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Le 30 juin 2020

 

En vertu des articles 1728 et 1729 du Code civil le preneur est tenu d'user de la chose louée « raisonnablement » et s'expose à la résiliation du bail s'il méconnaît cette obligation ; l'article 7b de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 dispose dans le même sens que « le locataire est obligé :... D'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location' », l'article 6 -1 de cette loi imposant d'ailleurs au propriétaire des locaux « après mise en demeure,'d'utiliser les droits dont il dispose afin de faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent les locaux ».

Par ailleurs en l'occurrence, la clause «Jouissance du logement et de ses annexes» insérée au règlement intérieur auquel les conditions générales du bail du 30 août 2016 renvoient expressément, impose au preneur « d'observer les lois et règlements concernant le bon ordre, l'hygiène et la salubrité publique de telle façon que son comportement ne nuise ou ne trouble la tranquillité et la sécurité de ses voisins'» (article 3) et que « la présence d'animaux domestiques dans le logement pourra être tolérée à condition que cela ne nuise en aucune manière au voisinage. Ils devront être tenus en laisse dans les parties communes... » (article 10).

Étant rappelé qu'en vertu des dispositions des articles L 211-12 à 211-16 du Code Rural, la détention d'un chien dangereux est soumise à un nombre d'exigences et d'interdictions strictes (notamment obtention d'un permis de détention, obligation de signaler en Mairie tout fait de morsure...), parmi lesquelles l'obligation de les faire circuler sur la voie publique et dans les parties communes des immeubles collectifs, muselés et tenus en laisse par un majeur.

En l'occurrence, il est constant, au vu des pièces produites, que Mme Carole B est la propriétaire (déclarée comme telle au fichier central d'identification et à l'assurance) du chien dénommé «Pirate» que le Docteur D, vétérinaire ayant procédé à son évaluation comportementale le 5 avril 2018, a déclaré être de type Américan Staffordshire Terrier (Pitbull) relevant de la catégorie 1 de la classification prévue aux dispositions de l'arrêté du 27 avril 1999, et est classé au niveau de risque 1/4 correspondant aux chiens ne présentant pas de risque particulier de dangerosité en dehors de ceux inhérents à l'espèce canine, le praticien ayant spécifié qu'il convient néanmoins « de surveiller l'apparition de signes anxieux ou de signes de menaces» et qu'une « nécessaire vigilance est cependant de mise, inhérente à l'espèce canine et au gabarit de cet animal ».

Par ailleurs, il ressort des pièces produites que, par courrier du 16 janvier 2018, la bailleresse a alerté Mme Carole B sur les nuisances dont se plaignait le voisinage, tenant aux aboiements de son chien, au fait qu'il n'est pas tenu en laisse dans les parties communes et aux alentours de la résidence, et que sont parfois retrouvées des traces d'urine dans les parties communes) ; il est par ailleurs avéré, au vu des éléments de preuve chronologiquement postérieurs, que les nuisances ont persisté, le voisinage continuant à se plaindre, et ont même dégénéré puisque des incidents graves sont survenus, le chien ayant a minima effrayé un enfant qui s'est enfui et a escaladé un balcon pour lui échapper, tandis qu'un autre enfant a été mordu sur le trottoir, un témoin ayant relaté au bailleur que Mme B avait prétendu qu'il lui avait échappé .Suite à ces incidents, une main courante a été déposée et le bailleur a adressé au Maire de Poitiers un courrier signalant les risques induits par le non-respect de la réglementation spécifique aux chiens dangereux (sortie sans laisse ni muselière, et pas toujours assurée par un majeur).

Mme B, à l'époque, a minimisé sa responsabilité; dans le cadre de la présente procédure, elle ne conteste pas la survenance passée des nuisances sonores, mais affirme qu'elles sont insuffisantes à fonder la résiliation du bail alors qu'elle justifie y avoir mis un terme.

Hormis la "pétition" à décharge confirmant que le chien n'aboie plus, visiblement pré-rédigée par Mme B et porteuse de cinq signatures supposées être celles des résidents des appartements indiqués, laquelle ne répond clairement pas aux exigences de l'article 202 du CPC et n'a aucune valeur probante, il est produit trois attestations émanant de voisins, qui, en mai/juin 2019, témoignent de ce que le chien, vraisemblablement grâce à un collier anti aboiements, ne cause plus de nuisances sonores.

S'il peut être considéré que la locataire a mis un terme à ce type de nuisances, en revanche il n'est pas établi, les rédacteurs des attestations ne disant rien, curieusement, de la manière dont le chien est promené (par un adulte, en laisse et muselé) qu'elle se soit mise en règle sur ce plan et que Pirate ne représente plus, pour le voisinage, un danger lorsqu'il circule dans les parties communes de la résidence.

De fait, même si ce chien, aux termes de l'étude comportementale, a été classé au niveau 1/4 en termes de risque, il n'en demeure pas moins qu'il présente, par sa seule appartenance à la catégorie 1, un potentiel de dangerosité incompressible, celle-ci pouvant être réactivée, ainsi que le rappellent les recommandations finales du vétérinaire, selon le contexte, le praticien enjoignant de surveiller l'apparition de tout signe anxieux ou de menace ; la conclusion finale de ce rapport est du reste éloquente, en ce qu'il souligne que la vigilance doit être observée notamment au regard du gabarit de l'animal.

D'ailleurs, il ne peut évidemment être occulté que Pirate, précisément, a extériorisé sa dangerosité par la survenance des deux incidents rapportés ci-dessus, le second en date étant particulièrement grave puisqu'il y a eu morsure.

Compte tenu des risques que fait ainsi courir le fait de promener ce chien dans les parties communes de l'immeuble, dans des conditions contraires à la législation et en violation du bail, la résiliation apparaît une sanction proportionnée.

La vélléïté, exprimée par Mme B, de s'en séparer, n'y change rien tant qu'elle n'a pas été suivie d'effets ; ce qui n'est pas établi.

La décision est donc confirmée en ce qu'elle a prononcé la résiliation et ordonné l'expulsion.

L'appelante, la locataire, ne soutient aucun moyen du chef de l'infirmation de la condamnation à paiement à compter de la résiliation, d'une indemnité d'occupation laquelle a été justement fixée au montant de 651,77 EUR ; la décision est également confirmée de ce chef.

Référence: 

- Cour d'appel, Poitiers, 2e chambre civile, 23 juin 2020, RG n° 19/01268