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Le 06 mars 2020

 

Les appelantes, Mmes E, font valoir qu’il existe deux expertises contradictoires celle de M. K, réalisée dans le cadre d’une ancienne procédure et concluant à la propriété de la falaise par les auteurs des demandeurs et celle de M. I, affirmant que cellec-ci est la propriété des E.

Les appelantes concluent que la surface de la propriété des époux Y mentionnée aux actes de vente est de 6 a et 70 ca et que sa surface retenue par M. J est de 473 m² soit 200 m² manquant correspondant à la falaise litigieuse. Par ailleurs, elles soulignent qu’il n’est nullement mentionné dans les différents actes que la servitude de passage s’exerce au pied de la falaise et soutiennent au contraire que leur rédaction laisse entendre que l’escalier taillé dans le haut de la falaise appartient au propriétaire de la parcelle AW numéro 81 et qu’il ne bénéficie que d’une allée sur le haut de la falaise. Enfin, les appelantes font valoir que les époux Y sont devenus propriétaires de la falaise sous l’effet de la prescription acquisitive de leur auteur, M. L, conformément à l’article 2272 du code puisque M. K a affirmé que les auteurs des époux Y s’étaient livrés à une exploitation de la roche de la falaise, seule la destination de la roche étant incertaine. Elles relèvent que M. I évoque une exploitation de AI de schiste ancienne de 1817 à 1869. Elles concluent donc que les auteurs des époux Y ont agi depuis 1817 à titre de propriétaire de la falaise de façon continue, ininterrompue, paisible et non équivoque. Pour conforter cette position, les appelantes font référence à un avis émis par M. M, géomètre, et qui a considéré que les bâtiments au pied de la falaise ont été construits en dur et appuyés contre le front rocheux dans un principe manifeste d’acquisition d’appuis, donc de terrain. Elles sollicitent donc l’infirmation du jugement entrepris et le rejet des demandes des époux Y.

Ces derniers rétorquent que Mme E veuve X n’a fait aucune observation ou opposition suite aux conclusions de M. I et de son sapiteur M. J et qu’elle conteste donc que très tardivement leur teneur. Ils constatent que l’expert judiciaire s’est livré à une analyse extrêmement précise des actes de propriété et conclut clairement que la falaise est la propriété E et après avoir pris connaissance du rapport de M. K, rédigé au demeurant en des termes moins catégoriques.

A titre liminaire, il convient de rappeler la chronologie des ventes intervenues.

Les époux Y ont acheté le 11 juillet 2003 la propriété […] aux consorts G, l’acte visant alors une surface de 6 a 30 ca et ces derniers l’avaient acquise de M. et Mme N par acte du 28 juin 1978 mentionnant une surface plus importante de 6 a 7 ca. Le 11 juillet 1973, la propriété avait été vendue par M.et Mme O, qui l’avaient achetée à Mme P le 7 février 1963, l’acte faisant état d’une surface de 6 a 7 ca.

Cet acte indique que la propriété vendue joint vers le Nord en surélévation Mme E.

Le 21 août 1941, Mme P a acquis le bien de M. et Mme Q, qui l’avaient acheté le 21 mai 1919 à M. AN. Ce dernier acte mentionne expressément dans la désignation le tout se tenant joignant devant un chemin, d’un côté M. R et par derrière Mme E. En outre il y est rappelé et comme dans l’acte de vente antérieur que l’exploitation de l’immeuble vendu mais seulement dans les grandes eaux l’acquéreur aura droit à un passage sur la propriété de M. E. Ce acte antérieur établi le 11 décembre 1869 indique notamment que l’ensemble joint vers couchant M. E sur une longueur de vingt six mètres vingt centimètres et est limité vers midi par la maison L vendeur et par un rocher appartenant au même et partant de l’escalier de ladite maison pour se rendre en ligne droite au rocher appartenant au sieur E à la distance sus indiquée de vingt six mètres vingt centimètres de M. S et il comprend donc la servitude de passage sur le rocher.

Dans un rapport établi le 5 novembre 1980 dans le cadre d’une autre procédure, M. K a conclu nous pensons que la falaise appartient à M. et Mme T (auteurs des époux Y) car elle est, à notre avis, l’oeuvre d’un des anciens propriétaires de leur terrain, le cadastre a d’ailleurs bien pris comme limite de la propriété le haut de la falaise.

Dans son rapport, M. I a repris expressément l’analyse de M. K puis a fait faire des recherches par un sapiteur géomètre. Il retient de ces recherches que la parcelle des époux Y a pour limite Ouest et Nord le front de taille et le fond de parcelle AW 81 de la falaise et qu’il apparaît clairement que la falaise appartient aux consorts E.

Effectivement, M. J, sapiteur de M. I, et dont l’analyse au cours des opérations d’expertise n’a fait l’objet d’aucun dire, expose avoir considéré que la détermination entre les différentes parcelles telle que résultant du plan cadastral n’était pas satisfaisante compte tenu des cotes s’évinçant des actes de propriété.

Il convient de rappeler que le plan cadastral est un document administratif utilisé pour recenser et identifier les immeubles en vue de l’établissement des bases des impôts locaux, sa finalité étant essentiellement fiscale, il n’a donc pas vocation à établir un droit de propriété. Au surplus, il apparaît que la rénovation du plan cadastral aurait été erronée. Dès lors, l’argument de Mme E veuve X relatif à la surface cadastrale est sans portée juridique face aux éléments tirés des titres de propriété.

L’étude méticuleuse de ces titres successifs de propriété menée par l’expert et son sapiteur fait apparaître que lors de l’acquisition le 11 décembre 1869 de la propriété devenue aujourd’hui celle des époux Y, étaient visées à l’acte des cotes qui appliquées par le sapiteur donnent une limite avec la parcelle appartenant aujourd’hui à Mme E veuve X au pied de la falaise.

A raison, le tribunal a retenu que cet acte notarié constitue un titre de propriété opposable à tout intéressé et rappelé que les parcelles des Y et E provenaient de la division d’une seule parcelle cadastrée anciennement A numéro 937 pour une contenance de 92 a 74 ca.

Mme E veuve X est mal fondée à soutenir qu’un acte plus ancien du 14 novembre 1817, relatif à la vente par M. U à M. L, démontre que depuis lors la parcelle était destinée à l’exploitation du schiste extrait de la falaise et à opposer aux époux Y un usucapion. En effet, dans cet acte, la désignation du bien est mentionnée comme suit environ onze ares, une bosselée et demi de terre en rocher joignant des deux côtés le vendeur jusqu’à l’extrémité vers couchant et levant en droite ligne de deux morceaux de rochers qui existent vers Nord. Y figure par ailleurs le droit de passage consenti par les vendeurs aux acquéreurs vers le haut de leur pièce joignant le bien vendu pour son exploitation dans le temps de grandes eaux.

Il ne s’évince aucunement de cet acte l’exploitation invoquée. Si l’appelante conclut que M. K a constaté une telle exploitation, il doit être observé que cela ne ressort aucunement de son rapport, qui procède par affirmation non étayée ; il emploie ainsi l’expression nous pouvons en déduire que M. L propriétaire ou ses ayants droit ont exploité le terrain pour en extraire du schiste vraisemblablement pour l’exercice de sa profession puisqu’il était maçon. Les commentaires de M. V sur une exploitation de carrière remontant aux années 1800-1880 ne sont pas davantage probantes en l’absence de tout élément objectif.

Par ailleurs, les constatations réalisées le 24 juillet 2018 par M. M, géologue requis par les appelantes, et relatives notamment à des contreforts contre rochers et à un appui sur le front rocheux ne sont pas de nature à établir une volonté d’agir en tant que propriétaire mais correspondent davantage à des mesures conservatoires et un souci de protection.

Au surplus les modalités du droit de passage sur la propriété E en cas de crues se faisant par un escalier taillé dans le schiste puis une échelle métallique mobile pour atteindre le haut de la falaise en longeant ensuite la vigne de M. E démontrent bien que la falaise n’est pas la propriété des époux Y.

En conséquence , la décision entreprise doit donc être confirmée du chef de la propriété de la falaise.

Sur la responsabilité du gardien de la falaise

Une présomption de responsabilité pèse sur le gardien d’une chose qui a causé un dommage à autrui en application de l’article 1384 alinéa 1 du code civil en sa rédaction applicable à l’espèce.

Pour s’exonérer de sa responsabilité, le gardien doit rapporter la preuve d’une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable ou la faute de la victime.

Les appelantes concluent au rejet des prétentions des époux Y tendant à voir engager la responsabilité du fait des choses en soutenant d’une part que les éboulements sont liés directement à l’ancienne exploitation du schiste par les auteurs initiaux de ces derniers au cours du XIXème siècle d’autre part que la maison a été construite à proximité de la falaise et que les époux Y l’ont donc achetée en toute connaissance de cause et à leurs risques et périls et alors que des éboulements s’étaient déjà produits dans les années 1980. Enfin, elles soutiennent que les époux Y auraient réalisé un agrandissement à quelques centimètres du pied de la falaise.

Elles rappellent que les risques ne sont pas récents puisque le 10 février 2015 le maire de la commune a pris un arrêté pour faire interdire l’accès à l’arrière de la maison et afin qu’il soit procédé à la consultation d’un expert ; dès lors, les appelantes tiennent pour fautive l’édification de l’agrandissement de la maison à proximité de la falaise.

Mme W E veuve X sollicite donc la condamnation des époux Y à lui verser la somme de 25 790,60 euros correspondant aux travaux de sécurisation effectués sur la falaise.

Les époux Y soulignent que la maison a été édifiée bien avant leur acquisition de la propriété et que la théorie de l’acceptation des risques ne trouve plus à s’appliquer.

A titre subsidiaire, ils sollicitent la condamnation de Mme E à payer les travaux nécessaires et préconisés par l’expert et à les indemniser de leur préjudice au titre des troubles anormaux de voisinage.

Mmes C et D et M. B concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a retenu la seule responsabilité de Mme W X, eux-mêmes n’étant plus indivisaires de la parcelle 78 suite à l’acte intervenu le 25 août 2017 et aux termes duquel cette dernière est la seule propriétaire du bien en cause.

Il convient tout d’abord et pour les motifs retenus ci-avant afin d’écarter l’usucapion, de constater qu’aucune ancienne exploitation de schiste n’est clairement caractérisée sur la parcelle AW 81.

Les appelantes sont tout aussi mal fondées à invoquer à l’encontre des époux Y, victimes des éboulis issus de la falaise, une acceptation des risques pour posséder une propriété située en contrebas de celle-ci alors qu’il n’est pas contesté que la maison est construite depuis des décennies. De plus, s’il est fait état d’une extension, il n’est pas démontré que celle-ci soit construite en contravention à la réglementation en vigueur pas plus qu’il ne s’évince des pièces communiquées qu’elle soit adossée à la falaise.

Dès lors, et compte tenu de l’acte intervenu le 25 août 2017, de manière fondée, le tribunal a déclaré Mme W E veuve X responsable des conséquences dommageables pour les époux Y des éboulis de la falaise et rejeté les demandes formées envers Mmes AE C et AG D et M. AI B .

Référence: 

- Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 3 mars 2020, RG n° 17/02404