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Le 30 septembre 2020

 

M. A Z est propriétaire d’une maison située […], à Rochefort sur la Côte.

Mme C D, épouse X, est quant à elle propriétaire d’une maison contiguë, dont les fenêtres des chambres donnent sur la cour de la propriété de M. Z.

Par exploit du 9 novembre 2017, faisant valoir que M. Z entretenait dans sa cour la présence d’un cheval à l’origine de nuisances sonores et olfactives, Mme X a fait assigner son voisin devant le Tribunal de grande instance de Chaumont sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, afin qu’il soit condamné sous astreinte à retirer son cheval de la cour et à procéder au nettoyage de celle-ci, ainsi qu’en allocation d’une somme de 10 .000 EUR  en réparation du préjudice de jouissance enduré.

Elle a fait valoir en réplique à l’argumentation adverse que M. Z ne pouvait se prévaloir de l’exonération de responsabilité pour trouble anormal du voisinageprévue à l’article L 112-16 du Code de la construction et de l’habitation, dans la mesure où il n’exerçait pas son activité conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, et qu’au demeurant il n’avait commencé cette activité bien après qu’elle soit elle-même devenue propriétaire de sa maison. Elle a par ailleurs exposé qu’il résultait clairement des photos, attestations, ainsi que du constat d’huissier qu’elle produisait qu’elle subissait depuis des années des nuisances, notamment olfactives et sonores, excédant les inconvénients normaux du voisinage, et justifiant, outre qu’il y soit mis fin, qu’elle soit indemnisée du trouble de jouissance l’empêchant de profiter pleinement de sa maison.

M. Z a conclu à l’irrecevabilité, subsidiairement au rejet des demandes formées à son encontre, indiquant qu’il devait bénéficiait des dispositions exonératoires de l’article L 112-16 du Code de la construction et de l’habitation, dans la mesure où il était titulaire d’une déclaration de travaux en bonne et due forme pour l’édification du box, et où le règlement sanitaire départemental n’interdisait pas la présence d’équidés dans un village rural. Il a soutenu par ailleurs que la demanderesse échouait à rapporter la preuve d’un trouble du voisinage dépassant les désagréments habituels en milieu rural, s’agissant notamment du bruit ou de la présence de fumier.

Le cheval litigieux est décédé postérieurement à l’ordonnance de clôture.

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La disposition du jugement déféré ayant dit qu’ au regard de l’antériorité de l’acquisition de Mme X, M. Z ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article L 112-16 du Code de la construction et de l’habitation n’est pas remise en cause à hauteur d’appel. La confirmation s’impose donc de ce chef.

L’article 544 du Code civil dispose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

Ce droit est limité par l’obligation qu’a le propriétaire de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

Si l’élevage et l’entretien d’équidés en milieu rural ne peuvent, en eux-mêmes, être considérés comme constituant des activités anormales, il appartient néanmoins au propriétaire des animaux de veiller à ce qu’il n’en résulte pas pour autrui des inconvénients excédant ceux qui peuvent être habituellement attendus d’une situation de voisinage.

En l’espèce, il est constant que le cheval litigieux était parqué dans une cour appartenant à M. Z, sur laquelle ouvrent directement les fenêtres des chambres à coucher de l’immeuble appartenant à Mme X.

Celle-ci fait en premier lieu état d’un trouble anormal consistant pour le cheval à passer sa tête par l’embrasure des fenêtres lorsque celles-ci étaient ouvertes. Si M. Z conteste cet état de fait, en soutenant qu’un tel comportement de son animal était impossible en raison de la présence d’un fil de clôture à 1,20 mètre des fenêtres, force est cependant de constater que l’intimée produit plusieurs photographies, dont deux montrent clairement la tête de l’animal à l’intérieur du logement de Mme X. Il est ainsi suffisamment établi que M. Z n’a manifestement pas pris les mesures suffisantes pour tenir l’animal à l’écart, et éviter qu’il ne puisse passer sa tête par l’embrasure, ce qui lui permettait d’atteindre d’éventuels objets posés sur la banquette de fenêtre, et d’y laisser des résidus d’herbe de broutage.

Il résulte par ailleurs d’un procès-verbal de constat d’huissier établi le 13 juin 2017 par Me Pellez qu’à l’ouverture des fenêtres donnant sur la cour de M. Z, les pièces desservies étaient immédiatement envahies par une nauséabonde odeur d’écurie ainsi que par de nombreuses mouches. C’est vainement que M. Z prétend que ces constatations seraient dépourvues d’emport au motif qu’elles seraient 'marchandisées', alors que la qualité d’officier public de l’huissier de justice confère à ses constatations une valeur probante qui ne peut être remise en cause au seul motif qu’il est rémunéré pour les effectuer. En tout état de cause, les constatations de l’huissier sont corroborées par les photographies versées aux débats, qui montrent que la cour de M. Z est constellée de déjections équines, le fait que, selon l’appelant, il évacuait celles-ci tous les deux jours, n’étant pas en lui-même de nature à remettre en cause la réalité du trouble olfactif résultant de leur présence à proximité immédiate des fenêtres de Mme X.

Mme X produit encore aux débats diverses attestations confirmant la réalité des troubles qu’elle invoque, et évoquant également un trouble sonore à type de résonance des coups de sabot dans le mur mitoyen entre la maison X et le box hébergeant le cheval.

Il est ainsi suffisamment établi que Mme X, qui ne peut pas ouvrir les fenêtres de ces chambres du fait de la présence du cheval de son voisin, est empêchée de jouir pleinement de son propre bien.

Ces troubles excèdent par leur permanence et leur intensité les inconvénients auxquels peut normalement être exposé un propriétaire du fait de son voisin.

Le fait que le cheval soit décédé en cours d’instance est sans emport à cet égard, le préjudice ayant été souffert, et étant au demeurant relevé que M. Z indique lui-même pratiquer une activité de dressage de chevaux au saut d’obstacle, ce qui ne permet pas d’exclure que le cheval décédé soit à l’avenir remplacé par un autre.

C’est donc à juste titre que le tribunal a ordonné sous astreinte à M. Z à procéder au nettoyage de la cour, seule mesure de nature à mettre fin aux troubles olfactifs, et l’a condamné à payer à sa voisine des dommages et intérêts qu’eu égard aux circonstances de l’espèce, notamment la durée des troubles et leur intensité, il a pertinemment appréciés à hauteur de 2. 000 EUR.

Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.

Référence: 

- Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 22 septembre 2020, RG n° 19/00471