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Le 03 octobre 2019

Le tribunal a considéré au regard du placement en liquidation judiciaire de la SARL Club New le 7 septembre 2010 avec fixation de la date de cessation des paiements au 1er décembre 2009 que les garanties de paiement du prix de cession, prévues à l’article15 de l’acte de cession ont été largement inefficaces, alors qu’un crédit vendeur était consenti, il a donc retenu la responsabilité du cabinet Fiducial en tant que rédacteur de l’acte pour manquement à son obligation de conseil faute de proposer au cessionnaire l’insertion d’une clause résolutoire de plein droit et d’une clause de réserve de propriété dans l’acte de cession, et a retenu qu’il était pour partieresponsable du préjudice subi par le cessionnaire du fait de ce manquement . Il a fait toutefois pour l’indemnisation du préjudice des cédants un partage de responsabilité à 50% en relevant que le cédant n’a pas exercé avant la liquidation judiciaire l’action résolutoire prévue dans l’acte.

Les appelants critiquent cette analyse faite par le tribunal ainsi que l’application qu’il fait du principe de responsabilité en jeu dans le présent litigeau regard des obligations comprises dans sa mission restreinte.

Les consorts Y, la SCI Brothers et la SARL Doobie agissent à l’encontre de la société d’avocats Fiducial sur le fondement de la responsabilité délictuelle définie par l’art. 1240 du Code civil. Il convient donc de déterminer si le cabinet Fiducial a commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité , si cette faute est en lien de causalité avec le préjudice dont les intimés réclament l’indemnisation.

Le rédacteur d’un acte ayant des effets juridiques est tenu de veiller à assurer l’ensemble des intérêts en présence et lorsqu’il est l’unique rédacteur d’un acte engageant les parties, de conseiller toutes les parties à la convention sur la portée et les incidences des engagements souscrits de part et d’autre. Soumis à une obligation de résultat concernant l’efficacité de l’acte il lui appartient de rapporter la preuve qu’il a rempli son obligation, les compétences personnelles de ses clients n’étant pas prises en compte, il faut cependant qu’il ait été destinataire de toutes les informations lui permettant de prendre en compte tous les risques de l’opération dont il rédige l’acte.

En l’espèce, il est constant que le cabinet Fiducial-Sofiral n’est pas intervenu dans la négociation du prix de cession ceci résulte de l’acte lui même page 13, il n’a eu connaissance que des éléments relatifs au chiffre d’affaire du fonds cédé sur les trois années précédant la cession en baisse constante depuis l’exercice 2005/2006 avec un résultat négatif sur les années 2006/2007 et 2007/2008, sans cependant pouvoir intervenir sur la fixation du pris de cession.

Le paiement du prix a été prévu intégralement en crédit vendeur sans aucun apport personnel du cessionnaire, étant précisé que la société cessionnaire venait d’être créée pour les besoins de l’acquisition avec une immatriculation au RCS le 7 juillet 2009, l’acte ayant été signé le 31 août 2009. Il n’est cependant donné aucune indication par les parties sur les conditions dans lesquelles ont été négociées les modalités de paiement,en tout cas il n’est pas rapporté la preuve que l’avocat rédacteur de l’acte ait participé à la négociation sur les modalités de paiement ni ait été informé de la situation et des capacités financières de l’acquéreur ayant été étranger à cette négociation.

Les garanties de paiement prévues dans l’acte sont les suivantes (p 15 de l’acte de cession) :

" –  Privilège du vendeur, action résolutoire

A la sûreté et garantie du paiement du prix restant dû sur la vente, en principal, intérêts frais et accessoires, le fonds de commerce présentement vendu, avec tous éléments le composant, demeure affecté par privilège au profit du cédant.

De plus, le cédant devra, dans la quinzaine de la date de signature des présentes et ce, à peine de nullité, prendre au greffe du tribunal de commerce de Tours une inscription de privilège du vendeur avec réserve expresse de l’action résolutoire et de nantissement .

De même, un nantissement au profit du cédant du fonds de commerce et de l’ensemble du matériel est prévu

- Nantissement au profit du cédant

A la sûreté et garantie du paiement en principal, intérêts frais et accessoires, des sommes dues au cédant par le cessionnaire, ce dernier donne en gage et nantissement au profit du cédant qui l’accepte le fonds de commerce présentement vendu, tel que désigné ci-dessus.

De convention expresse le privilège résultant du na tissement s’étendra à l’ensemble du matériel existant au jour de la réalisation éventuelle du gage, y compris les additions, les améliorations et renouvellements dont il aura pu faire l’objet à compter du jour de la signature.

Ainsi au surplus que ledit fonds de commerce existe, se poursuit et comporte avec tous ses accessoires et sans aucune exception ni réserve.

Au moyen du nantissementqui précède le cédant aura et exercera sur les différents éléments du fonds de commerce dont s’agit, tous les droits, actions et privilèges conférés par la loi au créancier nanti d’un gage, pour se faire payer sur le prix à en provenir du montant de sa créance en principal, intérêts et accessoires et ce par préférence au débiteur et à tous autres créanciers inscrits postérieurement ou non privilégiés.

L’inscription du privilège de nantissement devra , sous peine de nullité, être prise dans la quinzaine de la date de signature des présentes au greffe du tribunal de commerce du ressort du fonds vendu."

La cour relève que le cessionnaire a été défaillant dans le paiement des échéances du crédit vendeur dès le mois de décembre 2009 soit à compter de la 4e échéance. C’est le bailleur la SCI Brother de la SARL Club New qui a assigné la SARL Club New en ouverture de procédure collective seulement au mois de mai 2010 au titre de sa créance de loyers.

La SARL Doobie ne rapporte pas la preuve ni n’allègue avoir fait les démarches nécessaires à la validité des garanties prévues à l’article 15 de l’acte ci dessus reproduit, tant en ce qui concerne le privilège de vendeur ni la mise en jeu de l’action résolutoire, ni en ce qui concerne l’inscription du privilège de nantissement.

Si le professionnel du droit et du conseil a le devoir d’attirer l’attention des parties sur les conséquences de leurs choix , et sur les risques de l’opération ceci doit être apprécié à l’aune du périmètre de sa mission et en fonction des éléments portés à sa connaissance.

En l’espèce, il est établi que le cabinet Fiducial n’est intervenu qu’en qualité de simple rédacteur d’un acte destiné à mettre en forme juridique l’ensemble des accords des parties intervenus sans qu’il n’y ait participé de quelque façon. A cet égard le montant de la facture de son intervention de 717,60€ tend à confirmer le caractère très restreint de sa mission. Au demeurant les garanties qu’il a prévues dans l’acte répondaient à l’exigence d’efficacité juridique de l’acte de cession dont il prenait la responsabilité en tant que rédacteur. Il ne peut pas lui être reproché la négligence des cessionnaires qui se sont abstenus des démarches prévues dans l’acte litigieux pour leur donner leur validité ni de s’être abstenus de les actionner dès qu’ils ont constaté l’arrêt des paiement des échéances du crédit-vendeur.

A cet égard, même si le rédacteur de l’acte avait ajouté aux garanties déjà suffisantes une clause résolutoire de plein droit et une clause de revendication, encore aurait-il fallut que les cessionnaires les mettent en oeuvre alors qu’il est établi qu’ils ne l’ont pas fait pour les garanties dont ils disposaient lesquelles étaient de nature à les protéger de la défaillance du cessionnaire. Il est en effet est constant que le cédant est resté inactif en ne mobilisant pas les garanties dont il disposait se privant lui même d’obtenir la résolution de la vente à compter de l’arrêt des paiements par le cessionnaire dont il avait pleine connaissance de la situation lui ayant accordé ce crédit vendeur parce qu’il n’avait pas pu obtenir de prêt bancaire pour financer l’opération, étant observé qu’il aurait pu alors sur la base de cette clause résolutoire obtenir la restitution du fonds cédé.

Il résulte de ce qui précède qu’aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité n’est établie à l’encontre du cabinet Sofiral Fiducial, le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions sans qu’il soit nécessaire de répondre aux moyens des parties sur le lien de causalité et l’indemnisation du préjudice.

Référence: 

- Cour d'appel de Poitiers, 2e chambre, 3 septembre 2019, RG n° 18/01641