preuve de son entremise dans l’exécution du mandat donné par le vendeur.

Même s’il n’est pas débiteur de la commission, la signature d’un bon de visite ne pouvant tenir lieu de mandat, l’acquéreur dont le comportement fautif a fait perdre celle-ci à l’agent immobilier par l’entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur qui l’avait mandaté, doit, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation à cet agent immobilier de son préjudice.

En l’espèce, il résulte des éléments du dossier qu’alors que M. X a signé le 17 mai 2014 un bon de visite avec la SARL ARB aux termes duquel il était stipulé que ce bien lui avait été présenté "en premier lieu" par cette agence et qu’il n’en avait 'aucune connaissance auparavant', les consorts X se sont portés acquéreurs de l’appartement de Mme Y suivant compromis régularisé le 16 juillet 2014 et réitéré par acte authentique en date du 29 août 2014.

Ainsi, si aux termes de leurs dernières écritures les consorts X affirment avoir eu connaissance de la mise en vente de l’appartement de Mme Y et s’être rendus "par curiosité" à l’agence immobilière Stella Habitat, nom commercial de la SARL ARB, ces derniers ne pouvaient ignorer l’existence du mandat liant Mme Y, propriétaire du bien immobilier, et la SARL ARB, le bon de visite signé par M. X précisant en outre que M et Mme X ont reçu "les noms, adresses et conditions de ventes des affaires désignées ci-après".

Dès lors, le fait d’avoir visité l’appartement mis en vente par Mme Y par l’entremise de l’agence ARB, après signature d’un bon de visite, et d’avoir ensuite régularisé la vente directement avec la propriétaire alors qu’ils ne pouvaient ignorer l’existence du mandat confié par Mme Y à l’agence immobilière, constitue une manoeuvre frauduleuse des consorts X qui a fait perdre à la SARL ARB la commission qu’elle aurait pu exiger des acquéreurs.

Il en résulte que la faute délictuelle commise par les consorts X est caractérisée en l’espèce.

Le premier juge a justement évalué le préjudice subi par la SARL ARB et consécutif à la faute délictuelle des consorts X à la somme de 8' 000 EUR, la décision entreprise étant confirmée sur ce point.

Référence: 

- Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 11 juin 2020, RG n° 18/00540