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Le 14 septembre 2019

Selon les dispositions de l’art. 2258 du Code civil, la prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi.

L’art. 2261 du même code énonce que, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

Pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu’on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.

En revanche, selon l’art. 2271, la prescription acquisitive est interrompue lorsque le possesseur d’un bien est privé pendant plus d’un an de la jouissance de ce bien, soit par le propriétaire, soit même par un tiers.

Mme M E, épouse X, se prévaut d’une prescription acquisitive portant sur la parcelle cadastrée section A, […], située à Lutter, prescription qui serait acquise depuis 1982, trente ans, après que sa mère, Mme Z, épouse E, avait reçu, en donation-partage, le 2 mai 1952, la parcelle […] de la même section A, située également à Lutter.

La mention, sur l’acte de donation-partage, des propriétaires des parcelles voisines, ne fournit aucune preuve du lieu réel de situation de ces parcelles, à défaut d’éléments de nature à identifier précisément les parcelles dont étaient propriétaires les voisins ainsi désignés à la date de cet acte. De plus, ainsi que l’a relevé le premier juge, des contradictions existent entre ces mentions et un plan cadastral de 2013.

À l’appui de ses allégations selon lesquelles une inversion aurait eu lieu entre les parcelles données par sa grand-mère, Mme V W, veuve Z, à ses filles G et H, chacune ayant selon elle pris possession de la parcelle donnée à l’autre, Mme M E, épouse X, produit différentes attestations.

La première, datée du 25 novembre 2013, établie par M. AJ AK, alors maire de la commune de Lutter, affirme « qu’il est de notoriété publique que la parcelle section A […], Oberes Lietherthal, est exploitée sans interruption depuis le 20 août 1976 par Mme M E, épouse X ». Cependant, ce témoin, se contentant d’évoquer la notoriété publique, ne décrit pas de faits qu’il aurait personnellement constatés. Cette attestation n’a donc pas de valeur probante.

Il en est de même des attestations de M. I et de M. J, lesquels évoquent, l’un la cueillette de fruits, l’autre la coupe d’herbe pour nourrir ses lapins, sur la parcelle […], avec la permission de la famille X-E. En effet, ces témoins ne mentionnent aucune date concernant ces faits et n’en précisent pas la durée.

L’attestation de Mme O AL, épouse K, émane de la soeur de l’appelante et son objectivité peut être remise en cause. Au surplus, elle évoque elle aussi la cueillette de fruits, et ce pendant sa jeunesse avec ses parents sur cette parcelle. Or, étant née en 1931, elle peut faire allusion à une période antérieure à la donation-partage de 1952. Si elle ajoute « nous pouvions encore profiter des fruits ces dernières années », elle est particulièrement floue sur les dates et la durée de la période évoquée. Elle n’a donc, en tout état de cause, pas de valeur probante.

Il en est de même des différents écrits de M. AR-AS X, époux de l’appelante, pour les mêmes raisons de partialité.

L’attestation de M. AM B évoque l’exploitation, avec son père, M. AF B, de la parcelle […], et évoque un échange de cette parcelle avec les parcelles n° 1124-1056 et 1125-1056, entre ses parents et M. AN P, le 24 juillet 1961. Cet acte d’échange, versé aux débats, portait sur la parcelle […] de la section A. Cependant, sur l’attestation produite, la mention du […] est surchargée, ce qui lui ôte toute caractère probant. Au surplus, celle-ci évoquant la parcelle […], elle ne démontre pas l’existence d’une possession continue, par Mme M E, épouse X, ou son auteur, de la parcelle […].

Il résulte de ces éléments l’absence de preuve, de 1952 à 1976, suite à l’acte de donation-partage dont a été bénéficiaire la mère de Mme M E, épouse X, d’une possession de la parcelle […] par cette donataire. L’appelante ne démontre donc pas l’existence d’une possession de cette parcelle par sa mère, qu’elle pourrait joindre à la sienne, suite à l’acte de donation-partage du 20 août 1976. Elle ne démontre pas non plus l’existence d’une possession de cette parcelle par elle-même, qu’elle invoque pour la période 2976 à 1982.

Pour la période postérieure, M. L atteste avoir eu en fermage de la famille X-E la parcelle […], de l’été 2009 au 9 janvier 2013, pour un pâturage de chevaux. Cependant, cette attestation est largement postérieure à la période durant laquelle Mme M E, épouse X, invoque l’écoulement d’une prescription acquisitive, qui est celle de 1952 à 1982.

De plus et surtout, Mme O P, épouse Y, et M. Q Y produisent pour leur part un relevé parcellaire d’exploitation de la MSA de 1991, établi au nom du GAEC AP, mentionnant l’exploitation, par ce GAEC, de la parcelle située section A, […], appartenant à M. AG Y. Ce document officiel démontre l’existence d’un bailconcédé par ce dernier sur cette parcelle, ce qui traduit une possession de celle-ci.

Si Mme M E, épouse X, produit un courrier au nom de M. AO AP du 28 décembre 2010, indiquant joindre le règlement d’un fermage de l’année 2010, ce courrier n’est pas signé et l’identité du propriétaire n’est pas non plus précisée, de même que l’identification des parcelles en cause. Il est donc dépourvu de toute valeur probante.

Il apparaît donc que, si un bail a été concédé par Mme M E, épouse X, sur cette parcelle […], de 2009 à 2013, bien qu’aucun bail écrit ne soit produit et que le seul élément de preuve soit l’attestation de M. L, qui peut paraître insuffisante à ce titre, cet acte ne s’inscrit nullement dans une possession continue de trente ans. Cette possession de l’appelante est en effet fort brève, dans la mesure où il n’est pas contesté que des actes de possession, précisément des travaux, ont été accomplis en 2013 sur cette parcelle par Mme O P, veuve Y, avant sa division et sa cession en 2014.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, force est de constater que Mme M E, épouse X, ne rapporte pas la preuve de la prescription acquisitive qu’elle invoque sur la parcelle située section A, […] à Lutter, et le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a rejeté ses demandes d’annulation d’actes présentées sur ce fondement.

Référence: 

- Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 12 septembre 2019, RG n° 18/00225