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Le 24 novembre 2019

 

M. X et M. Y étaient propriétaires aux termes de deux actes reçus le 27 janvier 1978 par maître PARA, notaire à ST-TROPEZ, d’une parcelle de terre située à SAINT-TROPEZ, lieu-dit la Citadelle, cadastrée section A n°12, figurant en emplacement réservé pour la réalisation d’un espace vert par le plan d’occupation des sols de la commune.

MM. X et Y ont mis la commune en demeure d’acquérir cette parcelle.

Par un jugement du 20 septembre 1982, rectifié le 24 janvier 1983, le juge de l’expropriation du département du VAR a prononcé le transfert de propriété au profit de la commune de SAINT-TROPEZ (la commune) de la parcelle AL n°176 (issue de la parcelle A n°12) pour 1981 m² et de la parcelle AL n°177 (issue de la parcelle A n°15 bis) pour 119 m² et a fixé à la somme de 2 310 000 francs le prix d’acquisition des parcelles.

Par un arrêt 8 novembre 1983, la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE a, réformant le jugement, fixé à la somme de 800 000 francs le prix de la parcelle A n°12 et donné acte aux parties de leur accord sur l’acquisition par la commune de 125 m² de terrain prélevé sur la parcelle A n°15 bis.

Par un accord du 30 novembre 1993 conclu avec M. Y, la commune s’est engagée à rétrocéder une bande de terre en limite de sa propriété, à prélever sur la parcelle AL n°176 lui appartenant, en contrepartie du terrain de 125 m² prélevé sur la parcelle A n°15 bis (parcelle A n°177).

Le 22 décembre 2008, la commune a procédé à la vente aux enchères de la parcelle AL n°177, de la parcelle AL n°208 et de la parcelle AL n°224, cette dernière provenant de la division de l’ancienne parcelle AL n°209 elle-même issue de la division de la parcelle AL n°176.

A l’issue des enchères, la société Fimas a été déclarée adjudicataire desdites parcelles, moyennant le prix de 5 320 000 euros.

La société Fimas a obtenu, le 18 octobre 2011, un permis de construire pour l’édification d’une villa individuelle avec piscine et garage.

Venant aux droits de MM. X et Y, Mme Z a assigné la commune en paiement de la somme de 5. 198 041 euro à titre de dommages et intérêts compensatoires de son préjudice consécutif à la revente des parcelles, sur le fondement du droitde rétrocession de l’article L.12-6 du code de l’expropriation.

Par jugement du 10 novembre 2015, le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a déclaré recevable l’action de Mme Z en qualité d’ayant-droitdes propriétaires originaires de la parcelle délaissée, et a rejeté sa demande en dommages et intérêts.

Mme Z a interjeté appel de ce jugement.

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L'art. 1 du Protocole n°1 additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme dispose que :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes."

La commune fait valoir que le prix évalué à 800. 000 francs par la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE était bien représentatif de la valeur marchande du bien à l’époque, et a permis aux vendeurs de C une bonne plus value, de réemployer ce prix pour le placer de sorte que le bien acquis en remploi a pu prendre de la valeur et que le bien litigieux acquis par des marchands de biens étant destiné à la vente, Mme Z ne peut prétendre à un préjudice.

 Mme Z soutient que les circonstances de l’espèce à savoir la cession du terrain inconstructible et réservé pour devenir un espace vert, le changement des règles d’urbanisme et la revente du terrain pour un prix 43 X supérieur au prix de la première cession caractérisent l’atteinte excessive au droit de celle-ci.

La cour doit se pencher sur la question de savoir si la mesure contestée porte ou non une atteinte, excessive au regard du but légitime poursuivi, au droit au respect au bien de Mme Z, et pour se cela doit apprécier l’opération dans sa globalité,

Il résulte des pièces produites devant la cour de renvoi :

—  qu’aux termes du POS rendu public le 7 janvier 1977, la parcelle litigieuse avait fait l’objet d’un emplacement réservé dans le dessein de créer un espace vert,

— que M. X et M. Y ont acquis ce bien, évalué à la somme de 512. 250 francs, en viager le 27 janvier 1978,

—  que l’usufruitière est décédée le […],

—  qu’après mise en demeure en application de la procédure de délaissement, le prix d’acquisition a été fixé par la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE par arrêt du 8 novembre 1983, aucun accord n’étant intervenu sur le prix de cession, à la somme de 800 000 Francs prix fixé sans tenir compte de l’emplacement réservé, pour un terrain à bâtir et libre d’occupation,

—  que de 2002 jusqu’à sa vente, une aire de jeux a été aménagée sur ce terrain par la commune,

—  que la commune a déclassé la parcelle litigieuse en vue de l’affecter au domaine public privé et l’a vendue en 2008 au prix de 5. 320.000 euro.

Il résulte de ces éléments que de 1983 à 2002 soit pendant près de 20 ans puis après 2008 la parcelle litigieuse n’a pas reçu l’affectation d’intérêt général prévue, ayant justifié sa mise en réserve, et que la commune de ST-TROPEZ a déclassé la parcelle, qui faisait partie de son domaine public, pour permettre son affectation au domaine privé de la commune et la revendre en 2008 au prix de 5 320 000 euros réalisant ainsi une plus value très importante, au regard du prix auquel elle l’avait acquise,

La commune ne s’explique pas sur l’absence d’aménagement d’un espace vert, motif de la réserve, pendant de très nombreuses années, après son acquisition.

L'absence d’affectation pérenne de la parcelle litigieuse à l’intérêt général après 2008 ne peut être utilement combattue par l’argument, dont la preuve n’est, de plus, pas suffisamment rapportée par la commune, que le prix de vente de ladite parcelle aurait été utilisé pour financer la réalisation d’un pôle enfance.

Le fait que M. X et M. Y aient été des marchands de biens et aient mentionné à l’acte de vente, à des fins fiscales, que l’immeuble était destiné à être revendu dans le délai de 5 ans, ne permet pas de préjuger de leurs intentions, non réalisées, quant au bien immobilier litigieux.

Au regard des éléments ci- dessus rappelés, la mesure contestée, en dépit du délai de 25 ans écoulé, porte une atteinte excessive au droit au respect des biens de Mme Z au regard du but légitime poursuivi, justifiant son indemnisation par la commune de ST-TROPEZ.

Il n’est pas justifié que l’acte d’échange de 1994 est de nature à minorer l’indemnisation due à Mme Z, précisément parce qu’il s’agissait d’un échange,

Il n’y a pas lieu à déduction au titre des travaux d’aménagement, la commune ne justifiant pas suffisamment par les pièces produites (relevés d’altimétrie et liste des végétaux plantés et frais d’aménagement générés) que les travaux réalisés, destinés à créer une aire de jeux, aient modifié de façon notable les caractéristiques du terrain et l’aient valorisé en vue de sa revente.

Mme Z a droit à des dommages-intérêts correspondant à la valeur actualisée du bien au jour de la décision constatant l’impossibilité de rétrocession, valeur incluant, "la plus-value acquise par ledit bien depuis la date à laquelle il a fait l’objet d’une expropriation", sous la seule déduction de l’indemnité principale perçue au moment de l’expropriation, majorée des intérêts au taux légal depuis son versement.

Référence: 

- Cour d'appel de Lyon, 1re chambre civile b, 19 novembre 2019, RG n° 19/03505