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Le 20 juillet 2021

 

Aux termes de l'article L. 411-1 du Code rural et de la pêche maritime, «Toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre ; Cette disposition est d'ordre public.»

En l'espèce, l'appelant soutient que le bail qui lui a été consenti est soumis au statut du fermage en faisant valoir que :

- lors de la signature du bail , le bailleur ne pouvait ignorer l'activité de berger transhumant qu'il exerçait cette dernière ayant été même inscrite précisément dans le corps du bail,

- la superficie prise à bail est nettement insuffisante pour assurer la subsistance d'un troupeau de 1000 brebis en période estivale, ce que ne pouvait ignorer le bailleur,

- son troupeau de brebis passaient l'été dans les estives d'Ansabère, au-dessus du village de LESCUN, de mai à novembre, et les parcelles louées étaient utilisées comme aire de repos et de convalescence aux fins d'accueillir les brebis malades, blessés, aux pattes cassées ou venant exceptionnellement de mettre bas,

- il ne peut lui être reproché de n'avoir pas sollicité de déclaration d'exploiter, l'article L. 331-2 I du Code rural et de la pêche maritime soumettant à une telle autorisation un agrandissement d'exploitation lorsque la surface totale après reprise excède le seuil fixé par le Schéma Directeur Régional des Exploitations agricoles (SDREA) ; or, le siège principal de son exploitation agricole est situé dans le Gers, et dès lors soumis au SDREA de la Région Occitanie, qui fixe à 68 hectares le seuil de superficie nécessitant une autorisation, de sorte que son exploitation du Gers s'étendant sur un peu plus de 16 hectares et les parcelles litigieuses représentant une superficie de 12ha 31a, il n'était pas tenu de régulariser une déclaration préalable d'exploiter, ajoutant que l'estive communale d'Ansabère d'une superficie totale de plus de 1000 hectares dont il dispose de manière indivise en même temps que d'autres éleveurs transhumants n'intervient pas dans le calcul du seuil de contrôle des structures,

- il ne peut lui être reproché une absence de déclaration à la PAC des parcelles louées dans la mesure où le bail à ferme ayant été souscrit le 15 octobre 2015, il aurait fallu pour qu'il puisse bénéficier de ses droits à la PAC,il sollicite, avec le concours du bailleur, l'attribution des DPB détenus par le preneur précédent ne sachant pas si lui-même en avait fait la demande ; compte tenu de la complexité des démarches administratives à accomplir il n'a pas pris l'initiative de solliciter ses droits pour les parcelles louées.

Pour sa part, M. Michel C.-C. fait valoir que :

- dans la mesure où le preneur n'a jamais exploité les parcelles louées , condition essentielle pour se prévaloir du statut des baux ruraux la convention passée entre deux parties ne remplit pas les conditions posées par l'article L 411-1 du code rural et de la pêche maritime qui définit le bail à ferme,

- les attestations établies par les témoins voisins des parcelles en question, ne font état d'aucune présence animale sur ces parcelles,

- de surcroît il s'est permis de mettre la parcelle cadastrée Section B n° 54 à disposition d'un tiers, sans l'accord du propriétaire,

- en outre, il n'a pas sollicité d'autorisation d'exploiter, et omet sciemment de comptabiliser les superficies qu'il exploite dans le cadre des estive s'élevant à environ 250 ha, lesquelles ont pour effet de porter la superficie totale exploitée bien au-delà du seuil de contrôle des structures,

- en dépit de la sommation de communiquer qui lui a été faite, il n'a pas versé aux débats, les déclarations PAC 2016, 2017, 2018, et 2019.

Cela étant il est constant que par acte sous seing privé en date du 15 octobre 2015, portant l'intitulé « bail à ferme » M. Michel C.-C. a donné en location à M. Marcel E. diverses parcelles de terre situées sur la Commune de Lescun, d'une superficie totale de 12ha 31a 92ca, cadastrées comme suit : Section E n° 113, 118, 122, 128, 129, 130, 201, 202, 209, 210, 215 Section B n° 54, 71, 634, 635.

Il a été stipulé dans l'acte que

- le bail était consenti pour une durée de 3 années à compter du 1er janvier 2016 moyennant un « fermage annuel de 1.000 ' » avec une franchise de fermage pour l'année 2016 dès lors que le preneur s'engageait à faire ''gyrobroyer par l'entreprise Suhit'' au mois de mai 2016 les parcelles 202 et 54 où sont édifiées deux granges,

- le bailleur souhaite restaurer 2 bâtiments agricoles cadastrées B56 et E 200 ; il pourra exploiter les bois sur B49 et B55 ; ces travaux ponctuels se feront de façon à gêner le moins possible les parcelles B54 et E 202,

- le montant du loyer sera actualisé annuellement par application d'un indice départemental établi chaque année au 1er octobre par arrêté de M. Le Préfet,

- la validité du bail est liée au respect de la réglementation en matière de contrôle des structures et, d'autre part, que : «Pour tout ce qui n'est pas prévu au présent bail, les parties déclarent s'en référer au bail type départemental».

Il y a lieu d'observer que le caractère rural du bail, se détermine, sauf cas de fraude à la loi, par la commune intention des parties telle qu'elle apparaît dans les conventions.

Cette commune intention se détermine lors de la conclusion du bail.

En l'occurrence, il ressort des termes même de l'acte que les parties ont convenu de conclure un bail à ferme.

Il n'est de plus pas contesté que M. E. dont la qualité de « berger transhumant » est expressément mentionnée dans l'acte, exerce une activité agricole telle que définie par l'article L 311-1 du code rural et de la pêche maritime.

Il ne peut pas être contesté que les terres litigieuses situées à proximité des estives d'Ansabère et comportant des parcelles en nature de landes et prés, ont été prises à bail par le preneur dans le cadre de cette activité.

Le fait pour le preneur de ne pas exploiter les parcelles conformément à la destination prévue, ne peut constituer qu'une inexécution du bail sans remettre en cause la nature juridique acquise lors de sa conclusion.

Le jugement entrepris doit dès lors être réformé de ce chef.

Sur la parcelle cadastrée section B n° 54.

M. Sébastien C.-C. qui se prévaut d'un acte de donation de la nue-propriété de la parcelle cadastrée commune de Lescun, Section B n° 54, d'une contenance de 3 ha 66 a 60 ca, reçue devant Maître L., notaire à Oloron-Sainte-Marie, le 7 septembre 2015, soutient qu'en application des dispositions de l'article 595 alinéa 4 du code civil, ladite parcelle n'aurait pas dû être donnée à bail sans son accord.

Pour sa part, M. E. fait valoir que :

- qu'aucun commencement de preuve ne permet d'établir qu'il pouvait avoir connaissance de l'acte de donation intervenu en septembre 2015,.

- M. Michel C. C. s'est comporté sur près de quatre années comme étant le véritable propriétaire de la parcelle litigieuse d'autant qu'il directement encaissé les fermages.

Cela étant M. Sébastient C. C. justifie qu'en vertu de l'acte de donation reçu le 7 septembre 2015, il était lors de la conclusion du bail consenti le 15 octobre 2015, nu-propriétaire de la parcelle cadastrée section B n°54, M. Michel C.-C. en étant seulement usufruitier.

Il est inopérant pour le preneur de se prévaloir de ce qu'il ne pouvait être informé de l'acte de cet acte de donation, ce d'autant moins que l'acte a été oublié à la conservation des hypothèques le 1er octobre 2015.

Aux termes de l'article 595 du code civile : «(') L'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. A défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte

La location de la parcelle cadastrée section B n°54 ayant été consentie par l'usufruitier de cette parcelle sans le concours du nu-propriétaire, elle doit être déclarée nulle et de nul effet.

M. E. doit dès lors être débouté de sa demande de réintégration en ce qu'elle porte sur ladite parcelle

Sur la demande de réintégration des autres parcelles louées.

Aux termes de l'article L. 411-5 du Code rural et de la pêche maritime, la durée d'un bail à ferme «ne peut être inférieure à neuf ans, nonobstant toute clause ou convention contraire».

Selon l'article L. 411-31 du Code rural et de la pêche maritime : «Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :

1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ;

2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d''uvre nécessaire aux besoins de l'exploitation ; ['] ».

En l'espèce, l'appelant fait valoir que :

- le bailleur ne lui a pas fait délivrer de mise en demeure préalable, ni même de commandement de payer , et l'a seulement rendu destinataire d'un courrier simple de «non reconduction de bail rural »,

- il justifie du règlement des fermages ainsi que de l'ensemble des charges inhérentes à l'exploitation des parcelles louées,

- le bailleur n'apporte pas la preuve d'une carence éventuelle de sa part au titre de l'entretien des parcelles litigieuses qui serait en outre « de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ».

Il est constant que M. Michel C. C. a adressé au preneur un courrier en date du 10 mai 2019 dans lequel il indique :«(') je vous confirme la non reconduction du bail rural qui a pris fin le 1er juillet 2019 sur la commune de Lescun. Cette non reconduction est motivée pour les raisons suivantes : non respect des délais de paiement annuels, à savoir le 10 janvier de chaque année, non respect des engagements pris conjointement et notamment les différentes clauses relatives à l'entretien des parcelles ; nouveaux projets sur les dites parcelles».

Il est également établi que, par suite, le preneur a libéré les lieux.

Il ressort des pièces produites par le bailleur et notamment des attestations concordantes qu'il verse aux débats que M. E. n'a pas exploité les parcelles louées conformément à leur destination, les témoins voisins des parcelles litigieuses déclarant n'avoir jamais observé son troupeau de brebis sur celles-ci.

L'appelant qui indique qu'il utilisait ces parcelles comme aire de repos ou de convalescence pour ses brebis qui passaient l'été dans les estives d'Ansabère, au-dessus du village de Lescun, de mai à novembre, ne produit aucun témoignage en ce ce sens pouvant contredire ceux produits par le bailleur.

Il y a lieu en outre de relever que M. E. indique dans ses écritures qu'après avoir fait procéder au « gyrobroyage » de deux parcelles convenu dans le bail, il l'a effectué par ses propres soins et ne peut de ce fait en apporter la preuve.

De surcroît, il ressort des pièces produites par le bailleur que les parcelles B 54 et E 202 avaient fait l'objet d'occupations par des troupeaux de vaches ou chèvres appartenant à des tiers (M. Bernard C. ou Mme Camille M.) en vertu d'accords pris avec le preneur que ce dernier qualifie dans ses écritures comme étant des prises en pension à titre gratuit sans en justifier.

La cour considère que les manquements du preneur à son obligation sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds et sont suffisamment graves pour autoriser le bailleur à s'opposer à la poursuite du bail.

M. E. est donc mal fondé à solliciter sa réintégration dans les parcelles en litige.

Référence: 

- Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 8 juillet 2021, RG n° 20/02638