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Le 23 septembre 2020

 

Par acte du 2 décembre 1985, la Société sucrière de Beaufonds, aux droits de laquelle vient la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural de la Réunion (la SAFER), bénéficiaire d’un bail emphytéotique, a consenti à I-J X un bail à colonat partiaire, ultérieurement converti en bail à ferme, sur une parcelle sise commune de Saint-Benoît, lieu-dit Beaufonds, cadastrée […] a et b. I-J X est décédé le […], laissant pour lui succéder, notamment, Mme E G X, son épouse qui a poursuivi l’exploitation. La SAFER a repris possession des terres affermées au mois de juillet 2006.

Saisi par Mme E G X, qui demandait qu’il fût jugé que la SAFER avait violé son droit de poursuite des terres affermées et réclamait principalement 735. 000 EUR à titre indemnitaire, outre 2 .000 EUR pour frais non répétibles d’instance et, à titre subsidiaire, qu’une mesure d’expertise fût ordonnée, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Benoît, par jugement rendu le 3 juillet 2012, a débouté Mme E G X de ses demandes et l’a condamnée à payer 1 .000 EUR sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la SAFER, outre les dépens.

Sur appel interjeté par Mme E G X, cette cour, autrement composée, par arrêt du 21 novembre 2014, a confirmé le jugement déféré, débouté Mme E G X de sa demande d’expertise, et l’a condamnée à payer à la SAFER la somme de 1. 000 EUR sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 6 octobre 2016, au motif qu’il retenait que la reprise des biens loués n’était pas fautive dès lors qu’à la suite du décès de M. I-J X, aucune demande tendant à bénéficier du bail en cours n’avait été adressée par sa veuve au bailleur ou à la SAFER, gestionnaire des terres, et qu’en statuant ainsi, alors qu’aucune disposition n’impose au conjoint survivant de former une demande tendant à la poursuite du bail, la cour d’appel, qui avait ajouté au texte susvisé une condition qu’il ne prévoit pas, l’avait violé. Les parties ont été renvoyées devant la présente cour, que Mme E G X a saisie le 18 août 2017.

Le nouvel arrêt de la cour d'appel a été rendu au visa des articles L.461-6, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, du Code rural et de la pêche maritime, 9 et 954 du Code de procédure civile .

En application du premier texte, le bailleur dispose d’un délai de forclusion de six mois à compter du décès du preneur pour demander la résiliation du bail ; il est constant que la SAFER n’a pas sollicité cette résiliation, en sorte que Mme E G X était titulaire des baux antérieurement consentis à son époux, auxquels la SAFER ne pouvait mettre fin unilatéralement .

S’agissant des règles gouvernant le contrôle des structures, s’il est exact, comme le soutient la SAFER, que Mme E G X était tenue de s’y conformer, il sera relevé, d’abord, que la SAFER n’a élevé aucune contestation sur ce sujet avant d’évincer Mme E G X des terres affermées et, ensuite, que selon décision du préfet de la Réunion datée du 30 avril 2003, Mme E G X a été autorisée à exploiter les parcelles sises commune de Saint-Benoît, cadastré section BD n° 25 et 28 ; il n’est pas soutenu que cette autorisation aurait été déférée à la censure de la juridiction administrative, en sorte qu’elle doit être tenue pour définitive 

Il résulte de ce qui précède qu’en évinçant Mme E G X des terres litigieuses en 2006 pour les rétrocéder à un tiers, sans résiliation préalable des baux, la SAFER a commis une faute dont Mme E G X est bien fondée à réclamer indemnisation .

Sur l’évaluation du préjudice, Mme E G X réclame les somme de 250. 000 EUR au titre de son préjudice moral et 225.891,72 EUR au titre de son préjudice financier .

Sur le premier poste de préjudice, Mme E G X ne peut qu’en être déboutée, faute par elle d’invoquer aucune pièce probante à l’appui de sa demande, alors qu’elle est contestée.

Sur le second poste de préjudice, Mme E G X sollicite notamment indemnisation pour les années 2004 et 2005 alors qu’elle ne peut qu’être déboutée de ce chef puisqu’il est constant qu’elle n’a été évincée des parcelles litigieuses qu’en 2006 .

En ce qui concerne les années 2006 et suivantes, Mme E G X fonde notamment sa demande sur un rendement théorique en cannes à sucre et en litchis ; cependant, ce calcul ne prend pas en considération les conditions réelles dans lesquelles Mme E G X aurait pu exploiter les parcelles litigieuses, étant relevé, notamment, qu’une partie des plants de cannes à sucre avait été détruite par incendies les 5 et 11 août 2003 et qu’en 2005, il a été constaté par la SAFER que les parcelles dont s’agit n’étaient plus exploitées, en sorte que le préjudice dont Mme E G X peut demander réparation s’analyse en une perte de chance .

Il convient, dans ces conditions, d’ordonner avant dire droit une expertise destinée à éclairer la cour sur les bénéfices que Mme E G X aurait pu retirer de l’exploitation des parcelles litigieuses, si elle les avait exploitées.

Référence: 

- Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile ti, 18 septembre 2020, RG n° 17/01635