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Le 23 juillet 2016

L'art. 1968 du Code civil permet de constituer une rente viagère à titre onéreux, moyennant une somme d'argent, pour un immeuble. Il résulte des art. 722 et 1130 du Code civil que les conventions qui ont pour objet de créer des droits sur tout ou partie d'une succession non encore ouverte ou d'un bien en dépendant, ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi ; on ne peut faire aucune stipulation sur une succession non ouverte, sauf dans les conditions prévues par la loi.

Constituerait de fait un pacte sur succession future un contrat de vente d'immeuble stipulant que le règlement du prix, payable à terme, serait éteint au jour du décès du vendeur. En revanche, un contrat de vente d'immeuble moyennant rente viagère constituée au profit du vendeur jusqu'à son décès, avec réserve d'un droit d'usage et d'habitation sa vie durant, constitue, avec son caractère aléatoire, un contrat de rente viagère parfaitement valable.

Dans cette affaire, par contrat du 21 novembre 2003, la venderesse alors âgée de 75 ans, a vendu à un couple un immeuble, avec réserve au profit de la cédante de l'usage et de l'habitation de cet immeuble jusqu'à son décès. L'acte prévoyait un prix de 152 450 euro aussitôt converti en une rente viagère et annuelle de 7 560 euro sur la tête de la venderesse, payable jusqu'au décès du vendeur, date à laquelle l'acquéreur sera entièrement libéré. Il résulte clairement de l'acte que la stipulation du prix est une clause purement formelle, devant servir pour le calcul de l'imposition et des droits, et que la commune intention des parties et la cause déterminante du contrat a bien été de constituer une rente viagère, contrat aléatoire dépendant de la durée de vie du crédirentier, et non un pacte sur succession future.

L'héritier de la venderesse relève appel.

Il soutient que l'acte de vente prévoyait un prix de 152 450 euro, ce qui est antinomique avec un paiement moyennant une rente viagère. Il n'existerait donc aucun aléa et les modalités de paiement doivent s'analyser en un pacte sur succession future qui est nul. De surcroît, il n'existe aucun 'bouquet' et le prix de vente est sous-évalué. Il estime que la vente de l'immeuble visait uniquement à faire échec à la dévolution successorale, et à priver l'appelant de ses droits dans la succession. Enfin, il remarque que les acquéreurs ne justifient pas avoir réglé la rente après le 27 septembre 2012.

En conséquence, pour lui, la clause contractuelle relative aux modalités de paiement du prix de vente de l'immeuble est nulle, et les acquéreurs doivent être condamnés à payer à la succession la somme de 93 860 euro correspondant au solde du prix.

La cour d'appel répond qu'il importe peu qu'aucun bouquet n'ait été prévu, ceci n'étant pas une condition de validité du contrat. La demande d'annulation du contrat, formée par l'héritier de la venderesse, doit donc être rejetée, de même que sa demande de paiement d'arrérage de rente. En effet, les débirentiers établissent avoir réglé chaque mois la rente, du 27 novembre 2003 au 27 septembre 2012, la crédirentière étant décédée le 11 septembre 2012.

En tentant de remettre en cause, dix ans après sa conclusion, un contrat de vente d'immeuble et de rente viagère dont la validité était difficilement contestable, en interjetant appel contre le jugement qui a clairement rappelé les principes juridiques applicables à la cause, et en soutenant contre toute évidence et malgré les justificatifs produits que les défendeurs n'avaient pas payé les arrérages de la rente, on doit considérer comme abusifs l'action et l'appel formés par l'héritier de la venderesse. Les acheteurs, qui ont vu leur droit de propriété fragilisé pendant la durée de cette procédure, et qui ont subi les tracas inhérents à celle-ci, dix ans après la conclusion du contrat, justifient d'un principe de préjudice qui pourra être compensé par l'octroi d'une indemnité de 1 500 euro, sur le fondement de l'art. 1382 du Code civil et de l'art. 32-1 du Code de procédure civile.

Référence: 

- Cour d'appel de Caen, Chambre civile 1, 14 juin 2016, RG N° 14/03421