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Le 24 juillet 2021

 

Un jugement du tribunal d'instance de Montpellier du 3 avril 2018 :

- déboute Julien M. de l'ensemble de ses demandes

- condamne Julien M. à payer à Marie-Anne M. la somme de 7.611 EUR en remboursement d'une créance relative à une plus-value immobilière

- condamne Julien M. à payer à Marie-Anne M. la somme de 1.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Julien M..a relevé appel de cette décision.

La SCI le SCEL dont Marie-Anne M. était la gérante a vendu deux biens immobiliers à la SCI M. dont Julien M. était le gérant, la première par acte notariée du 29 août 2014, la seconde par acte notarié du 25 février 2015.

Les deux ventes étaient initialement programmées avant le 31 août 2014 pour bénéficier d'un abattement exceptionnel de plus- value.

Julien M. a sollicité un report de la seconde vente, le notaire a calculé la perte liée à l'abattement non réalisable et Julien M. a rédigé en compensation un chèque de 7.611 EUR tiré sur son compte ouvert dans les livres de la Société Marseillaise de Crédit au bénéfice de Marie-Anne M.

Le chèque a été mis à l'encaissement, Julien M. a formé opposition le 06 février 2015 et la Société Marseillaise de crédit l'a rejeté le 21/04/2015 au motif de l'opposition pour perte. Julien M. a clôturé son compte de telle sorte que malgré ses tentatives, Marie-Anne M. n'a pu faire exécuter la décision du président du tribunal de grande instance de Nîmes du 3 février 2016 qui ordonnait la mainlevée de l'opposition pour avoir été formée dans des conditions irrégulières.

Le 29 juin 2017, Marie-Anne M. faisait assigner Julien M. devant le tribunal d'instance de Montpellier qui prononçait la décision dont appel.

Sur la prescription

Julien M. invoque une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 3 mai 2016 n° 1423950 pour soutenir l'acquisition de la prescription de l'action puisque Marie-Anne M. ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du défaut de provision.

Marie-Anne M. soutient que par courriel du  3 février 2015, Julien M. lui a demandé d'attendre pour remettre le chèque à l'encaissement pour qu'il puisse approvisionner le compte, caractérisant ainsi le défaut de provision et l'allongement de la prescription par application des dispositions de l'article L131-59 alinéa 3 du Code monétaire et financier.

Réponse de la cour

Selon l'article L131-59 du Code monétaire et financier,

Les actions en recours du porteur contre les endosseurs, le tireur et les autres obligés se prescrivent par six mois à partir de l'expiration du délai de présentation.

Les actions en recours des divers obligés au paiement d'un chèque les uns contre les autres se prescrivent par six mois à partir du jour où l'obligé a remboursé le chèque ou du jour où il a été lui-même actionné. L'action du porteur du chèque contre le tiré se prescrit par un an à partir de l'expiration du délai de présentation.

Toutefois, en cas de déchéance ou de prescription, il subsiste une action contre le tireur qui n'a pas fait provision ou les autres obligés qui se seraient enrichis injustement.

Faisant une juste application de ces dispositions, le premier juge a retenu que :le chèque ayant été émis le 18 août 2014 et le délai de présentation expirant le 26 août 2014, le délai de prescription expirait le 26 août 2015.

Toutefois, par application du dernier alinéa de l'article L131-59 du Code monétaire et financier, il subsistait une action au profit de Marie-Anne M. dès lors que dans un courriel du 3 février 2015, Julien M. lui demandait d'attendre pour remettre le chèque à l'encaissement qu'il ait approvisionné le compte de telle sorte qu'il était établi qu'il ne s'était pas assuré de la provision au moins jusqu'au 26 août 2015.

Il convient d'ajouter que par son arrêt du 3 mai 2016, la chambre commerciale n'a pas précisé si le recours, qui subsiste «en cas de déchéance ou de prescription», est lui-même soumis à un délai de prescription et, le cas échéant, lequel. En l'absence de telle précision, le délai de droit commun de l'article 2224 du Code civil doit trouver à s'appliquer de telle sorte qu'en assignant le 29 juin 2017 devant la juridiction du fond, l'action de Marie-Anne M. est d'autant moins prescrite qu'une instance en référé avait été engagée sur assignation du 11 août 2015, donnant lieu à l'ordonnance présidentielle du 3 février 2016 signifiée le 26 avril 2016.

Sur le défaut de qualité à agir

Julien M. soutient cette fin de non recevoir au motif de la confusion entre personne morale et personne physique puisque la vente était réalisée par la SCI LE SCEL à la SCI M.

Marie-Anne M. réplique que le tireur du chèque est Julien M., qu'il est émis à son ordre de telle sorte qu'elle a qualité à agir.

Réponse de la cour

Marie-Anne M. a d'autant plus qualité à agir que non seulement le chèque est tiré sur le compte personnel de Julien M. et émis à l'ordre de Marie-Anne M. et non de la SCI LE SCEL que la plus value réalisée dans le cadre de l'opération de vente par la SCI est imposable au titre de son impôt sur le revenu. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la fin de non recevoir.

Sur la cause

Julien M. soutient que le premier juge n'était pas en mesure de vérifier la cause de la remise du chèque dès lors que ni le notaire ni Marie-Anne M. ne justifient de l'obligation de paiement de la plus-value à l'administration fiscale.

Marie-Anne M. réplique que le délai pour passer la vente n'a été consenti que pour compenser la taxation supplémentaire que la demande de report de la vente présentée par Julien M. entraînait. Elle produit la déclaration de plus-value qui fait état d'ailleurs d'un différentiel supérieur à l'engagement de Julien M.

Réponse de la cour

La cause de la convention est particulièrement déterminée par les débats, les parties étant en ce seul point d'accord pour indiquer que la remise du chèque était destinée à compenser la perte de l'abattement de plus-value suite à la demande de report de la vente formulée par Julien M.

Les conventions légalement formées devant être sur le fondement de l'article 1134 ancien du Code civil exécutées de bonne foi et le consentement de Julien M. n'étant pas affecté d'un quelconque vice, son engagement à payer la somme de 7.611 EUR manifesté par l'établissement et la remise du chèque n'est pas tributaire de la preuve que l'administration fiscale a effectivement imposé la plus-value en question.

Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

Référence: 

- Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 21 juillet 2021, RG n° 18/02381