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Le 08 août 2020

 

M. G A est décédé le […] à […] laissant pour lui succéder : Mme H Z, son épouse dont il était séparé de biens, et ses enfants issus de son mariage avec Mme Y, sa première épouse les consorts A.

M. vivait "maritalement" avec Mme X.

Les consorts A indiquent ne pas nier que Mme X a bien partagé sa vie avec celle de leur père. Ils font néanmoins valoir qu’elle n’était pas dénuée d’arrière-pensées puisqu’elle a très largement profité de la situation financière de M. G A. Ainsi, contestent-t-ils la qualification de donation rémunératoire retenue par les premiers juges compte tenu du caractère clairement disproportionné entre les sommes reçues et des prétendus bons soins et attentions dispensés. Ils affirment en effet que contrairement à ce qu’a retenu le jugement déféré, les 112'332 EUR reçus par Mme X ne l’ont pas été sur une période de 10 ans, soit 120 mois, mais dans le meilleur des cas, sur une période de trois ans, soit 36 mois. Ce qui représente donc 3,5 fois plus que ce qu’a retenu le tribunal comme une valeur conforme aux services rendus et à l’assistance portée. Ils estiment en conséquence que le tribunal a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où G A consacrait ainsi plus d’argent aux largesses qu’il accordait à Mme X que le montant de la retraite qu’il percevait et alors qu’il est un fait que si la maladie le faisait souffrir, elle n’a jamais diminué ses aptitudes physiques et intellectuelles sauf naturellement les derniers mois précédant son décès. Ils prétendent que les motivations qui ont inspiré ces élans de générosité importent peu dès lors qu’elles ont abouti à un appauvrissement du patrimoine du défunt sans contrepartie raisonnablement équivalente en valeur de la part de Mme X.

Ils répliquent en outre que la jurisprudence produite par l’intimée ne présente rigoureusement aucun intérêt dès lors que dans l’espèce visée, c’est pendant plus de 15 ans que le bénéficiaire a prodigué des soins au donateur. En ce qui concerne M. G A, ils répondent que si un suivi et des soins lui ont été prodigués, c’est en particulier durant les derniers mois de sa maladie qui a conduit à son décès. Ils estiment donc que la thèse défendue par Mme X se trouve en complet décalage avec la réalité médicale et arithmétique du dossier.

Mme X fait valoir que G A a entendu remplir un devoir de conscience envers elle et ses enfants avant que la maladie ne l’emporte. Elle ajoute qu’il a également entendu la rémunérer de toute l’assistance et de toute l’affection au quotidien que cette nouvelle famille lui a apportées durant les 14 dernières années de sa vie. Elle soutient en réplique aux observations adverses qu’elle n’a jamais rien demandé au défunt et que c’est spontanément que ce dernier lui a apporté son aide. Elle observe que devant la cour les consorts A ne contestent plus cette aide. Elle réplique toutefois que la contestation du caractère rémunératoire de ces versements au motif qu’ils n’auraient eu lieu que sur une période de trois années et devraient donc être rapportés au mois sur une période de 36 mois ne se fonde sur aucun texte légal ni aucune jurisprudence. Elle soutient au contraire que rien ne permet d’affirmer, comme le font les consorts A, que la donation rémunératoire doit forcément intervenir durant la même période que le service rendu alors qu’au contraire une telle rémunération intervient très souvent postérieurement aux services rendus, comme un remerciement de ceux-ci. Elle en déduit que pour obtenir une évaluation mensuelle de la rémunération, ces sommes doivent au contraire être rapportées au mois sur la période durant laquelle les soins ont été prodigués. Dès lors, elle invoque les pièces du dossier lesquelles montrent clairement d’après elle que la relation a débuté en 2002-2003 alors que G A était déjà atteint par la maladie, que les liens se sont intensifiés au fil des années et que c’est en 2006 que le de cujus est venu s’installer dans la même commune qu’elle, ce qui lui a permis alors de déléguer un certain nombre de tâches quotidiennes et même une partie de ses soins médicaux dès lors qu’elle est devenue sa référente au niveau de l’hôpital. Elle conclut donc que ramener au moins sur 10 années, la rémunération dont elle a été gratifiée n’apparaît nullement excessif au regard du montant de la retraite de G A qui était de 3' 100 EUR par mois et de la somme perçue de 240'000 EUR sur la vente de son appartement.

Ceci exposé la cour rappelle que l’article 913 du Code civil dispose que les libéralités soit par acte entre vifs, soit par testament ne pourront excéder la moitié des biens du disposant s’il ne laisse à son décès qu’un enfant ; le tiers s’il laisse deux enfants ; le quart s’il en laisse trois ou un plus grands nombre .

En application de l’article 922 du Code civil, la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existants au décès du donateur testateur ; que les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d’après leur état à l’époque de la donation et leur valeur à l’ouverture de la succession après qu’en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant ; que si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l’époque de l’aliénation .

Invoquant l’existence de donations consenties par M. G A au profit de Mme X, il appartient au consort A d’en rapporter la preuve, ce qui suppose d’en réunir d’une part l’élément matériel, soit la tradition de la chose et d’autre part l’élément intentionnel, c’est-à-dire l’intention libérale de M. G A en direction de Mme X ;  l’élément intentionnel ne saurait être déduit du seul élément matériel .

En outre que, comme l’a dit le premier juge, les donations rémunératoires sont exclues de réduction lorsqu’elles sont effectuées en remerciement de services appréciables en argent et qu’elles équivalent à leur valeur .

En l’espèce que c’est aux termes de justes motifs qui sont adoptés par la cour que le tribunal a retenu qu’il était suffisamment établi par les attestations produites émanant tant de l’entourage amical du de cujus lors de son vivant, que de professionnels de santé que Mme X a porté assistance à M. G A durant les 10 années de sa maladie en lui prodiguant des soins et en l’assistant au quotidien .

Si les consorts A font en substance valoir que ce n’est que dans les trois dernières années de sa vie que G A a réellement eu besoin d’une telle assistance, il résulte toutefois de l’attestation de Mme B, que les 11 années de vie commune ont été très perturbées par la grave maladie de M. G A ; il ne saurait donc être contesté que c’est tout au long de la vie commune que Mme X a porté assistance au défunt .

Il est ensuite démontré que Mme X a assisté M. G A sur le plan médical ; le professeur I J, chef du service d’oncologie médicale de l’hôpital européen Georges Pompidou certifie qu’elle était sa personne de confiance et assistait à toutes ses consultations ainsi qu’à ses séances de chimiothérapie .

Ainsi les sommes versées par M. G A et qui ne correspondent pas aux charges de la vie courante s’analysent comme des versements pour services rendus .

Elles ne sont donc susceptibles de réduction que si elles se révèlent disproportionnées aux dits services ; qu’ainsi, cette disproportion ne peut être mesurée qu’à l’aune de toute la période durant laquelle l’assistance a été portée ; qu’or, ainsi que le rappelle Mme B, c’est tout au long des 10 ans de vie commune que la relation a été très perturbée par la grave maladie de G A ; qu’il ne fait donc pas débat que celui-ci a donc eu besoin d’être assisté et entouré durant toute la vie commune, peu important que le flux des dépenses se soit intensifié dans les trois dernières années de sa vie ;’au contraire cette circonstance, alors qu’au cours de ces trois dernières années la maladie poursuivait son oeuvre, est de nature à corroborer l’intention rémunératoire du défunt en direction de sa concubine .

Considérant que sur les 10 années de vie commune, c’est donc un montant total de 105'500 € qui a été versé par M. G A au profit de Mme X en rémunération des services rendus et de l’assistance qu’elle lui a apportée depuis le début de sa maladie en 2002, ce qui représente une moyenne mensuelle de 879 EUR, laquelle est à la mesure du service rendu et ne revêt aucun caractère excessif au regard de la retraite de 3. 100 EUR par mois perçue par M. G A et de la somme de 240'000 EUR perçue à la vente de son appartement .

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes des consorts A.

Référence: 

- Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 16 juillet 2020, RG n° 19/00439