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Le 30 novembre 2020

 

Il est établi que monsieur Dietrich V. a communiqué, dès le mois d'octobre 2016, à la BANQUE BNP PARIBAS un certificat successoral européen en date du 19 septembre 2016 (pièce 1bis appelant) consacrant sa qualité d'héritier, ainsi que ses droits dans la succession testamentaire de son épouse française, Jacqueline D., décédée à BERLIN le 24 septembre 2015. Il est également établi qu'aucun droit de mutation à titre gratuit n'est dû par Monsieur Dietrich V. sur la succession de son épouse, puisque celui-ci a communiqué un certificat de non exigibilité de l'impôt dressé le 6 mars 2017 par la recette des impôts des non résidents (pièce 4 appelant).

La BANQUE BNP PARIBAS ne conteste ni la qualité d'héritier de Monsieur Dietrich V., ni l'étendue de ses droits, tels qu'ils résultent du certificat successoral européen, qui a été dressé au visa de l'article 70 du règlement UE n°650/2012 du 4 juillet 2012.

Elle se refuse cependant à transférer les fonds successoraux qu'elle détient au bénéfice de Monsieur Dietrich V. en invoquant l'article 1000 du Code civil et l'article 655 du Code général des impôts.

Selon l'article 1000 du Code civil 'les testaments faits en pays étranger ne pourront être exécutés sur les biens situés en FRANCE, qu'après avoir été enregistrés au bureau du domicile du testateur s'il en a conservé un, sinon au bureau de son dernier domicile connu en FRANCE et dans le cas où le testament contiendrait des dispositions d'immeubles qui y seraient situés, il devra être, en outre, enregistré au bureau de la situation de cet immeuble sans qu'il puisse être exigé un double droit".

Selon l'article 655 du Code général des impôts 'les testaments faits en pays étrangers ne peuvent être exécutés sur les biens situés en FRANCE, qu'après avoir été enregistrés au service des impôts du domicile du testateur, s'il en a conservé un, sinon à celui de son dernier domicile connu en FRANCE; et dans le cas où le testament contient des dispositions d'immeubles qui y sont situés, il doit être en outre, enregistré au service des impôts de la situation de ces immeubles, sans que les pénalités prévues aux articles 1727 et suivants soient applicables.'

Il s'agit donc de déterminer si l'exigence de respect par la BANQUE BNP PARIBAS de ces deux dispositions de droit interne aboutit à contrevenir au principe d'application directe du règlement UE n°650/2012 dans les Etats membres de l'union européenne.

Le paragraphe 71 du règlement UE n°650/2012 dispose que "le règlement devrait produire les mêmes effets dans tous les Etats membres. Il ne devrait pas être, en tant que tel, un titre exécutoire mais devrait avoir une force probante et il devrait être présumé attester fidèlement de l'existence d'éléments qui ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession .....toute personne effectuant un paiement ou remettant un bien successoral à une personne indiquée dans le certificat comme étant en droit d'accepter ce paiement ou ce bien en qualité d'héritier ou de légataire devrait bénéficier d'une protection adéquate si elle a agi de bonne foi...".

Ce paragraphe 71 limite donc clairement la portée du certificat successoral européen à une efficacité probatoire, puisqu'il n'en fait pas un titre exécutoire s'imposant automatiquement à la personne privée ou publique requise en vertu de ce certificat. En d'autres termes, la reconnaissance de la qualité d'héritier et des droits de l'héritier facilite le règlement de la succession trans-frontières en réglant ces questions de qualité et d'étendue des droits, ce qui n'est pas négligeable. Mais le règlement de ces questions n'épuise pas nécessairement les formalités à mettre en oeuvre pour obtenir l'exécution des droits consacrés par le certificat

Le règlement UE n° 650/2012 a, par ailleurs, expressément limité son champ d'application, puisque son article 10 dispose que ' le présent règlement ne devrait pas s'appliquer aux questions fiscales ni aux questions administratives relevant du droit public. Il appartient dès lors au droit national de déterminer, par exemple, comment sont calculés et payés les impôts et autres taxes, qu'il s'agisse d'impôts dus par la personne décédée au moment de son décès ou de tout type d'impôt lié à la succession dont doivent s'acquitter la succession ou les bénéficiaires. Il appartient également au droit national de déterminer si le transfert d'un bien successoral aux bénéficiaires en vertu du présent règlement ou l'inscription d'un bien successoral dans un registre peut, ou non, faire l'objet de paiement d'impôts'.

L'exigence de paiement d'un impôt ou d'une taxe conditionnant un transfert de tout ou partie d'un actif successoral ne peut donc pas porter atteinte au principe d'application directe du règlement UE n°650/2012 ayant créé le certificat successoral européen, puisque c'est ce règlement lui même qui prévoit expressément le maintien des règles fiscales internes.

Les dispositions des articles 1000 du Code civil et 655 du Code général des impôts prévoient une formalité d'enregistrement des testaments faits en pays étrangers, qui est une formalité fiscale puisqu'elle relève de l'administration fiscale et qu'elle donne lieu au paiement d'un droit fixe de 125€ prévu par le code général des impôts.

Ce droit fixe est distinct des droits de mutation par décès, qui sont liés à la déclaration de succession, pour lesquels un certificat de non exigibilité de l'impôt a été délivré le 6 mars 2017 par la recette des impôts des non résidents (pièce 4 appelant) à monsieur V.. Ce certificat de non exigibilité de l'impôt sur les successions ne signifie donc pas que Monsieur V. s'est libéré de toute formalité fiscale et du paiement de tout droit ou taxe conditionnant la mise en oeuvre de ses droits successoraux.

Le fait qu'un notaire ait pu dresser une attestation immobilière en date du 9 décembre 2019 (pièce 9 appelant) consacrant la transmission au profit de monsieur Dietrich V. d'un bien immobilier sis à SAINT JUST LUZAC (17320) dépendant de la succession de son épouse, sans qu'il semble y avoir eu préalablement enregistrement du testament fait à l'étranger, gouvernant la dévolution successorale, est indifférent pour apprécier la portée du certificat successoral en vertu duquel Monsieur V. sollicite auprès de la BNP le transfert à son profit des avoirs de son épouse.

Les effets du certificat successoral européen ne peuvent en effet être définis que par rapport aux principes posés par le règlement UE n°650/2012 qui a présidé à sa création et non par rapport à une pratique privée et particulière, fût-elle celle d'un professionnel du droit.

Contrairement à ce qui est soutenu par monsieur Dietrich V. il n'est donc aucunement démontré que les exigences de la BANQUE BNP PARIBAS conditionnant le transfert des avoirs de la défunte au respect de la formalité de l'enregistrement du testament porteraient atteinte à l'application directe du règlement UE n°650/2012.

Les précisions fournies par le règlement, tant sur la portée purement probatoire du certificat successoral européen, que sur les exclusions affectant son champ d'application ne permettent pas de retenir qu'il existerait un doute ou une ambiguïté sur la compatibilité entre la formalité préalable de l'enregistrement requise en FRANCE pour obtenir l'exécution du testament fait à l'étranger et l'application directe du règlement européen.

Il n'y a donc pas lieu de soumettre des questions préjudicielles à ce sujet à la Cour de Justice de l'Union Européenne.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 3, chambre 1, 25 novembre 2020, RG n° 19/04919