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Le 13 novembre 2021

 

M. Robert D. et son épouse Mme Janine J. (les époux D., les vendeurs)) ont confié à la société SAS La Licorne, agence immobilière, plusieurs mandats de vente non exclusifs de leur maison située au [...], le premier daté du 5 septembre 2008, le dernier daté du 17 février 2014 prévoyant un prix de 320.000 EUR hors frais d'agence et comportant une clause '"séquestre" d'un montant maximum de 10% du prix total de vente.

Après une offre d'acquisition à hauteur de 310.000 EUR net vendeur de M. Christian G. acceptée par les époux D., une promesse synallagmatique de vente a été régularisée les 19 et 20 mars 2015, aux termes de laquelle il était convenu que l'acte authentique serait établi le 29 mai 2015 sur convocation du notaire désigné, en l'occurrence maître Sophie M.-L. intervenant pour le compte des vendeurs, et prévoyant une clause pénale de 10% du prix net vendeur, plus les frais d'agence en cas de refus de réaliser la vente de l'une ou l'autre partie.

M. G. (l'acquéreur) ne s'est présenté ni à la date initialement fixée pour la vente ni à la date à laquelle il avait été sommé de se présenter par le notaire, invoquant un problème de virement à résoudre avant de pouvoir conclure la vente.

Par acte d'huissier du 19 juin 2015, les époux D. ont adressé à M. G. une sommation de se rendre à l'étude notariale pour la signature de l'acquisition de leur propriété, et de faire établir par sa banque un virement d'un montant de 340.300 EUR (frais d'achat et commission d'agence) au moins 3 jours avant la date de signature, laquelle est demeurée vaine. Un procès-verbal de carence a été dressé le 29 juin 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juin 2015, réceptionnée le 17 juillet 2015, la SAS La Licorne, rappelant à M. G. que le compromis de vente du 20 mars 2015 ne comportait pas de condition suspensive d'obtention de prêt et qu'il avait bénéficié d'un délai de rétractation, a sollicité de sa part des explications.

Par lettres recommandées avec accusé de réception de leur conseil du 20 octobre 2015, les époux D. ont mis en demeure la SAS La Licorne et maître Sophie M.-L., notaire, de les indemniser de divers préjudices par l'allocation des sommes de 31.000 EUR au titre de la somme non séquestrée, outre intérêts au taux légal, et 10.000 EUR au titre du préjudice moral subi, et de leur rembourser les frais de location exposés pour libérer les lieux dans le délai qui avait été convenu.

Par actes d'huissier du 7 décembre 2016, les époux D. ont fait assigner la SAS La Licorne, la SCP M. L. L. et maître Sophie M.-L., devant le tribunal de grande instance de Laval, aux fins de voir reconnaître leur responsabilité professionnelle pour n'avoir pas organisé de garantie à leur profit, en ne vérifiant pas la solvabilité de l'acquéreur et en n'exigeant pas la constitution préalable d'un séquestre, et sollicité leur condamnation à des dommages et intérêts.

Appel a été relevé de la décision de première instance

L'agent immobilier, titulaire d'un mandat non exclusif de vente d'une maison d'habitation, a manqué à ses obligations de renseignement et de conseil. Le manque de sérieux de l'offre du candidat acquéreur était décelable et il s'est abstenu de recueillir le moindre élément sur ses garanties financières. Par ailleurs, le compromis de vente ne prévoyait aucune clause séquestre et il n'a aucunement alerté ses mandants sur l'abandon de la clause séquestre et ses conséquences. Il engage en conséquence sa responsabilité contractuelle envers ses mandants.

En revanche, le notaire des vendeurs, qui avait mission de préparer l'acte authentique de vente, de le faire signer et de l'exécuter, n'a pas manqué à son devoir d'assurer l'utilité et l'efficacité de l'acte. Il n'est aucunement intervenu pendant toute la phase pré-contractuelle ayant précédé la signature du compromis de vente et n'avait aucune obligation de procéder à des vérifications relatives au sérieux de l'acquéreur ou à ses garanties financières. Il a également accompli les diligences requises auprès du notaire de l'acquéreur, fait délivrer à ce dernier une comparution à comparaître et établi un procès-verbal de carence le jour dit. Les vendeurs sont ainsi déboutés des demandes indemnitaires qu'ils ont présentés à son encontre.

La vente n'a pu être finalisée en raison de la défaillance de l'acquéreur. Les vendeurs réclament à l'agent immobilier le paiement de la clause pénale prévue au compromis de vente. Toutefois, cette clause est à la seule charge de l'acquéreur, de sorte que le préjudice invoqué est dépourvu de lien de causalité avec sa faute. La demande indemnitaire à ce titre est donc rejetée.

En revanche, les vendeurs ont perdu une chance de ne pas déménager, évaluée à 90 % par la cour en raison de la quasi-certitude de ce que le compromis de vente n'aurait pas été signé si l'agence s'était mieux renseignée sur le candidat acquéreur. Ce préjudice est réparé par le versement d'une indemnité de 10.445 EUR. Ils ont également subi un préjudice moral consécutif au bouleversement que représente un déménagement pour des gens âgés de 82 et 83 ans lors de la signature du compromis de vente, aux démarches nécessaires au relogement et à leur retour dans la maison après l'échec de la vente. C'est ainsi la somme totale de 15.445 EUR qui est mise à la charge de l'agent immobilier à titre de dommages et intérêts.

Référence: 

- Cour d'appel d'Angers, Chambre civile A, 26 octobre 2021, RG n° 18/02112