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Le 02 octobre 2020

 

Les époux X, acquéreurs, soutiennent que Monsieur C A, intervenant en qualité d’agent immobilier, a fait une présentation mensongère de l’état de la maison en leur cachant volontairement qu’elle était fortement affectée par le mérule et par une attaque de xylophages dans la charpente et présentant, après des travaux dont ils n’ignoraient pas la teneur, une faiblesse structurelle nécessitant une très importante consolidation. Il a donc engagé sa responsabilité par ce comportement dolosif et devra les indemniser du montant de l’intégralité des travaux de reprise et dégâts causés par la mérule et de ceux non prévus pour la réfection de la charpente. Le fondement de leur action est la responsabilité délictuelle.

La Société à Responsabilité Limitée A indique que la SCI HORIZON a été créée en 2002 et a pour objet l’achat et la location de biens immobiliers. Elle est donc un professionnel de l’immobilier. Elle ajoute que la Société Civile Immobilière n’a fait procéder à aucune vérification concernant l’état de la maison, dispensant le notaire de faire effectuer un diagnostic pour rechercher la présence éventuelle de mérules, manquant ainsi à ses obligations de prudence. Elle rappelle qu’aucun contrat ne la lie à la SCI HORIZON qui doit démontrer l’existence d’une faute. Or, elle n’a jamais eu connaissance ni de l’existence de capricornes sur la toiture ni de mérules dans les boiseries qui n’étaient pas apparents notamment pour un agent immobilier n’ayant pas de compétence technique en la matière.

L’intermédiaire professionnel, négociateur et rédacteur d’un acte, est tenu d’une obligation de renseignement et de conseil afin de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention et en cas de manquement engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de son mandant et sa responsabilité délictuelle à l’égard du tiers contractant. Mais le manquement au devoir de conseil de l’agent immobilier, par l’intermédiaire duquel l’immeuble a été vendu aux acheteurs, n’est pas établi dès lors que les désordres affectant la charpente n’étaient pas apparents et que la preuve n’était pas rapportée qu’il avait eu connaissance du vice caché (Civ. 1re 20 décembre 2000, n° 98-20.765).

La Cour de cassation considère également qu’une Société Civile Immobilière dont l’objet social est en rapport direct avec l’acte accompli est un contractant professionnel, y compris si elle a été constituée par un particulier, pour une opération unique visant à satisfaire ses besoins personnels (Civ. 3e, 21 oct. 2012, n° 11-18.774).

Par l’intermédiaire de la SCI HORIZON, société créée le 08 août 2002 ayant pour activité l’acquisition, la propriété, la gestion et l’administration des biens immobiliers la constituant, les époux X ont acquis le 31 mars 2014 une propriété dénommée Château de La Calmette sur la commune de Teissieres de Cornet après l’avoir auparavant visitée à trois reprises, les 07 et 16 août ainsi que le 29 octobre 2013, selon leurs écritures.

Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats que les époux X solliciteront l’entreprise MARCENAC aux fins d’établir un devis pour la restauration de la charpente, devis d’un montant de 47.840 EUR qu’ils obtiendront le 19 novembre 2013, avant l’acquisition de l’habitation.

Le dossier de diagnostic technique réalisé par la SARL SOCOBOIS le 5 juillet 2012 mentionne que les locaux présentent plusieurs éléments unitaires d’une même pièce recouverte de moisissures ou de nombreuses tâches d’humidité et ceci dans plusieurs endroits de l’habitation, dans le salon (volume 17), dans le WC (volume 19), dans deux chambres (volumes 20 et 27), dans la cage d’escalier (volumes 24 et 32). Le diagnostic technique réalisé par la même société le 28 mars 2014, soit trois jours avant la conclusion de la vente, fera les mêmes constatations.

Dans le compromis de vente signé par les parties le 30 janvier 2014, figurait une clause ainsi rédigée : "les parties ont été informées des dégâts pouvant être occasionnés par la présence de mérule dans un bâtiment, la mérule étant un champignon qui se développe dans l’obscurité, en espace non ventilé et en présence de bois humide. La visite du bien par l’acquéreur, ainsi qu’il le déclare expressément n’a pas révélé de zones de condensation interne, ni de traces d’humidité, de moisissures, ou encore de présence d’effritements ou de déformation dans le bois ou de tache de couleur marron ou l’existence de filaments blancs à l’aspect cotonneux, tous des éléments parmi les plus révélateurs de la potentialité de la présence de ce champignon. Le vendeur déclare ne pas avoir constaté jusqu’à ce jour l’existence de tels indices et l’acquéreur a dispensé tant le vendeur que le notaire de faire effectuer une recherche de la présence éventuelle de mérule par un diagnostiqueur spécialisé". Cette clause a été reprise dans l’acte de vente notarié conclu le 30 mars 2014.

Les époux X indiquent que ce sont en raison des informations rassurantes d’absence d’infestation par la mérule délivrées par la SARL A qu’ils ont indiqué au notaire qu’ils se dispensaient d’un diagnostic mérule. Cependant, ils ne versent aucune pièce à l’appui pouvant justifier de ces "informations rassurantes".

Les époux X, qui reprochent par la suite à la SARL A d’avoir commis un dol, produisent l’attestation rédigée par Monsieur D E qui, intéressé par la propriété, l’a faite visiter au mois d’août 2013 par un architecte monsieur F G K qui l’a "alerté immédiatement sur la présence de mérule, mais également sur les faiblesses extrêmes des charpentes de l’habitation principale et de la dépendance, rongées par les capricornes et dont le traitement lui semblait non seulement insuffisant, mais aussi inefficace« . Il a ajouté avoir avisé Monsieur A »du fait de la présence de Mérule, et des problèmes de capricornes sur la charpente, Mr A nous a indiqué être en mesure de négocier avec les propriétaires et d’obtenir un rabais conséquent".

Monsieur F G K, mandaté par monsieur D E a constaté la présence de filaments caractéristiques de la mérule. Il n’en a pas avisé monsieur C A.

Monsieur C A a déposé plainte auprès du commissariat de police d’Aurillac pour des faits d’usage d’attestation inexacte, contestant avoir été informé par monsieur D E de la présence de mérules au cours des négociations. La procédure a été classée sans suite.

Dans le compte rendu d’une vidéo réalisée par Monsieur D E lors d’une visite de la maison, pièce versée aux débats, Monsieur C A déclare « Voyez, c’est une maison qui n’est jamais ouverte, mais elle est pas… elle ne sent pas l’humidité… elle…. moi je l’ouvre quand je viens comme ça 5 minutes mais elle sent pas l’humidité ». Cette vidéo n’évoque à aucun moment la présence de mérules mais monsieur A a indiqué qu’il serait envisageable de reprendre la charpente.

Dans son rapport d’expertise, monsieur H-I J a indiqué que "la manifestation du champignon est parfaitement identifiable pour une personne professionnelle. Cette manifestation est caractérisée par la déformation des bois ainsi que par son aspect fissuré et craquelé. Ces signes apparents sont présents sur les photographies présentées par Monsieur X, photographies prises par lui lors de la visite des lieux, préalable à la vente" . L’expert indique également que "il convient de noter que les désordres, tant de mérule que de parasites affectant les bois présentent un caractère visible". Aucune trace de mérule ne sera relevée sur la charpente.

L’objet social de la SCI HORIZON est l’acquisition, la propriété, la gestion et l’administration des biens immobiliers. L’achat de la propriété, que ses nouveaux propriétaires envisageaient de louer, est en rapport direct avec cet objet social, et la société appelante, qui ne rapporte pas la preuve contraire, est un acquéreur professionnel.

L’état de vétusté de l’habitation, l’absence d’occupation depuis plusieurs années, et les mentions figurant sur les états de diagnostic technique avertissaient clairement les époux X, professionnels de l’immobilier, de l’humidité présente dans certains murs, et donc des risques potentiels de présence de mérules. Ils connaissaient l’état d’humidité puisqu’ils écrivent dans leurscécritures que monsieur C A leur a indiqué que les traces d’humidité étaient très anciennes. Ils ont néanmoins acquis en connaissance de cause ce bien qu’ils ont pris en l’état, dans lequel ils devaient réaliser des travaux sur la charpente, pour un prix peu élevé de 257.000 EUR s’agissant d’une propriété composée d’une maison de maître d’une surface d’environ 400 m² avec ses meubles d’une valeur de 17.000 EUR et d’une dépendance, le tout sur un terrain de 2,18 hectares.

La SCI HORIZON ne peut dès lors reprocher à la SARL A d’avoir volontairement dissimulé la présence de mérule alors qu’ils ne démontrent aucunement que cette dernière en avait connaissance. La responsabilité de l’agent immobilier pour manquement à son obligation d’information et de conseil ne peut pas être engagée, sa mission n’étant pas d’inspecter lui-même l’immeuble et il ne lui appartenait pas de conseiller aux acquéreurs professionnels de l’immobilier de faire effectuer un diagnostic de détection des champignons lignivores auquel ils ont renoncé devant notaire.

La SCI HORIZON, qui ne démontre aucunement que la SARL A a commis une faute, sera en conséquence déboutée de l’ensemble de ses demandes et le jugement de première instance sera infirmé.

Référence: 

- Cour d'appel de Riom, 1re chambre, 29 septembre 2020, RG n° 19/00348