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Le 31 août 2021

 

Monique Julienne Rose T., divorcée de Michel D., est décédée le 19 août 2011, en son domicile à Nice, en l'absence de dispositions à cause de mort, laissant pour lui succéder ses deux fils, M. Emmanuel D., né le 20 août 1950, et M. Alexandre D., né le 11 juillet 1954, tous deux héritiers à parts égales de leur mère.

Les deux héritiers ont donné mandat à l'office notarial de maîtres Renaud A. et Catherine B.-A. à Nice pour accepter et recueillir la succession.

Le 30 mars 2015, M. Emmanuel D. adressait un courrier à son frère Alexandre en ces termes:

"La mère avait des comptes en Suisse qu'il faut régulariser pour être en concordance avec la fiscalité française.

Pour ce faire j'ai pris l'attache d'un cabinet d'avocats spécialisé dans ce type d'opération. Les avocats chargés de cette régularisation vont certainement te contacter car les sommes détenues par la Société Générale et le Crédit Suisse rentrent dans la succession.

À titre informatif je te donne les noms des avocats responsables des dossiers :

FBT avocats - [...] Tél : [...] ..

et pour Genève : Jean-Luc B. et/ou Michel A. - tél : [...]. ....

La régularisation est en cours et c'est à peu près les seuls éléments en ma possession mis à part le fisc qui réclame un acompte de 4085 €".

Soutenant avoir, alors, eu la révélation de l'existence d'un certain nombre de comptes bancaires ouverts notamment à l'étranger, M. Alexandre D. a, par assignation délivrée à son frère Emmanuel le 15 février 2016, demandé au Tribunal de grande instance de Nice de dire et juger que ce dernier s'est rendu coupable de recel successoral de la somme de 1.106.861,91 EUR, à parfaire, entre 2007, 2009 et 2011, ordonner la réouverture des opérations de liquidation partage, condamner M. Emmanuel D. à faire le rapport à la succession de la somme de 1.106.861,91€, à parfaire, et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'ouverture de la succession le 19 août 2011 jusqu'à parfait paiement, dire et juger que les intérêts des capitaux échus depuis une année entière en produiront eux mêmes comme dit à l'article 1154 du code civil, dire et juger que M. Emmanuel D. ne pourra prétendre à aucune part sur les biens recelés, condamner M. Emmanuel D. à payer tous les frais de cette réouverture de la liquidation et toutes les pénalités auxquelles l'indivision pourrait être tenue du fait de ce recel, condamner M. Emmanuel D. à verser à M. Alexandre D. la somme de 50.000 EUR à titre de dommages-intérêts à parfaire.

Appel a été relevé du jugement.

--o--

Par confirmation du jugement entrepris, le recel successoral n'est pas caractérisé en raison du repentir de l'héritier. Il ne suffit pas que celui-ci ait dissimulé à son frère l'existence de comptes et de dons manuels lors de l'ouverture de la succession de la mère. Ce sont de simples actes matériels auxquels il importe de rattacher une intention frauduleuse. Or, la révélation de l'existence des comptes bancaires et dons manuels litigieux est antérieure à l'assignation matérialisant les poursuites engagées du chef de recel successoral.

C'est en vain que l'appelant, Alexandre D., prétend ne pas avoir eu connaissance du montant des dons manuels reçus par son frère avant l'assignation dès lors que ces dons sont bien mentionnés dans la déclaration de succession rectificative qui devait être élaborée avec la participation de son propre avocat.

De plus, les dons manuels figurant dans cette déclaration correspondent exactement à ceux mentionnés dans un autre document faisant ressortir une indemnité de réduction à la charge de l'héritier, laquelle correspond elle-même à l'euro près au montant figurant sur le chèque adressé par celui-ci à son frère aux fins de faire cesser l'atteinte à sa réserve héréditaire.

Par ailleurs, l'existence d'un comportement frauduleux ne saurait être déduite du simple fait que l'indemnité de réduction ainsi proposée ne correspondait pas aux droits de l'héritier dans l'indivision successorale.

Enfin, le caractère spontané de ces révélations est également établi dès lors que l'héritier Emmanuel D. ne les a pas faites sous la contrainte de ses cohéritiers. Les raisons pour lesquelles la dissimulation a été révélée n'ont pu être déterminées et sont en tout état de cause indifférentes dans le cadre de l'appréciation du caractère spontané du repentir, quand bien même ce dernier aurait été dicté par la peur de poursuites pénales ou fiscales.

Référence: 

- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e et 4e chambres réunies, 28 octobre 2020, RG n° 17/19959