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Le 17 novembre 2020

 

Le 17 juillet 2015, la SCI Blansky a donné mandat à la SARL Abault 33 de vendre un immeuble à usage commercial situé à Libourne (33) faisant l'objet d'un bail commercial au profit de la SARL Boulangeries d'Aquitaine. Le 20 août 2015, la société Blansky a notifié à la société Boulangeries d'Aquitaine la mise en vente du local commercial.

Le 23 octobre 2015, la société Blansky a signé avec un société tierce un promesse synallagmatique de vente stipulant que la société Abault percevrait une rémunération de 24'000 EUR le jour de la vente. Le notaire chargé de la vente a notifié à la société Boulangeries d'Aquitaine les conditions du compromis selon courrier du 30 novembre 2015.

Le 24 décembre 2015, la société Boulangeries d'Aquitaine a répondu à une offre d'acquisition du local pour un prix de vente de 430'000 EUR, mais en refusant de payer la commission de 24'000 EUR. Le 29 janvier 2016, la société Abault a affirmé ne pas vouloir renoncer à sa rémunération.

Le 2 mai 2016, la vente a eu lieu entre la société Blansky et la société Boulangeries d'Aquitaine. La société Abault n'a pas reçu de rémunération.

La société Abault a, par acte du 25 octobre 2016, fait assigner la société Boulangeries d'Aquitaine devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de paiement de la somme de 24'000 EUR.

Appel a été relevé du jugement rendu.

Sur le fond, le débat tient aux honoraires de négociation dans le cadre de l'exercice par le locataire commercial du droit tiré de l'article L 145-46-1 du Code de commerce.

De ces dispositions, il résulte que lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire.

Ces dispositions sont d'ordre public et la notification préalable à laquelle est tenue le vendeur ne peut contenir les honoraires de l'intermédiaire. Il en résulte que la stipulation du mandat mettant à la charge de l'acquéreur les honoraires de négociationest inopérante.

Pour prétendre néanmoins à sa rémunération ou à une indemnité équivalente, l'appelante fait valoir que l'intimée avait été informée très en amont de la vente de l'immeuble et fait état d'un courrier du 14 janvier 2015. Toutefois, l'existence de ce courrier n'est pas même établie. La seule référence qui y est faite se trouve dans une lettre adressée par le vendeur à son locataire le 20 août 2015 et comprenant la phrase suivante : "suite à notre courrier du 14/01/2015 je vous confirme que nous avons mis l'immeuble à la vente". Alors que la réception de cette missive n'est pas justifiée ; que son contenu ne peut être vérifié, la mention reproduite ci-dessus permet de considérer que ce courrier ne pouvait être qu'une annonce d'un projet et non la notification prévue comprenant les conditions de la vente. On ne saurait donc comme le soutient l'intimée tirer toute conséquence négative de l'absence de production de ce document.

L'appelante se prévaut également de la lettre du 20 août 2015, laquelle a bien été adressée en la forme recommandée, et fait valoir que ce document constituait la notification prévue et que c'est le délai pris par l'acquéreur qui a été à l'origine de la commission désormais réclamée.

La cour ne peut suivre une telle analyse dans la mesure où la lettre du 20 août 2015 ne peut valablement constituer la notification prévue. En effet, si ce document rappelait les délais de réponse, il mentionnait uniquement que la loi Pinel vous donne par la présente un droit de préemption d'un mois pour nous dire si vous souhaitez vous aligner sur l'offre de 430'000 EUR dont nous disposons. Il était donc uniquement mentionné le prix et non les conditions de la vente alors que ces mentions sont prescrites à peine de nullité. Cette lettre du 20 août 2015 n'a donc pu produire aucun effet. Le vendeur et le tiers acquéreur ne l'ignoraient d'ailleurs pas puisqu'ils ont conclu le 23 octobre 2015, une promesse synallagmatique de vente sous différentes conditions qui comprenait la mention d'une nécessité de la purge du droit de préférence du locataire.

Il s'en déduit que c'est la seule lettre du notaire en date du 30 novembre 2015 qui a constitué l'information due au locataire, lequel a exercé son droit dans le délai prévu. Cette notification ne pouvait contenir les honoraires de l'intermédiaire de sorte qu'ils ne peuvent être mis à la charge de l'acquéreur.

L'intimée ne peut davantage prétendre à la somme de 24'000 EUR sur un fondement indemnitaire. Cela suppose en effet, dans le cadre d'une action en responsabilité délictuelle, qu'elle établisse la preuve d'une faute de son adversaire lui ayant causé un préjudice. Or, la faute qu'elle invoque serait pour l'appelante de n'avoir pas exercé son droit, suite au courrier du 20 août 2015. La cour ne peut caractériser une telle faute puisque le courrier ne contenait pas l'ensemble des énonciations prévues à peine de nullité de sorte qu'il ne peut avoir eu un quelconque effet.

C'est ainsi à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande en paiement de la société Abault. Le jugement est réformé et elle sera déboutée de ses demandes. 

Référence: 

- Cour d'appel de Bordeaux, 4e chambre civile, 5 novembre 2020, RG n° 18/00906