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Le 26 octobre 2019

Par application de l’art. 901 du code civil pour faire une libéralité, il faut être sain d’esprit. La nullité d’une libéralité est donc encourue, lorsqu’il est établi que les facultés intellectuelles de son auteur étaient gravement altérées, voire inexistantes, au moment où il a donné ou légué.

C’est à celui qui invoque la nullité d’une libéralité de prouver, par tous moyens, que le donateur ou le testateur n’était pas sain d’esprit au moment de l’acte critiqué, l’état habituel de la personne à l’époque de l’acte en litige pouvant être pris en compte pour apprécier l’existence ou non d’une insanité d’esprit.

Madame X Z démontre que son père, M. K Z, a consulté au cours de l’année 2000 en raison de troubles de mémoire remarqués par son épouse, qui se sont installés de façon très progressive au cours des quatre ou cinq années précédentes. Selon un certificat établi le 5 juin 2000 par le docteur C, spécialiste en neurologie, sollicité par le médecin traitant du défunt, l’hypothèse d’une maladie d’Alzheimer "débutante’"a été émise, en raison d’un trouble installé de la mémoire et d’une incapacité à imiter certains gestes (apraxie réflexive), sans toutefois que le patient ne puisse réaliser des gestes coordonnés dans un but précis (absence d’apraxie constructive). Il a été noté un début de perte d’autonomie, car il ne gérait pas lui même la prise de ses médicaments, mais il continuait à prendre seul l’autobus pour le même trajet et faisait encore des courses seul.

Le score MMS qui a alors été réalisé s’est élevé à 24/30, ce qui correspond à un stade léger de la maladie d’Alzheimer, selon la fiche de pharmacothérapie produite aux débats.

De façon générale, il résulte des documents d’information communiqués par madame X Z au sujet de la maladie d’Alzheimer, que le diagnostic n’est le plus souvent posé que plusieurs années après l’installation très progressive d’une dégradation des fonctions cognitives (tout particulièrement troubles de la mémoire), ce qui gêne la mise en place de mesures ou de traitements précoces. Après ce qui est désigné comme une plus ou moins longue phase pré-démentielle, le diagnostic est posé ou confirmé par l’importance de la dépendance, qui se manifeste dans la vie quotidienne.

Le cheminement long de la maladie ne permet pas de présumer que, dès ses premiers signes, le patient serait privé de discernement. C’est ainsi qu’il ne peut pas être déduit du placement sous tutelle de monsieur K Z en décembre 2003, sur le fondement d’un certificat du docteur D en date du 7 juillet 2003, mettant en exergue une dépendance moyenne dans les actes de la vie quotidienne et une incapacité totale de gérer ses biens, que le défunt aurait été privé de toute faculté de comprendre les actes patrimoniaux accomplis en 1999 et 2000. Aucun élément de nature médicale ne justifie de projeter l’état existant en 2003 sur l’état de santé de monsieur K Z en 1999 et 2000, même s’il était déjà porteur de la maladie à cette époque, car celle-ci ne se manifeste et ne s’aggrave que progressivement.

La description de la maladie en 2006, faisant état d’un score MMS de 3/30 et d’un comportement moteur aberrant ne fait également que conforter l’installation de la maladie et sa progression depuis de nombreuses années pour aboutir à un tableau sévère .

L’existence de la maladie dès l’année 2000, puis son aggravation, ne sont ainsi pas de nature à caractériser une atteinte grave et constante des fonctions cognitives du défunt à la fin de l’année 1999 et lors de la rédaction de son testament en mai 2000. En faisant simplement état des éléments annonciateurs de la maladie en 2000, madame X Z ne rapporte pas la preuve de l’insanité d’esprit de monsieur K Z au moment des actes en litige, puisque l’évolution ultérieure de la maladie n’a pas d’incidence rétroactive, du fait de sa nature progressive.

Il sera ajouté que l’absence d’apraxie constructive notée par le docteur C, en juin 2000, ainsi que l’absence d’atteinte générale des fonctions cognitives sont confortées par la lecture du testament olographe rédigé le 25 mai 2000, qui met en évidence une écriture à la fois régulière et très lisible et un raisonnement cohérent exprimé clairement pour justifier ses dispositions.

Aucune attestation de l’entourage de monsieur K Z, faisant état d’une démence installée en 1999 et 2000, n’a été produite par madame X Z.

Pour ce qui concerne l’acte de donation partage du 10 décembre 1999, madame X Z ne peut pas raisonnablement soutenir qu’elle n’y aurait consenti qu’après la seule lecture de la partie de l’acte la concernant, puisque, d’une part, son paraphe figure sur toutes les pages de l’acte (pièce 30 J.Z) et dès lors, d’autre part, qu’il est rappelé, en page 2 de l’acte, qu’avant sa régularisation, Monsieur et Madame K Z ont proposé à leurs enfants de procéder à cette donation partage par parts inégales, ce qu’ils ont accepté. Il résulte, en outre, de la lecture de l’acte de donation partage que toutes les parties se sont déplacées à ORGON (Bouches du Rhône) pour la régularisation de l’acte auprès du notairede la famille et qu’aucune réserve n’a alors été émise sur la capacité de K Z, alors que ce point a été abordé en page 14 de l’acte (qui précise qu’aucune des parties ne bénéficie d’un régime de protection civile prévu pour les incapables majeurs).

Le jugement estt donc être confirmé en ce qu’il a débouté madame X Z de sa demande de nullité de la donation partage du 10 décembre 1999 et du testament du 25 mai 2000, faute de démonstration d’une insanité d’esprit de monsieur K Z au moment des actes en litige.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 23 octobre 2019, RG n° 18/01878