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Le 17 mars 2019

En 2002, une société a acheté une pierre sculptée connue sous le nom du "fragment à l'Aigle" et provenant du jubé gothique de la cathédrale de Chartres. L'apprenant, l'État invoquant l'imprescriptibilité et l'inaliénabilité du domaine public a présenté une action en revendication sur laquelle la Cour d'appel de Paris a statué le 18 janvier 2018 et que la Cour de cassation confirme en ordonnant au propriétaire privé de restituer le bien qui - de jure - n'aurait jamais dû lui appartenir puisque appartenant toujours à la puissance et au domaine publics.

Ainsi, malgré l'invocation performative par la société de la règle selon laquelle, pour les biens privés, en fait de meubles, la possession vaut titre et malgré la bonne foi avec laquelle elle a pu acquérir l'oeuvre d'art religieux, malgré la privation de propriété au sens de la Convention EDH  (Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) et le trouble causé à la sécurité juridique, ce sont bien les principes qui vont primer même si, énonce la Cour de cassation une telle ingérence dans le droit au respect des biens ne peut être justifiée par l'appartenance dudit bien au domaine public que si elle est proportionnée. Or, ajoute le juge judiciaire, ordonner à la société la restitution du bien sans indemnisation matérialiserait bien - a priori - une telle disproportion. Cela dit, poursuit la Cour de cassation, l'ingérence que constituent l'inaliénabilité du bien et l'imprescriptibilité de l'action en revendication est prévue à l'art. L. 3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques et il s'en déduit qu'aucun droit de propriété sur un bien appartenant au domaine public ne peut être valablement constitué au profit de tiers et que ce bien ne peut faire l'objet d'une prescription acquisitive en application de l'art. 2276 du Code civil au profit de ses possesseurs successifs, même de bonne foi.

En conséquence, puisque ces dispositions législatives présentent l'accessibilité, la clarté et la prévisibilité requises par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et que l'ingérence publique poursuit un but légitime, au sens de l'art. 1er du premier protocole additionnel à la Convention EDH, il apparaît bien que la protection de l'intégrité du domaine public relève de l'intérêt généra. Or, l'action en revendication étant la seule mesure de nature à permettre à l'État de recouvrer la plénitude de son droit de propriété, l'ingérence ne saurait être disproportionnée eu égard au but légitime poursuivi.

Référence: 

- Cour de cassation, 1re Chambre civ., 13 février 2019, pourvoi n° 18-13.748, rejet, FS-P+B+I