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Le 03 septembre 2019

Mme X, preneuse en place, soutient que M. Y, propriétaire bailleur, ne peut se plaindre d’un mauvais entretien du fonds alors qu’il n’a pas terminé le débroussaillage auquel il a été condamné et que la qualité des clôtures est discutée, les poteaux étant en nombre insuffisant, les sections du fil de ronce et des poteaux étant insuffisantes pour garantir la contention du bétail à proximité de la ligne de chemin de fer, les animaux ne pouvant être mis à pâturer et les herbages, qui sont fauchés, étant évidemment moins nets que s’ils étaient pâturés, les mauvaises herbes étant traitées deux fois par an. Elle relève que M. Y avait laissé des détritus et dépôts divers sur certaines parcelles, des cages à faisans dans l’étable, que la stabulation s’est écroulée sur les animaux, que le hangar à paille a des trous en toiture, que ces bâtiments ne peuvent être occupés et que M. Y n’a pas respecté ce que lui avait imposé les décisions judiciaires. Mme X souligne avoir des rendements à l’hectare démontrant qu’il n’y a pas mauvaise exploitation du fonds.

Elle fait valoir qu’elle exploite le fonds avec un salarié, son fils, et que certains travaux sont faits en entraide avec son conjoint qui exploite une autre ferme. Selon elle, pour exploiter, M. Y faisait lui-même appel à des services en entraide comme l’atteste son propre témoin. Elle rappelle que la convention d’entraide peut être verbale, surtout entre mari et femme, qu’aucun texte n’oblige à la passer par écrit. Elle précise qu’il résulte de la comptabilité qu’aucune somme n’est reçue de M. N X en rémunération d’une mise à disposition et conteste les attestations produites par l’appelant. Mme X affirme qu’elle est bien le chef d’exploitation et qu’elle se consacre directement et pleinement aux activités agricoles tant dans l’organisation technique et administrative que sur les engins agricoles.

Elle ajoute que l’impôt foncier n’a pas été payé immédiatement car elle attendait le remboursement du dégrèvement d’impôts fonciers qui doit revenir au preneur pour faire une compensation, que l’impôt a néanmoins été payé et que l’art. L.411-31 du Code rural ne vise que le défaut de paiement des fermages.

Mme X demande l’autorisation de céder le bail dont elle est titulaire à son fils, M. K X, actuellement salarié de son exploitation et qui remplit, selon elle, toutes les conditions (diplôme, moyens matériels, habitation proche…).

Mme X invoque des agissements de M. Y lui causant préjudice, saccages d’arbres, créations d’ornières dans les herbages où l’herbe ne pousse plus, tirs de balles à plomb en direction du corps de ferme, allers et venues incessantes dans le corps de ferme pour la surveiller, la caméra posée par M. Y en direction du corps de ferme ayant été cependant enlevée. Elle sollicite des dommages et intérêts pour harcèlement et préjudice moral.

Selon l’art. L.411-35 du Code rural et de la pêche maritime :

" (…) Toute sous-location est interdite. Toutefois, le bailleur peut autoriser le preneur à consentir des sous-locations pour un usage de vacances ou de loisirs. Chacune de ces sous-locations ne peut excéder une durée de trois mois consécutifs. Dans ce cas, le bénéficiaire de la sous-location n’a aucun droit à son renouvellement, ni au maintien dans les lieux à son expiration. En cas de refus du bailleur, le preneur peut saisir le tribunal paritaire. Le tribunal peut, s’il estime non fondés les motifs de l’opposition du bailleur, autoriser le preneur à conclure la sous-location envisagée. Dans ce cas, il fixe éventuellement la part du produit de la sous-location qui pourra être versée au bailleur par le preneur. Le bailleur peut également autoriser le preneur à consentir des sous-locations desbâtiments à usage d’habitation. Cette autorisation doit faire l’objet d’un accord écrit. La part du produit de la sous-location versée par le preneur au bailleur, les conditions dans lesquelles le coût des travaux éventuels est supporté par les parties, ainsi que, par dérogation à l’article L.411-71, les modalités de calcul de l’indemnité éventuelle due au preneur en fin de bail sont fixées par cet accord. Les parties au contrat de sous-location sont soumises aux dispositions des deux derniers alinéas de l’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

Le preneur peut héberger, dans les bâtiments d’habitation loués, ses ascendants, descendants, frères et soeurs, ainsi que leurs conjoints ou les partenaires avec lesquels ils sont liés par un pacte civil de solidarité. Il ne peut exiger, pour cet hébergement, un aménagement intérieur du bâtiment ou une extension de construction.

Les dispositions du présent article sont d’ordre public".

Une sous-location est caractérisée par la mise à disposition par le preneur, au profit d’un tiers, de tout ou partie du fonds loué moyennant paiement d’un prix déterminé ou de toute autre contre-partie.

La preuve de la sous-location prohibée incombe au bailleur qui s’en prévaut.

M. Y produit divers constats d’huissier, réalisés entre 2009 et 2017, les constats de 2009 à 2012 démontreraient, selon M. Y, que la plupart des bâtiments loués seraient inoccupés et qu’un tas de pneumatiques serait présent sur une des parcelles louées.

Les pneumatiques n’y sont plus (aucun des constats suivants ou des rapports d’expertise n’en fait état), certains bâtiments étaient à débarrasser ou à réparer à cette époque et ne pouvaient être utilisés, en outre, ces constats sont trop anciens pour justifier d’une infraction actuelle au bail.

Selon M. Y, plusieurs constats établiraient le non-entretien des lieux loués, Mme X n’utiliserait pas les bâtiments pour y stocker du matériel ou y abriter des animaux, elle n’aurait que très peu de bovins, sur un constat, il n’y a que trois vaches qui pâturent, elle préférerait faire manger de la paille à ses animaux plutôt que de l’herbe, de ce fait, les herbages non pâturés seraient bien verts, de la paille serait entreposée sous un bâtiment mais aussi dehors sans protection.

Aucun de ces éléments ne démontre la sous-location invoquée.

Dans le constat du 30 septembre 2014, l’huissier constate la présence de deux tracteurs et indique voir deux hommes travailler la terre louée, sans doute M. X et son fils. Ce fait isolé ne prouve pas non plus la sous-location.

M. Y produit des clichés photographiques sur lesquels peut être constatée la présence d’un homme dans un Manitou devant le hangar à paille en mars 2015. Outre que les conditions dans lesquelles ces photographies ont été prises par M. Y ne sont pas connues, cela ne démontre nullement que M. X utiliserait à son seul profit le hangar à paille 'comme annexe de son exploitation’ comme le soutient l’appelant (le propriétaire).

Même si M. X était présent lors des opérations d’expertise menées par M. B, il résulte du rapport d’expertise que c’est Mme X qui a donné à l’expert les explications sur l’état des bâtiments, des clôtures et sur la non-réalisation, qu’elle invoquait, des travaux que devait exécuter M. Y, M. X ne s’est nullement immiscé dans les opérations d’expertise, mais était là pour épauler son épouse face à M. Y (décrit dans certaines attestations comme pouvant être violent).

Dans un procès-verbal d’audition de M. K X, il mentionne effectivement : '"étant donné qu’il (M. Y) n’a pas à être sur le terrain que lui loue mon père j’ai pris sa photo" mais le jeune homme indique avant cette phrase qu’il se trouvait alors "sur le terrain d’exploitation de sa mère" et fait allusion plus loin dans ses déclarations à l’exploitation de la ferme de son père à Beautôt. Le jeune homme explique dans ses déclarations qu’il nourrissait les animaux de sa mère (pas de son père). Né en 1990, se destinant à la profession d’exploitant agricole, il n’est pas anormal qu’il apporte une aide ponctuelle à sa mère pour nourrir les animaux, avant d’ailleurs d’être embauché par elle.

M. Y produit des attestations dans lesquelles les témoins relatent ne jamais avoir vu sur les terres Mme X sur un engin agricole pendant plusieurs années. Mais la période des observations n’est pas précisée, or, il peut s’agir d’une période où il n’y a pas à travailler sur les parcelles de culture. Certains témoins indiquent avoir vu travailler le mari et le fils de Mme X. Ils ne précisent pas s’ils ont été désignés comme tels par M. Y ou s’ils les connaissaient eux-mêmes. De plus, les témoins ne sont pas en permanence à proximité des lieux loués pour voir qui exploite la terre, M. X et son fils pouvant apporter seulement une aide ponctuelle à Mme X, entraide courante entre deux conjoints ayant chacun leur exploitation.

De son côté, Mme X verse des attestations contredisant celles de M. Y, dans lesquelles les témoins affirment qu’elle utilise les engins agricoles et travaille dans les parcelles. Les conseils pour la nature de produits désherbants à employer sont donnés à Mme X, selon le technicien conseil. Le vétérinaire expose avoir à faire à Mme X elle-même. Les tickets de pesée des livraisons des récoltes en août 2016 sont au nom de Mme X, sans que puisse être retenue la prétention hypothétique de M. Y selon laquelle les tickets ne seraient pas probants, une pratique répandue consistant pour le livreur à utiliser le nom d’un tiers.

Mme X justifie en outre de ce que son fils est employé par son exploitation, comme aide familial du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2015 puis comme salarié agricole depuis le 1er octobre 2015, ces statuts expliquant sa présence sur les terres.

L’entraide agricole est gratuite, produire la comptabilité n’en aurait pas obligatoirement démontré l’existence, la sous-location suppose une contrepartie financière et Mme X produit une attestation de son comptable justifiant de ce qu’aucune somme n’est reçue de M. X en rémunération d’une mise à disposition. M. Y n’établit nullement que Mme X n’exploite pas personnellement les biens loués, même si elle reçoit une aide ponctuelle de son mari, il n’exploite pas les terres en ses lieu et place, deux époux C peuvent collaborer ou s’assister dans leurs activités agricoles respectives sans que cela ne constitue une sous-location prohibée. Le rejet de la demande de résiliation de M. Y pour sous-location prohibée sera confirmé.

Référence: 

- Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 28 mars 2019, RG n° 17/01130