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Le 07 octobre 2020

 

Il a été démontré, dans cette affaire, que la loi malgache avait vocation à s'appliquer à la succession mobilière de M. Bernard F. pour la définition des droits successoraux de sa fille adultérine Alice F., née le 18 novembre 2009 à [...].

Les parties s'accordent sur le fait que la loi malgache ne reconnaît aucun droit successoral à Alice F. sur la succession de son père, en raison de sa filiation adultérine.

La loi étrangère peut, cependant, être privée d'efficacité en France, et écartée au profit de l'application de la loi française, lorsqu'elle heurte la conception française de l'ordre public international français.

Il s'agit de déterminer si la privation de tous droits successoraux d'Alice F. dans la succession mobilière de son père, en raison du caractère adultérin de sa filiation, est compatible avec les principes juridiques français en ce domaine, qui posent, en particulier, le principe de l'égalité des filiations. Ce n'est pas la qualité d'héritière réservataire d'Alice F. qui est en litige, mais l'existence même de sa vocation successorale, en raison de la nature de sa filiation.

L'article 310 du Code civil rappelle le principe d'égalité des filiations, puisqu'il dispose en des termes très clairs que ' tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d'eux'. L'article 733 rappelle le principe en indiquant que ' la loi ne distingue pas selon les modes d'établissement de la filiation pour déterminer les parents appelés à succéder'. L'égalité des droits des différents types de filiations correspond ainsi à une conception fondamentale actuelle du droitfrançais de la famille, qui peut justifier l'éviction de la loi étrangère contraire.

Madame Catherine L. veuve F. soutient néanmoins que l'ordre public français ne saurait être directement heurté par la loi malgache, parce que celle-ci est en adéquation avec la situation réelle de l'enfant et la culture du pays où elle grandit. En d'autres termes, elle estime qu'il n'existe pas de proximité entre l'enfant et la France justifiant la protection des valeurs du for.

En l'espèce, il est constant que le défunt a reconnu sa fille et qu'il a fait transcrire son acte de naissance au consulat général de France à TANANARIVE. La mineure Alice F. est de plein droit de nationalité française, par la filiation paternelle, et il est établi qu'une carte nationale d'identité a été délivrée à son nom, le 7 mai 2012, par la sous-préfecture d'ARGENTEUIL, ce document faisant référence à une adresse de la mineure au [...]. Il a, par ailleurs, été démontré que le domicile habituel du défunt s'est trouvé à MADAGASCAR depuis l'année 2002 jusqu'à l'année de son décès (2011) et qu'il a pu connaître affectivement sa fille jusqu'à ses 18 mois.

Les liens avec la France sont donc établis par la nationalité française de l'enfant, par le nom qu'elle porte, par le début de sa vie qui a été marqué par la présence régulière d'un parent français dans son foyer et même, après le décès, par l'attribution d'une carte nationale d'identité française mentionnant un domicile en France, peu important qu'elle ne soit éventuellement jamais venue en France en qualité de mineure, dès lors que la possibilité de se rendre sur le territoire français ne peut lui être contestée, en sa double qualité de française et d'héritière non contestée des biens immobiliers, faisant partie de la succession de son père français.

Le principe fondamental d'égalité des filiations en droit français et l'existence de liens d'Alice F. avec la France, même si ces liens sont en devenir compte tenu de sa minorité, conduisent à écarter la loi malgache ne reconnaissant pas de droit successoral à l'enfant adultérin, pour appliquer la loi française en ses lieu et place. L'application de la loi française signifie qu'Alice F. doit bénéficier des mêmes droits qu'un héritier français en ligne directe, ce qui intègre le droit à la réserve héréditaire, même si ce droit ne fait pas partie de l'ordre public international français. Ce droit n'est, en effet, que la conséquence directe de l'application de la loi du for, résultant de l'impossibilité de prendre en compte, en France, une discrimination entre les filiations.

La loi française s'applique donc, tant aux biens mobiliers, qu'aux biens immobiliers, situés en France, le jugement étant réformé en ce sens.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 3, chambre 1, 27 février 2019, RG n° 17/17990