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Le 28 septembre 2021

 

Selon l'article 1341-2 du Code civil, le créancier peut faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits à charge d'établir, s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude. C'est l'action paulienne.

Il résulte de cette disposition que le créancier qui entend exercer une action paulienne doit justifier qu'il détient une créance existante à la date de l'acte argué de fraude (à moins que la fraude ait été organisée à l'avance en vue de porter préjudice à un créancier futur) ; il n'est pas exigé que cette créance soit certaine ou liquide, pourvu qu'elle existe au moins dans son principe ; il n'est pas davantage requis que le débiteur ait connaissance des poursuites.

Le créancier doit en outre démontrer, par tout moyen, la fraude du débiteur, qui peut se déduire de sa conscience du préjudice causé à son créancier, ainsi que la connaissance de cette fraude par son cocontractant lorsque l'acte est à titre onéreux.

Cette connaissance peut résulter de la qualité des cocontractants et notamment de leurs liens familiaux.

De plus, l'action ne peut prospérer que si les biens appartenant encore au débiteur n'ont pas une valeur suffisante pour permettre au créancier d'obtenir son paiement ; il appartient au créancier de démontrer l'insolvabilité apparente du débiteur, et dans ce cas, il revient au débiteur de démontrer qu'il dispose d'un patrimoine suffisant pour désintéresser le créancier.

L'administration fiscale a versé aux débats, au soutien de son action, diverses pièces relatives à la procédure engagée sur le fondement du livre des procédures fiscales concernant les revenus d'Aziza El H. de l'année 2013 et notamment les courriers recommandés des :

- 5 octobre 2016 sollicitant des éclaircissements et justificatifs dans un délai de deux mois à défaut de quoi une imposition d'office lui serait appliquée en vertu des articles L 69 et L 73 du livre des procédures fiscales ; ce document de 16 pages expose qu'un avis de vérification lui a été adressé le 20 avril 2016 (avis de réception du 21 avril 2016), et que quatre entretiens se sont déroulés les 19 mai, 26 mai, 8 juin, 22 août 2016 ; il indique également qu'une discordance a été relevée entre les revenus déclarés et les éléments d'informations recueillis par l'administration, mettant en lumière la perception de revenus plus élevés que ceux faisant l'objet de sa déclaration, en l'occurrence des crédits bancaires de 52.672,35 EUR alors qu'elle avait déclaré des salaires bruts de 16.369 EUR (soit une discordance de 36.303 EUR, et mentionne la réalisation de travaux dans ses résidences de Tonneins d'un coût de 201.282 EUR incompatible avec ses revenus déclarés, étant rappelé qu'elle s'était portée acquéreur le 19 juillet 2012 auprès de son frère Saïd de sa maison d'une superficie de 158 m² au prix de 120.000 EUR, sur le terrain de laquelle elle a ensuite édifié trois logements ; elle a été invitée, par ce courrier, à justifier des éventuels revenus non déclarés ou des emprunts dont elle avait pu bénéficier,

- 9 décembre 2016, lui accordant à la suite de sa demande un délai complémentaire de trente jours,

- 30 janvier 2017, lui notifiant une proposition de rectification de 26 pages compte tenu de l'insuffisance des justificatifs apportés faisant ressortir une dette fiscale s'élevant à 191.740 EUR pour 2013 et à 66.692 EUR pour 2014.

Aziza El H. n'a justifié ni allégué aucun paiement de ces deux sommes, et n'a engagé aucune procédure de contestation de cette dette.

L'administration fiscale démontre donc l'existence d'une créance à son encontre, de laquelle il résulte qu'elle justifie d'une qualité et d'un intérêt l'autorisant à agir à l'encontre d'Aziza El H.

Née d'impôts dont le fait générateur est la perception de revenus au cours des années 2013 et 2014, la créance de l'administration fiscale existait dans son principe avant l'acte de vente litigieux du 15 décembre 2016. La condition d'antériorité est donc satisfaite.

S'agissant du caractère frauduleux de cette vente, il résulte de ce qui précède qu'avant de céder ses biens par cet acte, Aziza El H. disposait, à la suite de quatre entretiens avec l'administration, et après avoir eu connaissance des courriers, d'informations détaillées sur l'existence et les bases de calcul de sa dette fiscale, et que s'étant vu notifier deux délais successifs pour produire des justificatifs en raison de sa carence partielle, elle avait conscience de l'imminence de cette poursuite fiscale.

En outre, elle a, par l'acte litigieux, cédé la totalité de ses biens à Nor-Eddine El H. qui est son frère, sans en percevoir la contrepartie de 205.000 EUR ; en effet, l'acte prévoit un paiement en 256 mensualités de 800 EUR, sans intérêts, payables entre le 20 janvier 2017 et le 20 avril 2038, dont le paiement n'est justifié par aucun document probant ; les reçus établis par Aziza El H., faute d'être corroborés par des éléments attestant de la réalité des paiements, sont dépourvus de valeur probante.

Or les documents précités adressés par l'administration fiscale à Aziza El H., qui, notamment par le biais des droits de communication exercés auprès des établissements bancaires, établissent qu'elle ne détient pas d'autre patrimoine, démontrent l'insolvabilité subséquente à la vente, et à défaut de produire un quelconque justificatif de sa situation patrimoniale, Aziza El H. ne démontre pas être en capacité à faire face à sa dette.

Il est ainsi avéré qu'en cédant ses immeubles à son frère, Aziza El H. a eu conscience de causer un préjudice à l'administration fiscale et qu'elle a agi par fraude.

Par ailleurs, l'étroitesse des liens familiaux unissant Aziza El H. et Nor-Eddine El H., l'absence de tout paiement de ce dernier dont le tribunal a relevé l'insuffisance des revenus déclarés, suffisent à démontrer la connaissance par celui-ci du caractère frauduleux de la vente.

C'est donc à juste titre que le tribunal a accueilli l'action paulienne engagée par l'administration fiscale et jugé que la vente lui était inopposable.

Le jugement est confirmé.

Référence: 

- Cour d'appel d'Agen, 1re chambre civile, 22 septembre 2021, RG n° 19/01219