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Le 30 mai 2012

En matière de plus-value, en cas de cession d’un immeuble dont la nue-propriété et l’usufruit appartiennent à des propriétaires différents, le prix global doit être ventilé de façon à faire apparaître distinctement le prix de cession de la nue-propriété et celui de l’usufruit, en fonction de leur valeur réelle au jour de la vente.

À titre de règle pratique, l’Administration fiscale admet que cette ventilation puisse être effectuée en appliquant le barème prévu par l’art. 669 du Code général des impôts (CGI), en tenant compte bien entendu de l’âge de l’usufruitier au jour de la vente.

Il ne s’agit cependant que d’une tolérance fiscale et la règle est celle qui s’applique en droit civil :

Lorsque l’usufruitier et le nu-propriétaire sont d’accord pour céder conjointement leurs droits sur des titres ou des immeubles démembrés, la Cour de cassation retient depuis 1987 (1re Chambre civ., 20 oct. 1987) que le prix de vente doit être réparti entre usufruitier et nu-propriétaire, chacun ayant droit à une portion du prix total correspondant à la valeur comparative de l’usufruit avec la nue-propriété.

Cette solution reprise par le droit fiscal pose le problème de l’évaluation de l’usufruit et de la nue-propriété, évaluation qui peut être faite selon le barème fiscal de l’art. 669 (ancien art. 762) du Code général des impôts (CGI), ou encore, ce qui est de loin préférable, selon l’évaluation économique (Cour d’appel de Bordeaux, 26 juin 1990) et plus particulièrement en matière de cession d’actions (Cour de cassation, 1re Chambre civ., 25 févr. 1997).

A noter que toutefois que la Cour de cassation admet la possibilité d’une subrogation réelle conventionnelle par laquelle les vendeurs décident que le prix de vente sera affecté au seul profit de l’usufruitier, qui pourra en retirer les fruits, à charge pour lui de le conserver pour ne pas affecter les droits du nu-propriétaire. Il s’agit du quasi usufruit.

En ce qui concerne la cession de titres, l’usufruitier et le nu-propriétaire peuvent également convenir que le prix de vente sera réemployé dans l’acquisition d’autres valeurs démembrées.

Une instruction fiscale du 13 juin 2001 distingue selon qu’il y a ou non répartition du prix de vente entre usufruitier et nu-propriétaire. Dans le premier cas, le régime d’imposition des plus-values est le même qu’en cas de cession de son droit par l’usufruitier ou le nu-propriétaire, chacun étant redevable de la plus-value dégagée par son droit. Si au contraire, la cession se fait sans répartition du prix, la plus-value sera imposable soit au nom du nu-propriétaire en cas de remploi, soit à celui de l’usufruitier en cas de quasi usufruit, et le premier terme de la plus-value de cession sera toujours constitué par le prix de cession de la pleine propriété.


{{{Evaluation}}}

L’évaluation de l’usufruit et de la nue-propriété n’est réglementée que par le droit fiscal (CGI, art. 669) et pour les cas qu’il prévoit expressément, par exemple pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit ou à titre onéreux ou pour l’évaluation du prix d’achat pour la détermination de la plus-value quand le bien a été acquis en pleine-propriété puis ensuite démembré.

Le barème résultant de l’art. 669 du CGI ne crée de présomption irréfragable que sur le terrain fiscal et uniquement dans les situations qu’il vise. Ce n’est pas le cas dans celle que vous exposez où les parties prioritairement conviennent entre elles de ventiler le prix.

Il faut bien savoir et répéter qu’au plan civil le barème fiscal ne s’impose jamais aux parties qui peuvent convenir d’un autre système d’évaluation (Cour d’appel de Rouen, 26 sept. 1972).

Si la doctrine s’accorde à dénoncer les limites de l’évaluation fiscale de l’usufruit et ses dangers, la pratique en particulier celle de notaires, malheureusement, ne tient pas compte de ces inconvénients et va jusqu’à imposer aux parties, qu’elles n’informent pas, de la nécessité d’utiliser le barème fiscal.

L’inadaptation de ce barème fiscal, atténuée cependant depuis le 1er janvier 2004 avec le nouveau barème de l’art. 669, devrait conduire à utiliser l’évaluation économique de l’usufruit pour toutes les mutations à titre onéreux, ce qui permet de prendre en compte l’âge exact de l’usufruitier et le revenu net qu’il peut espérer du bien, si celui-ci est conservé jusqu’à son décès. La prise en compte du taux de rendement net du bien permet d’augmenter la valeur de l’usufruit par rapport à celle dégagée en application du barème fiscal. Le recours à la méthode économique d’évaluation sera favorable tantôt à l’usufruitier, tantôt au nu-propriétaire ; cela dépend de l’hypothèse envisagée.

Plusieurs formules mathématiques sont proposées et reposent sur la valeur de rendement du bien avec, en matière de cession d’actions, un aléa considérable : l’action n’est source de revenus qu’à deux conditions, d’une part l’existence de bénéfices et d’autre part leur distribution.

Une des formules ainsi avancées part du fait que l’usufruit étant le droit viager de percevoir les fruits générés par le bien (par hypothèse pour un bien immobilier celui de percevoir les loyers), sa valeur doit être égale à la somme de ces revenus sur toute la durée de l’usufruit et pour leur montant à la date de l’opération.

Soit la formule pour la valeur de l’usufruit :

U = R x n

où U = usufruit, R = revenus annuels du bien à leur montant au jour de l’opération, n = durée de l’usufruit selon les tables de mortalité.

Si le bien procure effectivement des loyers, on se base sur leur montant. À défaut, on recherche par la méthode d’identification, quels revenus procure un immeuble de même catégorie donné en location, solution la plus fréquente en pratique. On évite ainsi de considérer que lorsqu’un bien n’est pas frugifère, la nue-propriété est égale à la toute propriété alors que l’usufruit est certainement une charge pour le nu-propriétaire.

Quant à la valeur de la nue-propriété qui est un droit réel de propriété. Le nu-propriétaire bénéficiera de la pleine propriété au jour de l’extinction de l’usufruit, il correspond bien entendu à la valeur de la pleine propriété diminuée de la valeur de l’usufruit, soit la formule :

NP = PP - U

où PP = valeur du bien en pleine propriété au jour de l’opération.

Cette technique présente l’avantage de la simplicité, généralement recherchée par les praticiens et une fiabilité certaine compte tenu de sa conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation qui tend à privilégier les méthodes par comparaison et celle de la jurisprudence administrative qui consacre la règle selon laquelle la pleine propriété correspond à l’addition de l’usufruit et de la nue-propriété. L’Administration fiscale qui elle est guidée par le critère de la valeur vénale recherche généralement le prix de vente des biens de même nature pour établir une comparaison.

A propos de la prise en compte de la situation fiscale propre de chacune des parties, deux solutions :

Si la situation fiscale de l’usufruitier n’est pas prise en compte pour évaluer son droit, elle ne doit pas davantage être retenue pour diminuer la valeur de la nue-propriété corrélative.

Inversement, si la valeur de l’usufruit est calculée en fonction de ce critère, celle du nu-propriétaire doit également influer sur la valeur du droit de nue-propriété.

Dans tous les cas, il s’agit bien entendu d’apprécier de la même manière la situation de l’usufruitier et celle du nu-propriétaire et de traiter les parties sur un pied d’égalité.

La tendance actuelle de la jurisprudence est de retenir les revenus nets procurés par le bien, objet du démembrement, c’est-à-dire après avoir déduit les charges ordinaires qui pèsent sur les titulaires de droits démembrés. Cette solution paraît particulièrement adaptée puisqu’il s’agit de déterminer la valeur des seules richesses qui reviennent aux parties en fin d’opération.

Enfin il ne faut pas oublier que l’évaluation faite par les parties est opposable à l’Administration fiscale sous réserve toutefois du droit de celle-ci de revalorisation par le cas de sous-estimation de la valeur de l’usufruit ou de celle de la nue-propriété.

Il reste une question pour laquelle nous n'avons pas de réponse certaine. Que se passera-t-il en matière fiscale (plus-value) si, aux termes de l’acte de vente, les vendeurs conviennent que le bien du prix bien démembré reviendra en totalité à l’usufruitier à titre de quasi-usufruit, donc à charge de restitution ?