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Le 06 février 2020

 

En application de l’art. L. 411'35 alinéa 1er du Code rural et de la pêche maritime, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation des parcelles cédées ou des descendants du preneur.

L’agrément du bailleur peut être tacite, sous réserve d’une manifestation claire et non équivoque de volonté.

L’agrément à la cession du droit au bail constitue un acte d’administration de sorte qu’en application de l’article 815'3 du Code civil, il peut être donné par des bailleurs indivisaires titulaires d’au moins 2/3 des droits indivis, à condition qu’il ressortit de l’exploitation normale des biens indivis, à défaut de quoi le consentement de tous les indivisaires est requis.

Il y a lieu de considérer dans le cas présent que ressortit de l’exploitation normale des biens indivis, qui étaient jusqu’alors exploités par l’une des filles des propriétaires d’origine, la poursuite de leur mise en valeur après son départ à la retraite par le biais de la cession du bail dont elle bénéficiait au profit de son fils, qui est titulaire d’une autorisation d’exploiter ces biens selon décision préfectorale du 6 décembre 2013, étant souligné que cette décision mentionne l’absence de candidature concurrente.

En l’espèce il est constant que Mme Y E veuve B et sa fille, Mme A-H X, étaient titulaires d’au moins 2/3 des droits indivis sur les parcelles cadastrées section […] et […] et 1304, qui dépendaient à l’origine de la communauté ayant existé entre les époux G B et Y E, et que cette dernière était propriétaire en propre de la parcelle cadastrée section […].

Le consentement tacite de Mme A-H X à la cession du bail dont elle bénéficiait sur ces parcelles au profit de son fils M. F X, et ce, en sa qualité de propriétaire indivis, est acquis.

Il convient dès lors de rechercher si sa mère a également donné son agrément tacite à la cession de ce bail à son petit-fils.

Au soutien d’un agrément tacite à la cession du bail, les intimés se prévalent d’une part d’un document intitulé «attestation» portant la date du 1er juin 2014 et enregistré au service des impôts des entreprises de Laval le 9 mars 2016, ainsi que du paiement des fermages.

Le document intégralement dactylographié et daté du 1er E 2014 est libellé comme suit :

«Mme Y D Le 1er juin 2014

La Chabottière

[…]

ATTESTATION

Je soussigné, MME D Y accepte de donner à bail à long terme à Monsieur X F, né à Mayenne le […] à compter du 1er E 2014.

Les biens immobiliers suivant sur la commune:

CHAMPGENETEUX (terres agricoles) section n° de parcelle lieudit surfac  3 […] a 14 c  947

Le Champ D 01 ha 00 a 89 ca C 130 La Grand 00 ha 51 a 95 ca  922

Le Champ D 01 ha 28 a 80 ca

Attestation pour servir et valoir ce que de droit.

Fait à Champgenéteux

le 1er juin 2014

Mme D Y»

Suit une signature au nom de «B Y».

En application des art. 287 et suivants du Code de procédure civile, si l’une des parties déclare ne pas reconnaître l’écriture et/ou la signature attribuées à son auteur, il appartient au juge de vérifier l’acte contesté, à moins qu’il puisse statuer sans en tenir compte. C’est à la partie qui invoque l’acte et le prétend sincère d’en rapporter la preuve. Si la vérification ne permet pas au juge de conclure à la sincérité de l’acte, la partie qui fonde ces prétentions sur cet acte doit être déboutée.

Dans le cas présent, les appelantes contestent que leur mère ait pu signer le document daté en2014. Cette pièce étant nécessaire à la solution du litige, il convient de procéder à la vérification de la signature qui y est apposée.

Les intimés ont versé aux débats comme exemplaires de comparaison : une attestation de propriété paraphée et signée par Mme Y B née E le […], ainsi que la copie de 6 chèques qu’elle a signés portant des dates entre le 2 avril 2013 et le 10 juillet 2014.

La comparaison de ces éléments permet de conclure que le document daté du 1er E 2014 a bien été signé par Y B.

Les fautes d’orthographe sur le nom de Mme Y B et le caractère dactylographié du document ne peuvent suffire à établir que celle-ci ne l’aurait pas signé.

Les appelantes prétendent par ailleurs que cet acte n’a acquis date certaine qu’au jour de son enregistrement, soit le 9 mars 2016, et qu’à cette date, quelques jours avant son décès, leur mère n’était pas en état de signer valablement.

À l’appui de leur dires, elles versent aux débats une copie du dossier médical de leur mère au centre hospitalier du Nord Mayenne sur la période du 26 février 2016 au […], date son décès.

En application de l’art. 1328 ancien du Code civil, «Les actes sous seing privé n’ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés […]».

Il est à noter que cet article a pour effet, non de retarder l’existence et la validité d’un acte juridique jusqu’à son enregistrement, mais seulement de ne rendre sa date opposable aux tiers qu’à compter de l’accomplissement de cette formalité.

Aucune conséquence ne peut donc être tirée quant à la validité de l’acte susvisé daté du 1er E 2014 du fait qu’il ait été enregistré plus de deux ans après cette date.

En revanche, il n’est devenu opposable aux appelantes qu’à compter de son enregistrement le 9 mars 2016.

Les appelantes soutiennent qu’à la date de l’enregistrement de cet acte, leur mère n’était pas en état de donner un consentement valable et en déduisent que cet acte serait nul.

Il n’est cependant produit aucun élément de nature à démontrer l’existence d’un trouble mental entre la date du 1er E 2014 et celle de l’admission de Mme Y B au centre hospitalier de Nord-Mayenne le 26 février 2016.

En admettant que l’acte litigieux aurait été signé alors qu’elle était hospitalisée dans les semaines ayant précédé son décès, les éléments médicaux produits ne permettent pas non plus de conclure à l’existence d’un trouble l’ayant empêchée de donner un consentement valable au moment précis où l’acte aurait été signé.

Ces éléments médicaux font apparaître qu’elle a été admise aux urgences suite à une crise convulsive généralisée sur probable accident vasculaire cérébral ischémique et qu’à partir du lendemain de son admission et jusqu’à la date d’enregistrement de l’acte le 9 mars 2016, elle était très affaiblie, mais consciente et en mesure de répondre aux questions des médecins de manière cohérente de sorte que la preuve d’une altération continue des facultés mentales n’est pas rapportée, pas plus que celle d’une alternance de périodes d’altération et de lucidité.

Les seules circonstances qu’elle était âgée de 88 ans au 1er juin 2014 et de 91 ans au jour de son décès et qu’elle était dépendante sur le plan physique ne peuvent suffire à conclure qu’elle était atteinte d’un trouble mental au moment où elle a signé l’acte litigieux.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité de ce document.

Pour autant il ne résulte pas de cet acte une volonté claire et non équivoque de la part de Mme Y B de consentir à la cession du bail dont bénéficiait Mme A-H X au profit de son petit-fils, M. F X.

Cet acte fait expressément mention d’un accord pour donner les parcelles à bail à long terme à compter du 1er E 2014, et non, pour la cession d’un bail existant.

L’octroi d’un nouveau bail ne peut être assimilé à l’agrément à la cession d’un bail existant.

Cet acte ne peut dès lors pas suffire à établir un agrément tacite de la cession par Mme Y B.

Quant au paiement de fermages invoqué par les intimés, les seuls règlements dont la preuve est rapportée sont intervenus après le décès de Y B. On ne peut donc en déduire qu’elle aurait eu connaissance de la cession du bail et y aurait consenti.

M. F X a certes établi une attestation aux termes de laquelle il déclare avoir réglé le fermage de 2014 en espèces et celui de 2015 par chèque. Mais aucun autre élément de preuve n’est produit pour étayer la réalité de ces paiements.

La copie du chèque, qui aurait été établie en 2015, n’a notamment pas été versée aux débats, ni d’ailleurs aucun reçu.

Qui plus est force de constater que le reçu établi le 29 novembre 2016 par l’étude notariale en charge du règlement de la succession de Y B indique que le paiement effectué à hauteur de 511 EUR est afférent au fermage 2015, ce qui va à l’encontre de l’existence d’un précédent paiement au titre de cette année.

Il s’ensuit que l’attestation établie par M. F X ne peut pas suffire à démontrer la réalité des paiements allégués.

Aucun autre élément n’est versé aux débats susceptible de corroborer un agrément tacite de la cession du bail par Mme Y B.

En conséquence il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a retenu un agrément tacite de la cession du bail par le bailleur s’agissant de la parcelle cadastrée section […], bien propre de Mme Y B, et par des indivisaires titulaires d’au moins de 2/3 des droits indivis s’agissant des autres parcelles.

Référence: 

- Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 28 janvier 2020, RG n° 18/0140