Inscription à notre newsletter

Recevez toutes les informations importantes directement dans votre boite mail. Cliquez ici

Partager cette actualité
Le 19 janvier 2006

Question. J'ai loué un logement d'habitation pour une période de 3 ans renouvelable. Décidé de vendre le logement et celui qui y touche, j'ai donné congé dans les formes et délai au locataire en place. Celui-ci n'a pas n'a pas usé de son droit de préférence pour l'achat des biens dont la mise en vente était projetée et a quitté les lieux au terme de son congé. Passé un an, nous n'avons pas trouvé preneur. Nous avons donc décidé de relouer le logement pour lequel congé avait été donné au précédent locataire (ne serait-ce que pour faire face aux frais, taxes et emprunts en cours...). L'ex-locataire qui a appris que nous avions reloué le logement qu'il occupait un an auparavant, m'a assigné en dommage et intérêts, car il considère que je ne pouvais pas relouer ce bien aprés lui avoir donné congé pour vente. Auriez-vous connaissance d'une jurisprudence qui pourrait m'aider à répondre et faire face à sa demande et qui traiterait du probléme particulier ou le vendeur d'un bien précédemment loué, n'a pas trouvé acquéreur pour la vente dans un délai normal. Réponse. De nombreuses décisions ont été rendues sur ce sujet. En général, elles ne sont pas favorables au propriétaire, dès lors qu'il a commis une faute ou qu'il est de mauvaise foi. La Cour d'appel de Versailles, chambre 1, sect. 2, 4 octobre 2002, a dit que la délivrance d'un congé pour vendre à un prix correspondant à celui du marché ne peut être constitutif d'une fraude aux droits du locataire, alors que de plus le fait de donner mandat de vente à un agent immobilier formalise l'intention de vendre du propriétaire. Mais la seule circonstance que, dès après le départ du locataire en place, l'immeuble a fait l'objet d'une nouvelle location sans qu'aucune explication ni justificatif ne soit donnés des motifs de renonciation à la vente, démontre suffisamment que le bailleur n'a jamais eu l'intention sincère de vendre, les démarches diligentées par lui (mandat donné à l'agent immobilier, publicité de la vente) n'ayant eu d'autre but que de créer une apparence pour contraindre frauduleusement le locataire a quitté les lieux. La cour a donc jugé que cette attitude fautive engage la responsabilité du bailleur envers le locataire et l'oblige à réparer le préjudice direct et certain-frais de déménagement et relogement dans des conditions plus onéreuses-résultant de son éviction frauduleuse. La Cour d'appel de Montpellier, chambre 1, sect. D, 11 janvier 2000, a jugé que les dispositions de l'article 15, paragraphe 2, de la loi du 6 juillet 1989 imposent au bailleur de cesser la location de l'immeuble pour lequel il a délivré un congé pour vente. Le bailleur qui a reloué l'immeuble à bref délai, alléguant de l'impossibilité de vendre en raison de l'état de dégradation important de l'immeuble, engage sa responsabilité à l'égard des locataires évincés de manière frauduleuse, l'impossibilité de vendre résultant, en réalité, d'un prix de mise sur le marché excessif. Vous remarquerez que dans ces deux espèces, les juges ont retenu le bref délai entre le terme du bail et la relocation. Mais c'est cette décision qui permet de mieux cerner le problème et de voir les limites de la responsabilité du propriétaire, dans une espèce concernant le droit de reprise: La Cour d'appel de Versailles, chambre 1, sect. B, 4 juillet 1997, dit que, après avoir délivré congé pour reprendre le logement loué, le propriétaire qui décide de vendre l'immeuble doit "démontrer, d'abord, qu'il avait bien eu la volonté sincère d'habiter les lieux et, ensuite, qu'il en aurait été empêché en raison de circonstances impérieuses, indépendantes de sa volonté". Faute, en l'espèce, de rapporter ces preuves, force est de reconnaître que le bailleur a agi par des manoeuvres frauduleuses destinées à obtenir l'éviction et le départ des locataires et que sa responsabilité doit être retenue en application des articles 1134, 1147 et 1148 du Code civil. En effet, non seulement le bailleur ne justifie pas de sa volonté sincère d'occuper personnellement les lieux repris, ne donnant aucune explication sur la décision de quitter avec femme et enfants l'ancien domicile pour reprendre celui des locataires, mais encore il prétend qu'il a été obligé de vendre l'immeuble en raison de difficultés financières imprévues, motif totalement erroné puisque les charges que représentait l'immeuble dont il venait d'hériter étaient toutes prévisibles avant la délivrance du congé, qu'il s'agisse des travaux de réfection de l'immeuble ou des droits de succession grevant ce dernier. Le fait même que le bailleur, sitôt la décision de reprise abandonnée, a offert aux anciens locataires d'acheter l'immeuble démontre encore sa mauvaise foi, puisqu'il leur a proposé d'acheter l'immeuble en son entier et non l'ancien appartement qu'ils occupaient, offre déraisonnable et dissuasive que les locataires ne pouvaient que refuser. Les locataires, obligés de déménager suite au congé délivré frauduleusement par le bailleur, sont bien fondés à demander réparation de leur préjudice moral, matérialisé par la nécessité de quitter leur cadre de vie, celle de faire face à tous les soucis inhérents à un déménagement et par la perte de la commodité que représentait l'ancien domicile, proche du lieu de travail de la femme, pour la garde des trois jeunes enfants du couple locataire. En revanche, ils doivent être déboutés de leur demande de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice professionnel et patrimonial, faute d'établir un lien de causalité avec le déménagement imposé par le congé abusif. En effet, la cessation par l'épouse de son activité libérale de médecin est dictée par des motifs de pure convenance personnelle, il en va de même de l'acquisition du nouveau logement au moyen d'un emprunt remboursable sur 15 ans.