Inscription à notre newsletter

Recevez toutes les informations importantes directement dans votre boite mail. Cliquez ici

Partager cette actualité
Le 18 février 2021

 

La Cour européenne des droits de l'homme rejette la requête du débiteur pour non-épuisement des voies de recours internes, l'État français ayant pris en compte la précédente critique lui ayant été faite en la matière, ce qui a conduit la Cour de cassation à procéder à un revirement de sa jurisprudence. En outre, l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, en modifiant la rédaction de l'article L. 643-9 du Code de commerce permet au tribunal de prononcer la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire, sans qu'il soit nécessaire d'attendre la réalisation de tous les actifs du débiteur sous certaines conditions.

Le rejet est motivé par l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire (COJ):

« L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.

Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »

Dans un arrêt du 12 juillet 2004 (Cass. Com., 12 juillet 2004, Bull. IV, n° 154), la Cour de cassation a considéré que l'action en responsabilité dirigée par un débiteur en liquidation judiciaire contre l'État, qui tend non à sanctionner une atteinte personnelle à ses droits, mais à obtenir la réparation d'un préjudice résultant d'une faute lourde qu'aurait commis l'État sur le fondement de l'article L. 141-1 (alors L. 781-1) du Code de l'organisation judiciaire, revêt un caractère patrimonial susceptible d'affecter les droits des créanciers. Elle en a conclu que le débiteur ne pouvait exercer cette action.

Toutefois, par un arrêt du 16 décembre 2014, tirant les conséquences de l'arrêt Tetu c. France (n° 60983/09, 22 septembre 2011), la chambre commerciale de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en jugeant que le débiteur à la liquidation peut désormais agir sur le fondement de l'article L. 141-1 du COJ, au titre de ses droits propres, pour se plaindre de la durée de la procédure de liquidation (Cass. Com., 16 décembre 2014, Bull. IV, n° 187).

Au cas d'espèce, la Cour européenne rappelle qu'aux termes de l'article 35 § 1 de la Convention, elle ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes. À cet égard, elle souligne que tout requérant doit avoir donné aux juridictions internes l'occasion que l'article 35 § 1 a pour finalité de ménager en principe aux États contractants : éviter ou redresser les violations alléguées contre lui (Cardot c. France, 19 mars 1991, § 36, série A n° 200, et, plus récemment, Colonna c. France (déc.), n° 4213/13, 15 novembre 2016).

Elle rappelle également qu'il existe un recours fondé sur l'article L. 141-1 du COJ pour engager la responsabilité de l'État en raison de la durée excessive de la procédure. Dans une affaire similaire, elle avait cependant relevé que le droit interne empêchait le débiteur soumis à une liquidation judiciaire d'engager ce type d'action, celle-ci revêtant un caractère patrimonial susceptible d'affecter les droits des créanciers (Tetu c. France, précité, § 69).

Or, la Cour constate que la chambre commerciale de la Cour de cassation, tirant les conséquences de l'arrêt Tetu (précité), a opéré un revirement de jurisprudence. Dans un arrêt du 16 décembre 2014, elle a en effet jugé que le débiteur à la liquidation pouvait désormais agir sur le fondement de l'article L. 141-1 du COJ, au titre de ses droits propres, pour se plaindre de la durée de la procédure de liquidation (paragraphe 21 cidessus).

S'agissant de la date à laquelle en droit interne ce recours est devenu effectif au sens de la Convention, mais aussi de la date de prise de « connaissance de manière effective » de ce recours par le justiciable, la Cour rappelle qu'il peut correspondre à une date ultérieure à l'adoption de l'arrêt, en fonction des circonstances, en particulier de la publicité dont ladite décision a fait l'objet (Broca et Texier-Micault c. France, nos 27928/02 et 31694/02, § 20, 21 octobre 2003). En l'espèce, elle relève que l'arrêt du 16 décembre 2014 a été diffusé le jour même sur le site internet de la Cour de cassation, avant d'être commenté par la doctrine dès le mois de janvier 2015 (paragraphe 21 ci-dessus). La Cour juge dès lors raisonnable de retenir que cet arrêt ne pouvait plus être ignoré du public après le mois de janvier 2015. Tel était notamment le cas du requérant, à la date d'introduction de sa requête, le 28 mars 2015.

Dans ces conditions, la Cour estime que le requérant dispose d'un recours effectif pour faire redresser le grief tiré de l'article 6 § 1 de la Convention et que, faute de l'avoir exercé, l'exception soulevée par le Gouvernement doit être accueillie.

Il s'ensuit que la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 § 1 et 4 de la Convention.

Référence: 

- CEDH, 21 mars 2017, req. n° 16470/15, P. c/ France