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Le 02 novembre 2018

Maître Philippe A, avocat, a été chargé de la rédaction de l'acte de cession, le 3 avril 2010, par la Sarl MI à la Sarl MAISON D. de son fonds de commerce de boulangerie, moyennant le prix de 120'000 euro assorti d'un crédit vendeur garanti par un nantissement sur le fonds et un privilège de vendeur. La Sarl MAISON D. a été placée en redressement judiciaire le 15 mai 2012 puis en liquidation judiciaire le 12 juillet 2012 et la Sarl MI a déclaré sa créance au passif pour un montant privilégié à échoir de 105'181,20 euro.

Suivant acte d'huissier des 8 et 30 juillet 2014, la Sarl MI a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Toulon maître Philippe A et sa compagnie d'assurances, la société Covea Risks, pour obtenir leur condamnation à lui payer la somme de 105'181,20 euro à titre de dommages et intérêts, outre une somme sur le fondement de l'art. 700 CPC, reprochant à l'avocat de ne pas l'avoir alertée sur la situation financière de la Sarl MAISON D. ce qui lui aurait permis de prendre des garanties supplémentaires ou de ne pas céder son fonds de commerce et lui faisant grief de ne pas avoir prévu dans l'acte, soit une clause de réserve de propriété qui lui aurait permis de revendiquer le fonds entre les mains du mandataire judiciaire lors de l'ouverture de la procédure collective, soit une garantie personnelle.

L'avocat engage sa responsabilité pour ne pas avoir prévu de garanties suffisantes dans le cadre de la vente du fonds de commerce dont le prix a été payé par crédit vendeur total. L'opération était garantie par un privilège du vendeur et un nantissement sur le fonds, comme indiqué plus haut. Or, du fait de l'ouverture d'une procédure collective contre l'acquéreur, le principe de l'interruption et de l'interdiction des poursuites individuelles posé par l'art. L. 622-21 du Code de commerce interdisait au créancier antérieur d'agir en résolution d'un contrat pour défaut de paiement du prix, la vente réalisée par crédit vendeur ne pouvant être qualifiée de contrat en cours à la date du jugement d'ouverture. L'insertion d'une clause de réserve de propriété aurait en revanche permis au vendeur de revendiquer le fonds, nonobstant la procédure collective de l'acquéreur. De même, une caution personnelle aurait également permis d'obtenir une garantie plus efficace. En ne conseillant pas le vendeur en ce sens, l'avocat rédacteur a manqué à son obligation de conseil et à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte. Le préjudice du vendeur s'analyse en une perte de chance de contracter à de meilleures conditions, notamment en termes de garanties du paiement du prix. Une clause de réserve de propriété n'était toutefois pas de nature à permettre une garantie très efficace pour le cédant dès lors que la valeur du fonds reposait à hauteur de 105'000 euro sur ses éléments incorporels, disparus à la suite de la résiliation du bail commercial. Par ailleurs, il existait un aléa tant sur la possibilité d'obtenir une caution extérieure, que sur la qualité et l'efficacité de la garantie ainsi obtenue. La perte de chance du vendeur d'obtenir le paiement du solde du prix est évaluée à la somme de 15'000 euro.

Référence: 

- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1 A, 26 juin 2018, RG N° 16/19976