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Le 16 janvier 2020

 

 

Dans le cadre de la construction de leur maison d’habitation situé avenue nationale à […], M. B X et Mme C X née Z ont confié le lot charpenterie-couverture-zinguerie à la société H et ont opté pour la pose d’ardoises d’Espagne de classe A de dimension 32/22.

La facture établie le 25 février 2003 par la société H a été intégralement réglée le 22 mars 2003.

La société H a acheté les ardoises auprès de la société UMBC, devenue Coopérative du Bâtiment 72, puis COBAT, ayant eu pour fournisseur la société de droit allemand Rathscheck Schieter und Dach-Systeme.

Ayant constaté l’apparition de coulures de rouille sur les ardoises et n’étant pas parvenus à trouver une solution amiable, M. et Mme X ont fait assigner, par acte du 25 juin 2012, la société H aux fins de condamnation au paiement des travaux de reprise de l’intégralité de la toiture.

La société H a fait assigner en garantie la société COBAT 72, qui a elle-même fait assigner en garantie la société Rathscheck Schieter und Dach-Systeme. 

Le tribunal a condamné la société COBAT à indemniser M. et Mme X de leur préjudice en retenant qu’elle a commis une faute à l’égard de la société H en lui livrant des ardoises qui n’étaient pas de classe A et n’étaient donc pas conformes à la commande et qu’en outre elle n’a pas vérifié les ardoises lorsqu’elle les a reçues de son fournisseur allemand ; que cette faute a causé un préjudice à M. et Mme X qui ont subi des désordres qui n’auraient pas existé si des ardoises de classe A avaient été livrées.

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Ainsi que l’a jugé le tribunal, M. et Mme X, sous-acquéreur des ardoises, sont en droit de demander réparation directement à la société COBAT en se fondant sur un manquement contractuel dont elle est l’auteur à l’égard de la société H, acheteur intermédiaire.

Il y a lieu de rappeler que l’obligation de délivrance est une obligation de résultat de sorte que le vendeur est tenu de fournir une chose dont les caractéristiques correspondent à la commande.

En l’espèce M. A, expert judiciaire, a constaté des désordres affectant la qualité des ardoises constituant la toiture du fait de la présence de coulures de pyrite oxydable non conforme à la norme NFP32-302 pour une ardoise de classe A. Il conclut que les ardoises posées sur la toiture de la maison de M. et Mme X ne sont pas des ardoises de classe A, ce qui n’est pas contesté.

Elles ne sont donc pas conformes au produit commandé et facturé à M. et Mme X par la société H, la facture du 25 février 2003 faisant référence à des «ardoises d’Espagne classe A 32/22».

Elles ne sont pas non plus conformes au produit commandé par la société H à la société UMBC aux droits de laquelle vient la société COBAT.

En effet suivant facture du 15 janvier 2003 visant un bon de commande du 14 janvier 2003 et un bon de livraison du 15 janvier 2003, la société UMBC a facturé à M. G-F H I «ardoises d’Espagne 32x22 VB 1er choix classe A» à livrer sur le chantier de M. et Mme X.

La société UMBC a donc manqué à son obligation de délivrance à l’égard de la société H dès lors qu’est constatée une différence entre ce qui était convenu et ce qu’elle a effectivement livré.

L’expert judiciaire relève en outre en pages 9, 10 et 11 de son rapport final que la société COBAT n’apporte aucun élément permettant l’identification de l’ardoise vendue et livrée à la société H, notamment plaquette de référence apposée sur chaque palette ou procès-verbal du Laboratoire National d’Essais (LNE). Il indique ainsi avoir réclamé à la société COBAT le procès verbal du LNE, mais ne pas l’avoir reçu.

Le fait que la société COBAT soit une coopérative servant d’intermédiaire dans la vente de ses produits notamment à ses adhérents et n’ait pas de connaissance technique particulière en matière de qualité d’ardoises, n’est pas de nature à l’exonérer de l’obligation de délivrance conforme qui lui incombe en qualité de vendeur. Cette obligation implique qu’elle soit en mesure, soit de vérifier par elle-même la conformité des produits livrés, soit de fournir des documents la garantissant.

Or l’expert judiciaire note qu’elle ne lui a remis ni le procès-verbal du LNE concernant les ardoises livrées à la société H, ni les étiquettes des palettes d’ardoise. Elle ne produit pas plus de justificatif devant la cour d’appel.

Qui plus est ni le procès-verbal de livraison du 15 janvier 2003, ni la facture du même jour ne permettent d’établir que les 8 000 ardoises livrées et facturées à la société H font bien partie des 79 800 ardoises acquises six mois plus tôt auprès de la société Rathscheck Schiefer und Dach-Systeme selon factures des 12 juillet et 29 juillet 2002.

La société COBAT prétend que son fournisseur allemand lui a remis des palettes d’ardoises bâchées et filmées sur lesquelles figurait un document certifiant la conformité et la qualité du produit.

Cependant elle ne prouve pas ses affirmations étant donné qu’elle n’a pas elle-même communiqué le document qui lui aurait été fourni. En effet le procès-verbal du LNE que la société COBAT verse aux débats en cause d’appel (pièce n°9) correspond à une pièce qui avait été produite à l’origine par la société Rathscheck.

La société H conteste par ailleurs que les palettes d’ardoises aient été livrées sous film plastique et bâchés.

Aucune de ces deux sociétés n’apporte d’élément de preuve au soutien de ses dires sur ce point. En tout état de cause, même en admettant que la présence d’un film plastique ait empêché la société COBAT de vérifier par elle-même la conformité du produit, il lui appartenait alors de prendre toutes

précautions pour s’assurer de sa conformité par d’autres moyens, et notamment en réclamant des documents la garantissant.

La société COBAT a donc commis une faute à l’égard de la société H en ne livrant pas des ardoises conformes à la commande et en ne prenant pas les précautions nécessaires pour s’assurer de la conformité des ardoises vendues à la société H.

En revanche, ainsi que l’a retenu à juste titre le premier juge, la société H, professionnel spécialiste de la pose d’ardoises, ne peut pas reprocher à la société COBAT un défaut de conseil à son égard s’agissant de la qualité des ardoises commandées.

La société COBAT ne peut être exonérée de sa responsabilité à l’égard de la société H pour manquement à son obligation de délivrance que si elle établit qu’il est dû à une cause étrangère qui ne lui est pas imputable.

Elle ne peut invoquer ni son absence de faute, ni le fait ou la faute de son propre vendeur.

Elle doit démontrer un cas de force majeure ou la faute de la société H.

Elle n’allègue dans le cas présent l’existence d’aucune force majeure.

S’agissant d’une faute de la société H, elle résiderait dans l’absence de vérification de la conformité des ardoises par cette dernière, alors qu’en qualité de couvreur professionnel certifié «Qualibat» en matière d’ardoises, elle seule avait la compétence technique pour constater un défaut de conformité.

La société H oppose que les vices n’étaient pas décelables lors de la pose, la présence de pyrite oxydable étant admise dans les ardoises de classe A et les désordres n’étant apparus que 7 ans après la pose ; que l’ardoise est naturellement non plane et qu’elle n’a commis aucune faute dans la pose des ardoises, ayant trié celles-ci par taille et vérifié la présence de pyrite oxydable infiltrante avant de les poser.

L’expert judiciaire constate la présence de coulures de pyrite oxydable affectant 75/80% de la toiture sur ses deux faces. Il note en page 5 de son rapport final que les grains de pyrite sont assez importants sur les deux faces des ardoises exposées ou non et que y compris des ardoises récupérées de l’habitation restées depuis un certain temps sous abri présentent des inclusions d’une pyrite avec une légère apparition de rouille. Il en déduit que cet état pouvait ne pas être aussi prononcé, mais était existant et visible à la pose.

Toutefois il indique également que la présence de pyrite oxydable est admise dans les ardoises de classe A, seules les coulures étant exclues, et aucune preuve n’est rapportée de l’existence de coulures au jour de la livraison des ardoises à la société H.

Dès lors, même à supposer que les inclusions de pyrite étaient visibles lors de la livraison, le premier juge a, à raison, estimé qu’il n’était pas établi que cette société aurait pu déceler la non-conformité de ce fait.

En revanche l’expert judiciaire a constaté, outre des coulures de pyrite oxydable, d’autres défauts qui ne devraient pas exister sur des ardoises de classe A :

- un défaut de planimétrie,

- un côté friable trop important provoquant un délitage,

- une exfoliation naturelle excessive sous l’action des conditions météorologiques provoquant la décohésion superficielle et progressive des ardoises et la réduction de leur épaisseur normale.

Si les ardoises de schiste sont par nature non planes, la société H explique elle-même que la qualité d’une ardoise s’apprécie notamment en fonction de sa planéité qui rend sa pose plus ou moins aisée et l’aspect général de la toiture plus ou moins esthétique. Elle indique ainsi qu’une ardoise peut être qualifiée de très plane, plane ou normale en fonction de l’écart de déformation.

La société H prétend en l’espèce que la planéité des ardoises correspondait à des ardoises de type A et que la couverture présenterait encore aujourd’hui un résultat homogène ce qui démontrerait l’absence de problème de planéité. Néanmoins elle n’apporte aucune preuve au soutien de ses affirmations.

Sur le côté friable trop important et l’exfoliation excessive de l’ardoise, elle ne produit aucun élément de preuve susceptible de remettre en cause les conclusions de l’expert.

Le premier juge a dès lors de manière pertinente retenu que la société H a commis une faute à l’égard de la société COBAT en ne vérifiant pas la conformité du produit livré, alors qu’elle les a manipulées en les posant et que différents indices, tels que le défaut de planimétrie, le caractère friable ou l’exfoliation excessive, auraient dû l’alerter.

Il y a lieu d’ajouter que la faute de négligence de la société H est d’autant plus caractérisée qu’elle ne pouvait ignorer en tant que professionnelle ayant reçu l’agrément «Qualibat» au titre des ardoises de schiste, les différentes qualités et caractéristiques des ardoises.

Elle ne pouvait au surplus ignorer que la qualité des ardoises était déterminante, puisque les époux X avaient opté pour des ardoises de la meilleure qualité possible, et il lui était techniquement possible de vérifier celle-ci, ne serait-ce qu’en exigeant le procès-verbal du LNE et en vérifiant les étiquettes des palettes, ce qu’elle ne justifie pas avoir fait.

Pour autant la société H ne peut pas être considérée comme seule responsable du préjudice subi par M. et Mme X. Sa faute ne peut pas exonérer totalement la société COBAT de sa responsabilité pour manquement à son obligation de résultat.

Les manquements contractuels de la société COBAT ont contribué au préjudice subi par M. et Mme X, puisque l’expert conclut, au regard de l’importance des désordres touchant 75/80% de la surface totale de la couverture, à la nécessité de remplacer intégralement les ardoises, ce qui n’aurait pas été le cas si les ardoises avaient été conformes à ce qui avait été convenu.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société COBAT in solidum avec la société H à réparer le préjudice matériel subi par M. et Mme X.

Référence: 

- Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 10 décembre 2014, RG n° 14/03732, SARL MEDIANE c/ SA SILOGE