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Le 23 septembre 2020

 

L’article 311-14 du Code civil dispose que "La filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l’enfant ; si la mère n’est pas connue, par la loi personnelle de l’enfant."

La loi applicable à la reconnaissance de parenté est en conséquence la loi personnelle de la mère au jour de la naissance, soit la loi centrafricaine.

L’article 496 du Code de la famille de la république centrafricaine dispose quel’action en recherche de paternité est exercée contre le père prétendu ou ses héritiers. La paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée dans les cas :

1- d’enlèvement ou de viol, lorsque l’époque d’enlèvement ou du viol se rapporte à celle de la conception,

2 – de séduction de la mère par le prétendu père à l’aide de man’uvres dolosives, d’abus d’autorité, promesse de mariage ou de fiançailles;

3 – d’existence de lettres ou autres écrits privés émanant du père prétendu et desquelles il résulte un aveu non équivoque de paternité;

4 – de prise en charge de participation du père prétendu à l’entretien et à l’éducation de 1'enfant en qualité de père;

5 – de preuve de communauté de vie, rapports, fréquentation régulière, rencontre du prétendu père avec la mère pendant la période de la conception.

L’article 497 du même code prévoit que l’action en recherche de paternité est irrecevable :

1- si elle a pour but d’établir une filiation prohibée par la loi et la coutume ;

2 – s’il est établi que pendant la période légale de la conception la mère était d’une inconduite notoire ou a eu commerce habituel avec un autre homme;

3 – si le père prétendu était, pendant cette même période, soit pour cause d’éloignement, soit pour toute autre cause établie de façon certaine, dans l’impossibilité d’être le père de l’enfant.

L’article 499 dispose que pendant la minorité de l’enfant la mère a seule qualité pour exercer l’action au nom du mineur.

Enfin l’article 500 du même code dispose que l’action en recherche de paternité doit être exercée selon le cas, dans les deux ans qui suivent le jour:

1 – de la naissance de l’enfant,

2 – de la cessation par le père de toute participation en cette qualité à l’entretien et à l’éducation de l’enfant,

3 – de la cessation du commerce habituel avec la mère. Si elle n’a pas été exercée pendant la minorité de l’enfant, celui-ci peut agir dans l’année de sa majorité.

Il est constant qu’une disposition privant l’enfant de son droit d’établir sa filiation paternelle, est contraire à l’ordre public international français.

En l’espèce, la loi centrafricaine prévoit une prescription biennale de l’action en établissement de la filiation.

L’appréciation de la conformité d’une loi étrangère avec l’ordre public international français, suppose une appréciation in concreto prenant en considération l’intérêt supérieur de l’enfant. A cet égard, en vertu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, tout enfant, légitime ou naturel, a droit au respect de sa vie familiale qui inclut le droit de connaître ses origines et son ascendance. Tout individu a donc un intérêt vital, protégé par la Convention, à obtenir des informations qui lui sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de son identité personnelle, à savoir sa filiation paternelle.

Au surplus, l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant dispose que l’enfant est enregistré aussitôt après sa naissance et a le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. Son article 2 prohibe toute discrimination fondée sur la naissance. Son article 3 précise que 'dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale'.

Si l’application de la loi étrangère, fusse-t-elle celle de la nationalité de l’enfant, le prive de la possibilité de faire établir un élément primordial de son identité qui est l’existence d’une filiation maternelle ou paternelle, cette loi étrangère doit être écartée au profit de la loi française.

Il appartient donc à la présente juridiction, d’apprécier si le délai de prescription prévu en droit centrafricain et ayant vocation à protéger la sécurité juridique et les droits des tiers ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du mineur de voir ses intérêts protégés dans la procédure afin de dissiper son incertitude quant à son identité personnelle.

En l’espèce, l’enfant A Y, aujourd’hui âgé de 9 ans, est né en France et y réside habituellement avec sa mère depuis sa naissance. Il n’a aucune autre filiation paternelle établie qui mettrait obstacle à cette action en recherche de paternité, engagée par sa mère.

Dès lors que la loi centrafricaine prévoit un délai de prescription de deux ans qui court alternativement de la naissance de l’enfant, de la cessation par le père de toute participation en cette qualité à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, ou de la cessation du commerce habituel avec la mère, force est de constater que ce court délai porte une atteinte disproportionnée aux intérêts de l’enfant mineur. Les dispositions selon lesquelles si l’action n’a pas été exercée pendant la minorité de l’enfant, celui-ci peut agir dans l’année de sa majorité n’est pas de nature à corriger cette disproportion dès lors qu’il est dans l’intérêt de l’enfant et de la stabilité de la famille que les doutes relatifs au lien de paternité soit dissipés dans les meilleurs délais particulièrement durant la minorité de l’enfant.

En conséquence la loi centrafricaine apparaît contraire à l’ordre public français et il doit y être substituée la loi française.

En outre, madame Y produit des mini messages de monsieur Z qui prend des nouvelles de l’enfant A, observe "apparemment il me ressemble" et reproche à l’appelante de 'raconter que je passe mon temps à dire que c’est pas mon fils et tralala'. Elle produit également des échanges entre le frère de monsieur Z et elle dans lesquels le premier s’interroge sur le fait que l’enfant ne porte pas 'le nom de son père' qui serait identique au sien.

Ces éléments justifient, dans l’intérêt supérieur de cet enfant mineur, de faire droit à la demande de Madame B Y d’organisation d’une mesure d’expertise biologique avant-dire droit permettant d’affirmer ou d’exclure la paternité de monsieur Z

Référence: 

- Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre a, 21 septembre 2020, RG n° 19/02327