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Le 15 juillet 2006

Près de six ans après leur échec devant la Cour de cassation, les époux L obtiennent réparation devant la Cour européenne des droits de l'homme par une condamnation à l'unanimité de l'attitude des autorités françaises. Les époux L contractent en 1989 un prêt immobilier de 545.000 F auprès d'un établissement financier, la RSGB. Ne pouvant plus rembourser les mensualités au bout de deux ans, ils doivent céder le pavillon acheté et payer plus de 775.000 F à la RSGB pour la mainlevée de l'hypothèque prise sur ledit bien. Ils assignent cependant la banque devant le Tribunal de grande instance de Paris, demandant à ce que celle-ci soit déchue de ses droits à intérêts et donc condamnée à restituer les quelques 230.000 F versés. L'établissement financier s'est en effet montré négligent, ne joignant pas un tableau des amortissements à l'offre préalable de prêt, en violation de l'article L. 312-8 du Code de la consommation. Les juges condamnent la RSGB, qui doit, au titre de l'exécution provisoire, verser près de 120.000 F aux époux L. L'affaire est pendante devant la Cour d'appel de Paris lorsque le Parlement adopte la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Ce texte comporte un article 87-I qui répute régulières les offres de prêts émises avant 1995, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée. La Cour d'appel, dans un arrêt du 27 juin 1997, relève que les époux n'ont aucun droit acquis sur la déchéance des intérêts puisqu'il n'a pas été statué définitivement sur leur demande et, appliquant la loi nouvelle, condamne les époux L à restituer les sommes reçues au titre de l'exécution provisoire du jugement de première instance. Par un arrêt du 20 juin 2000, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les époux. Ceux-ci ne baissent pas les bras et saisissent la CEDH qui leur donne raison contre l'Etat français. 1/ Les requérants ont juridiquement été privés d'un bien au sens de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par la loi précitée. La Cour européenne dit que les requérants bénéficiaient d'un intérêt patrimonial qui constituait, sinon une créance à l'égard de leur adversaire, du moins une "espérance légitime" de pouvoir obtenir le remboursement de la somme litigieuse. 2/ La Cour européenne ajoute que l'ingérence législative était illégitime. Les époux L ayant été privés par la loi de 1996 d'une espérance légitime d'obtenir le remboursement d'une valeur patrimoniale faisant partie de leurs biens protégés par l'article 1 du premier Protocole additionnel à la CEDH, la Cour européenne doit vérifier si cette ingérence poursuivait un but légitime. Désavouant à la fois le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, la CEDH exprime ses doutes sur l'existence d'une cause d'utilité publique justifiant l'ingérence. Référence: - Cour européenne des droits de l'homme, 14 février 2006, arrêt rapporté ci-dessousLa Cour (...) – En droit – Sur la violation alléguée de l'article 1er du protocole n° 1(...). Les requérants, qui se plaignent de l'adoption de la loi du 12 avril 1996 et de son application rétroactive par les juridictions internes, se considèrent victimes d'une atteinte à leur droit au respect de leurs biens. Ils invoquent l'article 1er du Protocole n° 1, dont les dispositions se lisent ainsi: "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes."( ...) Sur l'existence d'un lien au sens de l'article 1er du Protocole n° 137. La Cour relève tout d'abord que l'action des requérants reposait sur une disposition légale, à savoir l'article L. 312-8 du Code de la consommation qui prévoyait expressément l'obligation pour la banque de joindre un tableau des amortissements à l'offre préalable de prêt. Par ailleurs, elle constate que le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 1er juin 1995 avait donné raison aux requérants. Ce jugement n'était certes pas définitif et le fait qu'il ait été assorti de l'exécution provisoire n'était pas déterminant. Mais la Cour note également que la Cour de cassation, par deux arrêts des 16 mars et 20 juillet 1994, avait déjà préalablement jugé que l'échéancier des amortissements, joint à l'offre préalable, devait préciser, pour chaque échéance, la part de l'amortissement du capital par rapport à celle couvrant les intérêts et que le non-respect de ces dispositions d'ordre public était sanctionné non seulement par la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur, mais encore par la nullité du contrat de prêt. Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère que les requérants bénéficiaient d'un intérêt patrimonial en l'espèce qui constituait, sinon une créance à l'égard de leur adversaire, du moins une "espérance légitime", de pouvoir obtenir le remboursement de la somme litigieuse, qui avait le caractère d'un "bien" au sens de la première phrase de l'article 1er du Protocole n° 1 (Pine Valley Developments Ltd et a. c/ Irlande, arrêt du 29 novembre 1991, série A n° 222, p. 23,