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Le 27 octobre 2020

 

Marlène ne peut prétendre avoir fait d'un engagement de caution dont elle savait qu'il poserait difficultés une fois mis en oeuvre une condition déterminante de son consentement.

Marlène demande à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence de prononcer la nullité de son engagement de caution en raison d'une erreur sur l'étendue de ses recours. Elle prétend en effet qu'alors que l'acte de prêt était garanti par unehypothèque conventionnelle et deux engagements de caution, le sien et celui de son époux, et que l'action en paiement a été engagée contre les deux cautions, la banque s'est désistée devant le Tribunal de Commerce de Nice de ses demandes formées à l'encontre de son époux, en liquidation judiciaire depuis le 25 octobre 2007. Elle prétend que son consentement a été vicié par le fait qu'elle a faussement cru qu'elle pourrait exercer un recours entre cofidéjusseur à l'encontre de son époux pendant la durée de la procédure de liquidation judiciaire et à tout le moins après l'éventuelle clôture pour insuffisance d'actif de ladite procédure, ce qui serait constitutif d'une erreur lors de la signature de son engagement, le maintien de l'ensemble des cautionnements souscrits étant une condition déterminante de son engagement.

En réponse la Banque Populaire Méditerranée soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle non formulée en première instance, que cette demande est en tout état de cause prescrite, et enfin que cette demande est mal fondée, Marlène ne pouvant prétendre avoir ignoré la situation de son époux faisant l'objet d'une liquidation judiciaire depuis le 25 octobre 2007.

L'article 564 du Code de procédure Civile dispose que :

"A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait".

Les parties peuvent donc soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses.

Il est exact qu'en première instance Marlène, pour s'opposer à la demande en paiement formée par la banque, a sollicité à titre principal l'inopposabilité de l'acte de cautionnement en raison d'une disproportion avec ses revenus lors de la signature, à titre subsidiaire la décharge de son engagement de caution sur le fondement de l'article 2314 du Code civil, ensuite l'absence de déchéance du terme à son égard, et enfin la substitution du taux d'intérêt légal au taux contractuel, le TEG étant erroné.

Cependant contrairement aux affirmations de la banque, Marlène pouvait, pour la première fois en cause d'appel, demander de prononcer la nullité de son engagement de caution, dans la mesure où cette prétention constitue une défense au fond destinée à faire échec à la demande de condamnation à paiement, qui peut donc être proposée en tout état de cause, y compris si elle n'a pas été formulée en première instance.

La demande de nullité de son engagement de caution formulée par Marlène est fondée sur l'article 1110 du Code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, applicable au présent litige.

Cet article dispose que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.

En ce qui concerne la prescription soulevée par la banque, il convient de rappeler que la demande de nullité d'un acte formée par voie d'exception est perpétuelle, c'est-à-dire qu'elle n'est pas soumise au délai de prescription quinquennale, dès lors qu'elle est invoquée dans le cadre d'une action en exécution d'un acte qui n'a pas été exécuté.

Tel est le cas en l'espèce, l'engagement de caution n'ayant pas été exécuté. En conséquence la demande de nullité n'est pas prescrite.

En ce qui concerne le bien fondé de la demande de nullité, il ressort des pièces versées aux débats que Michel époux de Marlène, marié sous le régime de la séparation de biens, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée par le Tribunal de Commerce de Nice le 25 octobre 2007. Dès lors la créance issue de l'acte de cautionnement signé par ce dernier le 2 juillet 2008, soit postérieurement à la liquidation, est inopposable à la liquidation judiciaire.

Du fait de cette situation la Banque Populaire Méditerranée s'est désistée de ses demandes à l'encontre de Michel. devant le Tribunal de Commerce qui lui en a donné acte.

Cependant il convient de rappeler comme le fait à juste titre la Banque Populaire Méditerranée que, contrairement aux allégations de Marlène, la créance issue du cautionnement litigieux est certes inopposable à la procédure collective, comme étant postérieure à la liquidation, mais sans pour autant mettre à néant le recours entre cofidéjusseur que Marlène pourra exercer contre son époux lorsqu'elle aura payé en exécution de sa garantie. En effet il s'agit bien d'une créance née postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, et même postérieure au prononcé de la liquidation, de telle sorte que la règle de l'interdiction des poursuites après clôture pour insuffisance d'actif est inapplicable.

De surcroît et surtout, il convient de rappeler que le prêt accordé à La SARL ASTOR a été garanti par une hypothèque et deux engagements de caution, celui de Marlène et celui de son mari. Chacun des époux a donné son consentement à l'engagement de caution de l'autre.

Or d'une part Marlène ne peut prétendre avoir ignoré la situation de liquidation judiciaire de son époux, prononcée quelques mois plus tôt, et d'autre part elle ne démontre pas qu'elle avait fait du maintien de la totalité des cautions une condition déterminante de son propre engagement.

En effet si l'autre associé de La SARL ASTOR, qui n'est pas Michel mais leur fils commun Morgan, étudiant comme indiqué dans les statuts, ne s'est pas porté caution, et si c'est Michel, tiers à la société, qui l'a fait, c'est bien parce que Morgan n'avait aucun patrimoine. Le double engagement de caution des époux Marlène et Michel. leur a ainsi permis de déclarer dans la fiche de renseignement patrimoniale plusieurs biens immobiliers pour un montant total de 900.000 EUR environ, ce qui a permis d'obtenir le prêt. Aucun des deux époux n'a signalé à la banque que Michel était en liquidation judiciaire, alors qu'ils ne pouvaient l'ignorer à la date de la signature de l'engagement de caution. Dans ces conditions Marlène ne peut prétendre avoir fait d'un engagement de caution dont elle savait qu'il poserait difficultés une fois mis en oeuvre une condition déterminante de son consentement.

Dès lors la demande de nullité de l'acte de cautionnement pour erreur est rejetée.

Référence: 

- Cour d'appel, Aix-en-Provence, 3e et 4e chambres réunies, 22 octobre 2020, RG n° 17/14398