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Le 10 juillet 2019

Suivant acte sous signature privée en date du 21 février 2008, Mme J Z née X et Mme F A ont intégré le cabinet infirmier créé par Mme L K née Y à […].

Dans les suites de cette convention et suivant acte sous seing privé du 1er mars 2008, Mme K, Mme Z et Mme A ont conclu un contrat d’exercice en commun.

Le 1er avril 2012, Mme K souhaitant faire valoir ses droits à la retraite, a consenti la cession de sa clientèle au profit de Mme A.

Le 20 janvier 2013, Mme Z a cédé sa clientèle à Mme A moyennant une indemnité de 1. 500 euro.

Mme Z s’est donnée la mort le 22 janvier 2013.

Par courrier du 11 juin 2014, M. B Z et ses enfants ont sollicité de Mme A, par l’intermédiaire de leur conseil, une indemnisation au titre notamment de la patientèle de la défunte.

Mme A ayant refusé de donner suite à cette demande, M. B Z, Mme D Z et M. E Z l’ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Quimper, par acte du 9 mars 2015, aux fins de voir annuler le contrat de cession de clientèle du 20 janvier 2013.

Par jugement du 10 mai 2016, le tribunal a débouté les consorts Z et Mme A de leurs demandes respectives et condamné les demandeurs aux dépens.

Les consorts Z ont relevé appel de cette décision.

Les consorts Z soutiennent que la convention de cession de clientèle conclue le 20 janvier 2013 entre Mme Z et Mme A est nulle pour absence de cause eu égard au vil prix offert par cette dernière en contrepartie de la cession.

L’intimée fait valoir que la convention du 20 janvier 2013 s’analyse en un acte de présentation de patientèle et non en un acte de cession de clientèle, et demande à la cour de la requalifier en ce sens. Elle ajoute que compte tenu de la nature de la convention et des circonstances particulières dans lesquelles elle a été conclue, la somme convenue n’apparaît pas dérisoire.

Aux termes de l’art. 1131 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige, l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Dans un contrat synallagmatique et ainsi que l’a exactement énoncé le tribunal, la cause de l’obligation de chaque contractant réside dans l’obligation de l’autre, et l’existence de la cause s’apprécie au moment de la souscription de l’acte.

En l’espèce, il résulte des énonciations de la convention conclue le 20 janvier 2013, intitulée "cession de clientèle civile", que Mme Z a cédé à Mme A l’ensemble des éléments corporels du cabinet médical lui appartenant et s’est engagée, d’une part, à ne plus exercer la profession d’infirmière libérale sur les communes énumérées dans l’acte à compter du 15 février 2013 et, d’autre part, à présenter Mme A à sa clientèle durant les 10 jours suivant cette même date.

En contrepartie, Mme A a versé à Mme Z une 'indemnité globale’ de 1. 500 euro.

S’il est exact, ainsi que le fait valoir l’intimée, que la clientèle d’un professionnel exerçant à titre libéral est incessible et hors du commerce, les consorts Z n’invoquent pas cependant l’illicéité de la convention du 20 janvier 2013 mais uniquement l’absence de cause de l’obligation contractée par Madame Z.

En outre et nonobstant l’intitulé de la convention, improprement qualifiée de 'cession de clientèle', il n’est pas contesté que la cession ne s’appliquait pas à la clientèle, dont la liberté de choix doit être sauvegardée, mais aux éléments corporels du cabinet avec présentation de la cessionnaire à la clientèle et interdiction pour la cédante de se réinstaller à proximité.

C’est donc à juste titre que le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas lieu à requalification du contrat.

Le premier juge doit être également approuvé en ce qu’il a retenu que la comparaison avec une autre cession intervenue au sein du même cabinet et les bilans comptables de Mme Z étaient insuffisants pour démontrer que le prix convenu était dérisoire ainsi que le soutiennent les consorts Z.

En effet, lors de la cession du droit de présentation à la clientèle consentie le 21 février 2008 par Mme K à Mme Z et Mme A, moyennant le versement par celles-ci d’une indemnité de 10. 000 euro chacune, la cédante exerçait déjà dans le cabinet et souhaitait baisser progressivement son activité de sorte qu’il s’agissait pour elle d’intégrer deux nouveaux praticiens qu’elle présenterait à une partie de sa clientèle.

Au moment de la cession contestée de janvier 2013, Madame K avait cessé son activité et Madame A lui avait succédé après avoir obtenu l’agrément de Madame Z, ainsi que cela résulte de l’avenant au contrat d’exercice en commun signé le 1er avril 2012 par les trois infirmières.

Il ressort de l’acte du 20 janvier 2013 que Mme Z désirait cesser son activité d’infirmière libérale et autoriser Madame A à exercer à sa place dans le cabinet.

Les consorts Z ne produisent aucun élément concernant les raisons pour lesquelles Madame Z avait souhaité mettre un terme à son activité libérale et se contentent, dans leurs écritures, de faire valoir son état de santé, son manque de discernement et les difficultés qu’elle rencontrait dans le cabinet dont elle aurait en définitive été évincée.

S’il est démontré qu’à la date de signature de la convention, Mme Z se trouvait en arrêt maladie depuis la veille et qu’elle s’est donnée la mort deux jours après, il n’est pas soutenu pour autant que son consentement était altéré au point d’affecter la validité même de l’acte, étant observé que ce n’est pas tant la décision de Mme Z de cesser son activité qui est remise en cause que le montant de l’indemnité qu’elle a accepté en contrepartie de la cession.

Il ressort, en outre, des attestations produites aux débats par Mme A, émanant d’infirmières collaboratrices ou remplaçantes ayant exercé ou exerçant dans le cabinet, qu’en raison notamment de ses ennuis de santé, Mme Z envisageait de poursuivre son activité d’infirmière dans le cadre d’un emploi salarié et avait d’ailleurs signé un contrat de travail à Scaër.

Il ne peut donc être exclu que les parties à la convention du 20 janvier 2013 aient estimé justifié de fixer l’indemnité due par la cessionnaire à 1. 500 euro compte tenu des circonstances dans lesquelles la cession était conclue, à savoir avec un praticien exerçant déjà dans le cabinet, qui devait prévoir le recrutement d’une infirmière collaboratrice afin de faire face à l’accroissement de la charge de travail, et dont la présentation à la clientèle ne pourrait s’exercer que pendant une durée de dix jours.

Les consorts Z ne rapportant pas la preuve qui leur incombe du caractère dérisoire du prix ainsi convenu, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande au titre de la valeur de la clientèle.

Au surplus, il convient de relever, avec l’intimée, Mme A, que les appelants ne sauraient solliciter l’annulation du contrat de cession du 20 janvier 2013 et réclamer dans le même temps le versement de la somme qui aurait été due selon eux en exécution de ce contrat, l’annulation ayant pour effet de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion de la convention annulée.

Enfin, les allégations des consorts Z selon lesquelles Mme A aurait profité de la faiblesse psychologique de Mme Z ne sont corroborées par aucun élément de preuve et sont, en outre, contredites par les attestations que l’intimée verse aux débats, de sorte que la demande indemnitaire ne peut qu’être écartée.

Référence: 

- Cour d'appel de Rennes, 2e chambre, 5 juillet 2019, RG n° 16/04007