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Le 25 juin 2020

 

Il appartient à celui qui se prévaut de l'enclave de son fonds, faute de desserte suffisante, de justifier du bien-fondé de ses prétentions, étant précisé que si celles-ci sont établies, il devra payer au propriétaire du fonds servant une indemnité réelle et sérieuse en contrepartie de l'atteinte grave au droit de propriété du fonds grevé, ce que les appelants ne proposent pas devant la juridiction. En outre, en application de l'article 684 du code civil, si l'enclave alléguée résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.

En l'occurrence, il n'est pas contesté que la parcelle AI n° 217 prétendument enclavée est issue de la division d'une parcelle plus vaste dont il n'est même pas établi que les consorts X ne seraient plus intégralement propriétaires puisqu'ils n'ont pas cru devoir justifier de leurs titres de propriété, même en ce qu'ils portent sur la parcelle au profit de laquelle ils demandent le bénéfice de la servitude légale, interdisant ainsi à la cour de vérifier l'exactitude de leurs affirmations notamment quant à l'assiette des servitudes dont ils bénéficient déjà. Or il sera relevé que de l'extrait du plan cadastral qu'ils produisent en pièce 17, il ressort qu'ils sont propriétaires des parcelles 337, 221, 217 et 218, outre en indivision des parcelles 219 et 220, lesquelles forment un seul tenant bénéficiant d'un accès direct à la voie publique. De même de la lettre écrite par leur conseil le 9 février 2017, il ressort qu'ils sollicitaient initialement une servitude de passage au profit des fonds cadastrés section AI 217, 218, 221, 337 et 338, ce dont il se déduit également qu'ils en sont toujours propriétaires. Enfin, il ressort des pièces produites que la parcelle 218 est déjà bâtie et possède un garage donnant sur la voie d'accès dont ils disposent déjà. Ses besoins de desserte étant a priori identiques à ceux de la parcelle 217, le fait qu'ils soient satisfaits contredit l'existence de l'état d'enclave allégué pour la parcelle voisine.

Le document d'arpentage non contradictoire qu'ils ont fait établir le 4 mars 2016 mentionne que la parcelle n° 219 (ou 220) dans sa portion longeant à l'Ouest la parcelle n° 212 appartenant à M. Hh a, à son débouché sur la voie publique, une largeur limitée à 2,35 mètres. Cependant, cette largeur pourrait être augmentée par une emprise sur la partie non bâtie de la parcelle 337 appartenant aux demandeurs. En outre, la largeur de la parcelle n° 219 s'accroît ensuite régulièrement pour représenter au niveau du garage accolé à l'immeuble construit sur la parcelle 337 une largeur similaire de celle qu'elle possède sur sa partie se poursuivant à angle droit, soit selon le dit document 2,74 mètres. Il est dès lors incohérent de soutenir que la voie litigieuse serait largement insuffisante (puisqu'une emprise de deux mètres de large est sollicitée) dans sa partie longeant le fonds Hh mais que cette même largeur deviendrait adaptée sur cette seconde portion non contiguë au fonds voisin. Il sera encore relevé que la parcelle 219 longe après le garage implanté sur la parcelle 337, une portion non bâtie du dit fonds appartenant selon leurs propres explications aux appelants et pourrait dès lors au besoin être élargie au-delà des 20 m² (ou 2 m² selon le document d'arpentage) pris sur cette parcelle pour constituer la nouvelle parcelle 220 p (ou 338 ') permettant une giration plus aisée entre les deux tronçons de la parcelle 219.

Au demeurant, de la lettre écrite le 9 avril 2016 par l'acquéreur potentiel de la parcelle AI 217, il ressort que la difficulté essentielle de desserte du fonds en vente ne provenait pas de la largeur insuffisante de la parcelle 219 mais de l'impossibilité de respecter l'assiette de ce chemin dans son virage alors dessiné à angle droit, notamment pour le passage des engins de chantier, ce qui a depuis lors été rectifié. S'il était également fait état de l'impossibilité, non démontrée, de faire passer un camion toupie sur une emprise d'une largeur inférieure à 2,55 mètres, rien n'établit que le passage d'un engin de cette envergure soit impératif pour édifier un pavillon, les parties devant s'adapter à la disposition des lieux même si ceci entraîne un surcoût de la construction. Au demeurant, rien n'indique que la difficulté ne puisse être réglée par une convention d'usage temporaire de partie de la parcelle voisine, moyennant une juste indemnité en contrepartie du trouble causé ainsi que l'engagement de remettre ensuite le fonds en son état antérieur.

Devant la cour, les appelants produisent un certificat d'urbanisme en date du 1er mars 2018 qui confirme que la parcelle AI n° 217 d'une contenance selon le document de 471 m² est constructible en l'état, la desserte en étant jugée suffisante, dès lors que le règlement du plan local d'urbanisme précise que 'les voies doivent comporter une chaussée de 3,50 m de largeur au minimum maisque cette largeur peut être réduite si les conditions techniques, urbanistiques ou de sécurité le permettent' et qu'en l'espèce, le plan de géomètre produit à l'appui de la demande de certificat d'urbanisme identifie un rayon de braquage suffisant sur la parcelle AI 219 et AI 220 p (cette dernière issue de la division de la parcelle n° 337) pour permettre l'accès à la parcelle AI 217. Il résulte de ce certificat que la constructibilité de la dite parcelle issue de la division du fonds X n'est pas subordonnée à l'octroi d'une servitude de passage pour cause d'enclave sur le fonds voisin n° 212. Cette pièce officielle dément les affirmations contenues dans le mail de M. Z et sa lettre du 17 mars 2016, cette personne ne disposant en toute hypothèse pas de compétences en matière d'urbanisme et confondant l'utilité de disposer d'un droit temporaire pour effectuer une construction avec l'état d'enclave justifiant la reconnaissance d'un droit réel perpétuel.

La contestation de l'usage affecté à la parcelle 212 est inopérante, chaque propriétaire ayant le droit d'utiliser sa parcelle à sa discrétion sans devoir en rendre compte aux propriétaires des fonds voisins dès lors que ceci n'est pas la cause d'un trouble anormal de voisinage.

La demande de servitude de passage pour cause d'enclave, alors qu'il est admis dans les conclusions des appelants, pour justifier l'absence d'une indemnisation supérieure à un euro, que seul un passage occasionnel serait nécessaire (en fait seulement utile pour réduire le coût de la construction), est en conséquence rejetée et les frais et dépens de la procédure mis à leur charge.

Référence: 

- Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 23 juin 2020, RG n° 18/05975